Avr 18, 2016 | Non classifié(e)
Lorsqu’en 1948 Giordani rencontre le Mouvement des Focolari, il est député du nouvel Etat italien, après une vie mûrie par ses combats menés avec une égale vigueur en faveur de la foi et d’une vision de la vie publique éclairée par le haut. Son engagement dans ce dernier domaine lui a valu d’être mis à l’écart au niveau professionnel. Sa lecture de l’Evangile fuyant deux extrêmes: celui de l’intimisme désincarné et celui qui tend à le réduire à un simple messianisme terrestre. Pris dans sa dimension à la fois humaine et divine, le message évangélique est la semence d’une révolution (“la” révolution) qui a bouleversé l’histoire et qui poursuit son œuvre aujourd’hui, en faveur d’une liberté de l’homme toujours plus profonde. Son idée fondamentale, “leitmotiv” de nombreux de ses ouvrages, était le lien profond qui existe entre le divin et l’humain, nécessaire à l’intérêt de l’homme: la liberté et la dignité de l’homme trouvent leur origine grâce à l’accueil du Christ au cœur de la vie des peuples. Liberté, égalité, solidarité, usage social de la richesse, dignité du travail, harmonie entre Etat et Eglise, animation morale de la vie publique et de l’activité économique, antimilitarisme et paix entre les peuples: tels étaient les points forts de sa pensée. Il était donc dans ces dispositions au moment de la rencontre qui devait imprimer à sa vie – déjà fortement ancrée en Dieu – une envolée vers le haut. Il avait aussi mentionné dans les pages de son journal son angoisse due aux incohérences entre sa foi personnelle et sa vie publique, à la fragilité de son “ascèse” personnelle rendue vaine par “ses échecs en politique, en littérature et dans la vie sociale”. Il y faisait part de son déchirement intérieur, se sentant incapable de répondre à son profond désir de “diffuser la sainteté à travers une pauvre feuille de journal” (à cette époque il était directeur du journal ‘Il popolo”), “de diffuser la sainteté depuis une salle des pas perdus” (le hall de Montecitorio). “Qui fera ce miracle?”, s’était-il demandé en août 1946. La réponse à de telles angoisses et à cette question s’était présentée lors de sa rencontre avec Chiara Lubich, une sorte d’ “appel” providentiel. Elle lui avait permis de fortifier son christianisme déjà très vivant, en enrichissant tout à la fois sa dimension divine mais aussi sociale. Cette rencontre le mit d’emblée au contact de ce charisme. Son esprit, nourri d’une profonde connaissance des spiritualités de l’histoire de l’ Eglise, en perçut immédiatement les vastes dimensions et implications théologiques et historiques. La spiritualité de l’unité lui apparut aussitôt comme une puissante énergie utilisable non seulement au sein de l’Eglise, mais aussi dans les communautés civiles “pour permettre à la société humaine de partager l’idéal des saints, pour que la vie politique soit pénétrée par la grâce: qu’elle devienne un instrument de sainteté”. C’est ainsi que mûrit l’une des contributions fondamentales que Giordani devait donner au développement du Mouvement des Focolari: aider le petit groupe qui débutait à prendre conscience de l’efficacité, y compris sur le plan humain, du charisme qui était en train de se manifester. Maintenant que l’arbre du Mouvement a fleuri sur tous les continents, il lui reste une sève vitale, celle du témoignage de Giordani, mais aussi sa vision du christianisme social, pour laquelle il a travaillé et combattu durant toute sa vie: il s’est dressé avec la stature d’un prophète biblique contre toute dissociation entre la foi et les œuvres et contre toute les atteintes à la liberté qui en résultent. Il laisse au Mouvement des Focolari un précieux patrimoine à approfondir, en raison de sa pensée et de sa méthode. Je pense que la voie qu’il indique est valable pour le monde entier, vu son regard perspicace sur les expériences historiques du Christianisme et sa lecture évangélique équilibrée, loin des ingénuités fidéistes et intégristes, ouverte à la recherche d’une “collaboration rationnelle” entre les deux cités: celle de Dieu et celle de l’homme. Extrait de: Tommaso Sorgi, L’héritage qu’il nous a laissé, Città Nuova n° 9-10 mai 1980
Avr 17, 2016 | Focolare Worldwide
Œcuménisme vécu, avec une souffrance portée ensemble : celle de la tragédie humanitaire la plus grande après la seconde guerre mondiale, comme a été définie la crise des migrants par le pape François en parlant avec les journalistes lors du vol aller. Un voyage, celui du 16 avril sur l’ ile grecque de Lesbos, marquée par la tristesse. Après l’accord UE- Turquie, le camp de réfugiés du Moria semble être devenu un camp de détention, entre les protestations et le désaccord des organisations humanitaires. Et, dans les bras du pape François, du patriarche œcuménique de Constantinople Bartolomé, de Jérôme, l’archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce, les marginaux de l’histoire, les rejetés des décisions politiques, deviennent le centre du monde. « Celui qui a peur de vous ne vous a pas regardés dans les yeux », affirme avec force Bartolomé. « Ne perdez pas l’espérance ! » est le message que le pape François souhaite laisser aux réfugiés, « Le plus grand cadeau que nous puissions nous offrir réciproquement est l’amour : un regard miséricordieux, le souci de vouloir s’écouter et se comprendre, une parole d’encouragement, une prière ».
