Ces paroles peuvent nous désorienter. Jésus dit de nous couper le pied ou la main, de nous arracher l’œil s’ils sont un sujet de scandale (s’ils nous incitent à pécher). Nous le savons, ces mots ne sont pas à prendre à la lettre bien qu’ils aient toute la force du « glaive à double tranchant » qu’est la Parole selon la définition de l’épître aux Hébreux (He 4,12). C’est donc plutôt une façon de parler qui exprime que, si une occasion de pécher se présente à nous, nous devons être disposés à renoncer à tout ce que nous pouvons avoir de plus cher – choses ou personnes – plutôt que de manquer l’entrée dans la vraie vie, c’est-à-dire la communion avec Dieu et notre pleine réalisation.
Dans les évangiles le mot « scandale » indique tout ce qui s’interpose entre Dieu et nous et constitue un obstacle à l’accomplissement de sa volonté ; c’est un peu comme des bâtons dans les roues qui bloquent notre route à la suite de Jésus, comme des embûches qui tendent à nous faire tomber dans le péché. Il y a dans la vie des moments où notre œil, notre main, notre pied « sont des occasions de scandale, de péché » ; en d’autres termes ils cherchent à nous inciter à renier Jésus, à le trahir, à lui préférer quelque chose d’autre.
C’est ce qu’a bien compris une jeune fille de 23 ans, Santa Scorese, qui en 1991, à Bari (Italie du Sud) a préféré mourir plutôt que de répondre aux avances malhonnêtes d’un garçon de son âge. Pour elle, Dieu valait plus que sa propre vie.

« Si ton pied entraîne ta chute, coupe-le; il vaut mieux que tu entres estropié dans la vie que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne ».

Cette Parole de vie arrache le masque du « vieil homme »  qui est en nous. Le péché ne vient pas de ce qui est hors de nous, mais jaillit de notre propre cœur. Le « vieil homme » vit en nous lorsque nous cédons aux pièges du mal et que nous nous laissons dominer par nos mauvaises inclinations : l’égoïsme, la soif de pouvoir, de gloire, d’argent…
Notre « vieil homme » doit céder la place à « l’homme nouveau », à Jésus en nous.
Sommes-nous capables par nos propres forces de déraciner nos passions désordonnées et de faire naître en nous la vie divine ? Non, seul Jésus, par sa mort, peut faire mourir notre « vieil homme » et, par sa résurrection, peut faire de nous des hommes nouveaux. Lui seul peut nous donner le courage et la détermination de lutter contre le mal, lui seul peut nous remplir d’un amour absolu pour le bien. C’est de lui que proviennent la liberté intérieure, la paix et la joie ineffable qui nous élèvent au-dessus des bassesses du monde et nous font expérimenter dès maintenant l’avant-goût du Ciel.

« Si ton pied entraîne ta chute, coupe-le; il vaut mieux que tu entres estropié dans la vie que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne ».

L’ « homme nouveau » en nous doit grandir et se protéger des pièges du « vieil homme ». Que pouvons-nous faire pour cela ? J’écrivais en 1949 : « Il existe bien des façons de faire le ménage dans une pièce : on peut ramasser chaque brindille une à une ; on peut se servir d’un petit balai, d’un grand balai, d’un gros aspirateur, etc. Ou bien – pour se trouver dans un lieu propre – on peut changer de pièce et tout est fait. Il en va de même en ce qui concerne notre sanctification. Plutôt que de faire de gros efforts, nous  pouvons immédiatement mettre notre moi de côté et laisser vivre Jésus en nous. C'est à dire vivre « transférés » dans l’autre : dans notre prochain, par exemple, qui – à tout instant – est proche de nous : vivre sa vie dans toute sa plénitude. »
Aimer ! Cela résume toute la doctrine de Jésus. Affiner notre cœur pour qu’il soit capable d’écoute, faire nôtres les problèmes et les soucis de nos prochains, partager leurs joies et leurs douleurs, faire tomber les barrières qui nous divisent encore, dépasser les jugements et les critiques, sortir de notre isolement pour nous mettre à la disposition de ceux qui sont dans le besoin ou qui sont seuls, construire dans notre entourage l’unité que Jésus désire.
Si nous vivons ainsi, Dieu nous attire dans une communion toujours plus profonde avec lui, il nous rend forts et presque inattaquables devant les erreurs et l’attrait du monde.

« Si ton pied entraîne ta chute, coupe-le; il vaut mieux que tu entres estropié dans la vie que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne ».

Jésus ajoute qu’il faut couper énergiquement ce qui est pour nous une occasion de péché, qu’il s’agisse de choses, de personnes, de situations. Cela équivaut à cette autre Parole de l’Évangile : « Renie-toi toi-même » . Le chrétien est quelqu’un qui a le courage de lutter contre ses tendances égoïstes, pour qu’elles ne se transforment pas en style de vie.
Au cours de ce mois, sortons de nous-mêmes pour aimer ceux qui nous sont proches ; soyons attentifs à nous détacher de ce qui ne mérite pas notre amour, ce qui entrave la vie de l’homme nouveau en nous, bref, arrachons ce qui doit être enlevé de notre cœur. Aucun sacrifice n’est trop grand pour maintenir la communion avec Dieu. Chaque émondage fera jaillir de notre cœur la joie, la vraie joie, celle que le monde ne connaît pas.

Chiara Lubich

 

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