Du soin à la politique
L’expression « Dare to care » m’a fait repenser à mon expérience politique des années ’90 au Parlement italien. Elle a été le fruit de mon expérience de Gen et de mon expérience de famille engagée dans le mouvement Familles Nouvelles.
Depuis 7 ans, j’étais médecin, puis pédiatre. J’étais mariée et, avec mon mari, nous étions immergés dans l’expérience splendide et passionnante d’élever 3 enfants. Avec beaucoup d’autres jeunes et avec les familles de notre petit groupe, nous étions engagés dans la vie sociale de notre ville en luttant contre la marginalisation.
Nous étions donc immergés dans le « soin » en termes sanitaires, culturels et sociaux. Avec Paolo, puis avec les enfants, nous avions toujours désiré construire une famille « ouverte » à la vie, aux autres, au monde, mais nous n’aurions jamais imaginé ce qui allait arriver à cause de cet engagement. D’ouverture en ouverture, nous nous sommes retrouvés à dire oui à une proposition de candidature qui m’a/nous a été faite un jour. Nous sentions que c’était juste : oser pour aimer. Nous avions été aimés de Dieu et de nos frères de l’Œuvre et nous devions répondre à cet amour et le faire ensemble.
Je me suis donc retrouvée au Parlement à m’occuper du bien commun d’une autre manière, dans les institutions politiques. Et j’y suis arrivée avec un bagage de connaissances qui n’étaient pas à proprement parler politiques. Selon beaucoup, je n’étais pas prête, et c’était vrai, mais je pressentais en même temps que mon expérience pouvait avoir une potentialité intéressante pour les « questions » auxquelles un État doit répondre.
La dimension familiale, constamment présente, m’a aidée à ne jamais oublier le soin des personnes.
Faire de la politique, ça ne voulait pas dire avoir des super-pouvoirs, mais vivre une dimension jamais séparée de la réalité. Raconter une histoire à mes enfants était aussi important que de prendre la parole au Parlement et mon langage devait toujours être le même. Cette dimension familiale et politique à la fois m’a aidée à ne jamais accepter le « code » des « élites du Palais » de la politique.
La dimension sociale, qui était pour nous depuis toujours une dimension nécessaire pour nous réaliser en tant que famille, s’est transformée dans mon engagement politique en l’idée d’un pacte.
Je fis un pacte, que je n’ai jamais abandonné, avec un groupe de citoyens. Par leur critique précise et informée, ils m’aidaient à être l’expression d’un pacte démocratique, renouvelé, pour que je sache m’occuper de sujets concrets et importants.
Les deux jeunes femmes avec qui nous avons construit le bureau parlementaire et moi, nous nous sommes mises à étudier beaucoup pour être à la hauteur de la tâche. Nous avons cherché des expériences diverses en Italie et à l’étranger et nous avons découvert que le « soin » en 2 politique pouvait se décliner de mille manières et se transformer résolument en choix politiques.
Annalisa Marinelli, urbaniste, décrit très bien dans son livre La città della cura (la ville du soin) que l’intelligence domestique (ce qu’on apprend en prenant soin de tous les aspects de la vie des membres de sa famille) est une « parole politique ».
En somme, j’ai finalement découvert que faire de la politique voulait également dire aimer. L’amour avait éclairé ma vie personnelle, familiale et sociale. Ce même amour avait une autre dimension : agir en politique était aussi une question d’amour.
L’amour politique doit garder les mêmes caractéristiques que l’amour personnel. Il faut utiliser sa tête et donc son intelligence, son cœur avec les sentiments et l’imagination, ses muscles avec tout le concret nécessaire. L’amour politique doit être capable de tenir à la fois la dimension de l’attention à la personne et la construction du Bien Commun, parce que le bien commun est composé des desseins de chacun. Tous et chacun portent en soi un dessein et la grandeur d’une vocation. Seule la réciprocité entre les dimensions personnelle et sociale fait naître des initiatives politiques adéquates.
Prendre soin devient alors source d’inspiration pour les priorités politiques. Quelques exemples concrets ?
- Les politiques sociales ne sont plus considérées comme des dépenses coûteuses et peu rentables, mais comme des investissements, de l’argent qui produit des effets pour tous, parce qu’il engendre inclusion et bonheur social.
- L’urbanisme devient un choix qui met en lumière ce qui peut être réutilisé, en restaurant ce qui est déjà construit, au lieu de construire du neuf en utilisant des terres cultivables.
- La politique étrangère prend elle aussi une dimension très différente.
Par exemple, je me rappelle comment se sont passées les choses en 1992.
Je devais décider si je votais oui ou non pour une intervention militaire de mon pays dans la guerre du Golfe Persique.
Chaque soir, avec mes enfants, nous priions pour la paix et cela m’a aidée à chercher à bien comprendre comment me comporter.
J’ai étudié longuement la situation avant de voter et me suis rendu compte de l’imbroglio médiatique qui nous était servi dans cette circonstance.
J’ai voté non, en allant à l’encontre des indications de mon parti et aujourd’hui encore, j’en suis fière!