« La petite cité de Fontem, au Cameroun, mérite d’être mentionnée aujourd’hui. Son nom pourrait vraiment être : « C’est à moi que tu l’as fait ». Son histoire ressemble à un conte.

Il était une fois, dans une forêt du Cameroun, un peuple qui était très nombreux. La plupart de ses membres n’étaient pas chrétiens, mais très dignes, moralement sains et riches en valeurs humaines. C’était un peuple naturellement chrétien, dirait-on. Il s’appelle le peuple Bangwa, cependant il était décimé par les maladies. En effet, 98 % des enfants mouraient au cours de leur première année de vie.

En 1954, ne sachant que faire, ces Africains, et les quelques chrétiens qui étaient parmi eux, se sont demandé : « Pourquoi Dieu nous a-t-il abandonnés ? ». Puis ils ont convenu : « Parce que nous ne prions pas ». Alors, d’un commun accord, ils ont décidé : « Prions pendant un an, peut-être que Dieu se souviendra de nous ! ». Ils ont prié, jour après jour, n’ayant qu’une seule pensée en tête : « Demandez, on vous donnera ; frappez, on vous ouvrira » (Mt 7,7). Ils ont prié toute l’année. Cependant à la fin, rien n’avait changé.

Fontem 19 gennaio 1969
Chiara Lubich, Fontem, 19.1.1969

Sans s’alarmer, les quelques chrétiens dirent au peuple : « Dieu ne nous a pas exaucés parce que nous n’avons pas suffisamment prié. Prions encore une autre année entière ! ». Ils ont donc prié l’année suivante, toute l’année. La deuxième année passa mais rien ne se produisit encore.

Ils se réunirent donc et dirent : « Pourquoi Dieu nous a-t-il abandonnés ? Parce que nos prières ne valent pas aux yeux de Dieu. Nous sommes trop mauvais. Récoltons un peu d’argent et envoyons-le à l’évêque pour qu’il fasse prier une tribu plus digne, afin que Dieu ait pitié de nous ! ».

L’évêque est touché et commence à s’intéresser à eux, va les trouver et leur promet un hôpital. Cependant trois ans passent mais l’hôpital n’est toujours pas construit. À un moment donné, des focolarini médecins arrivent. Et le peuple Bangwa voit en eux la réponse de Dieu. Les focolarini sont appelés « les hommes de Dieu ».

Dans cette situation, ils comprennent qu’ils ne peuvent pas parler. On ne peut dire dans de telles circonstances : « Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous ! » (Jc 2,16), il faut se retrousser les manches et travailler. Ils ouvrent donc un dispensaire au milieu de difficultés inénarrables.

Je m’y suis rendue moi aussi trois ans plus tard. Cette grande foule de personnes, réunies sur une vaste esplanade devant l’habitation de leur roi, le Fon, m’apparaît tellement unie et tellement désireuse de s’élever spirituellement, que j’ai l’impression que Marie a préparé depuis longtemps ce peuple à accueillir le christianisme dans sa forme la plus intégrale et la plus authentique. À cette époque-là, le village était déjà méconnaissable. Non seulement à cause des routes et des maisons qui avaient été construites, mais aussi à cause des personnes elles-mêmes.

Le travail réalisé auparavant par les missionnaires, qui ne pouvaient visiter la région que rarement, avait posé des fondements très solides. De petits noyaux de chrétiens étaient déjà nés, ici et là, comme une semence attendant de se développer. Cependant, à présent, le mouvement vers le christianisme avait pris les proportions d’une avalanche. Chaque mois des centaines d’adultes devaientt être baptisés, bien que nos prêtres soient rigoureux dans la sélection. Un inspecteur du gouvernement, qui faisait un tour dans la zone pour inspecter les écoles élémentaires, voulut déclarer à la fin : « Tout le peuple est orienté avec force vers le christianisme parce qu’il a vu que les focolarini le vivent concrètement ».

Et il faut dire que l’œuvre d’évangélisation, menée par les focolarini durant ces trois années, s’est appuyée presque exclusivement sur le témoignage. Ils ont beaucoup travaillé, bien plus, ils n’ont fait pratiquement que travailler, et dans les conditions les plus difficiles : à cause du manque de moyens adaptés et de l’absence de capacités de la main-d’œuvre locale, à cause des routes impraticables et des difficultés de réapprovisionnement. Ils n’ont donc fait aucune réunion, aucune grande Journée, aucun discours public, justes quelques entretiens privés lors de rencontres occasionnelles. Et pourtant, chaque dimanche le hangar-Église se remplissait toujours plus de personnes ; avec le groupe de ceux qui étaient déjà chrétiens, augmentait chaque fois le nombre des animistes désireux de connaître le christianisme. L’Église était archipleine et la foule à l’extérieur (…) était plus nombreuse que celle qui était entassée à l’intérieur. Des milliers de personnes participaient à la messe et plusieurs centaines recevaient l’Eucharistie.

L’expérience de Fontem a été unique pour nous. Nous avons eu l’impression de revivre le développement de l’Église, les premiers temps, quand le christianisme était accepté de tous, dans son intégralité, sans restrictions ni compromis. Et l’expérience de Fontem commençait déjà à intéresser d’autres communautés africaines, comme celles de la Guinée, du Rwanda, de l’Ouganda et de Kinshasa au Zaïre[1],, si bien que Fontem devenait toujours plus un centre pilote pour la diffusion d’une évangélisation caractéristique. À présent, Fontem est un village déjà grand qui a tout ce qui est essentiel à un village. C’est aussi une paroisse.

Le peuple a cru les focolarini parce qu’ils ont fait à Jésus ce qu’ils ont fait aux Bangwa, donnant avant tout le témoignage de l’amour entre eux et ensuite envers tout le peuple ».

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[1] Actuelle République démocratique du Congo

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