Reconnaissance pour le peuple grec, exprimée avec différentes nuances par les trois leaders religieux : dans un moment de grande difficulté à cause de la grave crise économique, les gens réussissent à trouver les ressources pour ouvrir les bras et le cœur à celui qui est en fuite vers un futur ; il en est ainsi des nombreux volontaires qui sont venus de tous les coins d’Europe et du monde. Pauline, originaire de l’Afrique du Sud, de la communauté des Focolari, vit depuis des années entre Athènes et Lesbos. Plus d’une fois, elle a assisté aux débarquements et a secouru les réfugiés : « Le Pape a donné aussi un message politique à propos de l’ouverture des frontières. Je me demande pourquoi il n’est pas allé à Idomeni. Peut-être cela aurait-il été un geste politique trop explicite ». Chiara, de l’association Pape Jean XXIII : « Il a dit ce que je sens depuis longtemps : arrêtons de classifier ces gens seulement comme ‘réfugiés’, comme des numéros. C’est l’heure des contacts personnels, de connaître les histoires » ; tandis qu’ Eugenio, du Corps Italien de Secours de l’Ordre de Malte, déclare : « J’ai été ému lorsqu’il a parlé des enfants morts dans la mer, parce que j’ai moi-même vu ces scènes. J’ai pu lui serrer la main et j’ai reçu de la force pour mon travail ». Cristina est catholique et ses grands-parents ont fui comme réfugiés, de la Turquie à Losbos : « Cela a été un événement historique, impensable pour cette ile. Cela me semble être un rêve ».
Le Père Maurice, coordinateur du JRS (Jesuit Refugee Service) en Grèce, déclare : « Tout a été important : les paroles, les gestes, le silence. Tout parlait de soi. Le moment le plus fort, dans les ”carcere (prisons)” : le contact personnel du Pape avec chacun ». « Un message commun a été envoyé aux réfugiés – affirme encore le religieux, engagé en première ligne pour l’accueil – Ils sont en majorité d’origine ou de foi musulmane. Ils découvrent une terre dont les racines sont chrétiennes. Il est donc important qu’ils voient l’unité des leaders chrétiens et le rapprochement que ceux-ci désirent leur témoigner ». « Émouvant. C’est très important du point de vue œcuménique et politique, pour la rencontre avec le premier ministre, Alexis Tsipras », commente Vasileios Meichanetsidis, de Apostoli, une ong de l’Église orthodoxe. « Le Pape a reconnu tout ce que les Grecs ont fait, et les Grecs l’ont accueilli avec joie ».
« Nous sommes tous des migrants » a affirmé encore François dans la prière au port de Lesbos, où, comme à Lampedusa en 2013, il a jeté, en souvenir des morts dans la Méditerranée, une couronne de fleurs, dans ce qui a été plus d’une fois défini comme étant un cimetière. Quelles attentes pour le monde politique ? « Il s’agit d’un supplémentaire et fort appel avant tout à l’Europe, de considérer la question des migrations et des réfugiés non seulement en termes de politique interne et d’urgence mais comme un nouveau front sur lequel on joue le même avenir du continent , et sa crédibilité dans la cohérence entre les principes et les les politiques concrètes », déclare Pasquale Ferrara , auteur du récent volume ”le monde de François. Bergoglio et la politique internationale”, et membre de l’École Abba pour les Sciences politiques. Ferrara est entre autres Consul d’Italie à Athènes. « Le Pape, en se rendant là, n’a pas fait une visite humanitaire, mais a souligné cette dimension profonde », continue Ferrara. « Et qu’il l’ait fait d’une manière œcuménique représente un signal encore plus fort : presque pour dire, la politique ne réussit pas à résoudre ce sujet, nous nous mettons dans le jeu, non dans des termes de substitution mais pour souligner que cela soit un point prioritaire dans l’agenda politique mondial. Le fait que les réfugiés emmenés au Vatican sont tous musulmans, souligne que l’on ne protège pas seulement les chrétiens persécutés, objet d’extermination de la part de l’Isis. Ce n’est pas un problème de religion, mais de mettre fin à la guerre, à toutes les guerres ». Déclaration commune Maria Chiara De Lorenzo
Avr 16, 2016 | Non classifié(e)
“Quand les conflits ont commencé en Syrie, voyant que l’avenir ne promettait rien de bon, j’ai pensé qu’il serait sage de quitter le Pays. L’offre d’un emploi au Liban me confortait dans cette décision. Aussi ai-je réservé les billets pour le voyage et commencé à préparer le transfert de toute notre famille. Mais de nombreux doutes pointaient au fond de moi: était-il juste de nous en aller pour assurer l’avenir de notre famille ou n’était-il pas plus indiqué de rester dans ce Pays que j’aimais tant pour aider les personnes ? En échangeant avec ma femme, j’ai compris qu’elle était plutôt portée à rester, mais elle s’en remettait à ma gouverne : pour elle l’important était que nous restions tous ensemble. Je me sentais très agité et désorienté. Jusqu’au jour où – j’étais à l’église – j’ai senti très clairement que notre place était ici, à Alep, pour partager la condition de notre peuple. Un peuple très diversifié en raison des nombreuses minorités ethniques, des différentes religions et confessions, mais qui s’était montré capable de vivre en bonne entente. Un peuple généreux au point d’accueillir au cours de ces dernières décennies, et malgré l’embargo, des palestiniens, des libanais, des irakiens, en leur donnant la parité des droits et la possibilité de travailler. Nous avons décidé de rester. Je travaillais à mon compte et gagnais bien ma vie. Mais après les cruels événements qui ont commencé à dévaster le Pays, mon magasin a été dévalisé et ensuite détruit. Malgré cela, les occasions d’offrir notre aide ont été innombrables, soit directement, soit à travers le Centre pour les sourds-muets que nous nous avions, mon épouse et moi, commencé à prendre en charge. Par la suite nous nous sommes associés avec d’autres organisations humanitaires pour arriver, avec l’aide de la Providence qui nous a prodigieusement aidés, à procurer le nécessaire à plus de 1500 familles. Au cours de ces cinq années de guerre, à cause des bombardements envoyés « par hasard » sur nos quartiers, nous avons vu beaucoup de familles perdre des êtres chers et beaucoup de personnes devenir handicapées à vie. Un jour, alors qu’il se promenait sur la route avec sa famille, le chauffeur du Centre de sourds-muets que nous suivons, a perdu sa femme et sa fille , frappées par un obus de mortier. Lui aussi a été gravement blessé et, sous le choc, transporté d’urgence à l’hôpital. J’ai pu parler de cette situation dramatique à un prêtre et à l’évêque, qui informé de la situation, a pris en charge les funérailles de sa femme et de sa fille. De mon côté j’ai commencé à chercher la somme d’argent nécessaire pour l’opération du papa. L’hôpital, sensible à l’intérêt que beaucoup portaient à cette situation, a diminué ses coûts et quelques médecins ont renoncé à leurs honoraires. Ainsi nous avons pu non seulement couvrir toutes les dépenses, mais il est resté de l’argent pour la série d’interventions qu’a dû subir le chauffeur pour se soigner. Un autre jour un musulman qui travaille au service de l’église que nous fréquentons m’a appelé pour me demander de l’aider à trouver une autre maison où habiter. Il avait vu les rebelles armés entrer dans son quartier et il était préoccupé pour la sécurité de ses deux filles. Après de nombreux contacts, j’ai finalement réussi à leur trouver un logement. Arrivé dans sa nouvelle maison, il s’est rendu compte qu’il avait un besoin d’une bouteille de gaz, mais il n’arrivait pas à en trouver une. Alors il m’a téléphoné : « Je viens te demander ces aides à toi – m’at-il dit – parce que tu es mon frère n’est-ce pas ? » et je lui ai répondu « Bien sûr que nous sommes frères ». Après le dernier cessez-le-feu, nous vivons une période de calme apparent, même si de temps en temps on entend des bombardements qui nous inquiètent et nous empêchent de dormir la nuit. Pour ce qui est de mon activité professionnelle, tant que les armes ne se tairont pas complètement, il est impossible de la reprendre. Ce qui nous soutient dans cette situation de précarité dont on ne voit pas l’issue, c’est la communauté du Focolare et une foi inconditionnelle en l’amour de Dieu qui ne nous abandonne jamais. Pour chaque problème rencontré, nous sentons que nous ne sommes pas seuls. Nous continuons à expérimenter qu’en nous donnant aux autres nous trouvons la paix. Une Paix qui reste toujours un défi car c’est un don qu’il faut conquérir chaque jour ».
Avr 15, 2016 | Focolare Worldwide

Photo: CAFOD Photo Library
Athènes : dans le camp de réfugiés du Pirée vivent 4.500 migrants, sur les 53000 que l’on compte aujourd’hui en Grèce et dans les îles. C’est un centre ”informel”, qui va de l’avant uniquement grâce à l’activité des bénévoles. On le visite, dans le contexte du projet « Journalistes et migrations », accompagnés par Elena Fanciulli, 23 ans, de l’Association Pape Jean XXIII. Depuis qu’elle a terminé ses études en Sciences pour la Paix, en décembre dernier, la jeune italienne, envoyée à Athènes, a vu la situation évoluer rapidement. « En janvier, lorsque je suis venue au Pirée pour la première fois, ma tâche était d’attendre la grande embarcation, afin d’accueillir les immigrés et de leur donner un peu de nourriture. Ils descendaient et rapidement, ils prenaient le car pour Idomeni et d’autres centres à la frontière : la Grèce n’était pas leur destination finale. Depuis qu’au début du mois de mars les frontières ont été fermées, le Pirée s’est transformé en un enfer terrestre. Il n’y a pas d’installations sanitaires suffisantes, il n’y a pas de douches, les enfants vont pieds nus, mettent des vêtements d’hommes et doivent ainsi tenir leur pantalon lorsqu’ils marchent… La nourriture est le dernier souci. Malheureusement souvent, le problème expire avant d’être affronté. En effet, comme c’est un camp ”informel”, il n’y a pas de coordination, et il y a le risque que beaucoup de nourriture, apportée par les gens d’Athènes, se perde. Tout ce qui se trouve au Pirée a été donné. Bien que ce soit un enfer, il y a ceux qui apportent un peu de Paradis ». Quelles sont les perspectives pour ces 4.725 personnes qui se trouvent au Pirée depuis plus d’un mois ? « Le nombre de réfugiés doit arriver à zéro. Nous sommes aux portes de la saison touristique et les personnes, – pour laisser libre l’espace du port où accostent les croisières – seront dispersées dans d’autres camps. La perspective est au point mort. La Grèce risque de devenir un grand camp de réfugiés, à ciel ouvert. Il y a ici surtout des syriens, mais aussi des afghans, irakiens, iraniens, et puis dans différentes prisons d’Athènes, il y a des marocains et des algériens : ce sont essentiellement des migrants économiques qui arrivent en général sans papiers. Pour distribuer les aides et faire jouer les enfants – « il suffit parfois d’un marqueur et d’une feuille de papier, d’un ballon et d’un hula-hoop pour remonter un peu le moral », explique Elena – en plus de l’association Jean XXIII, il y a aussi l’UNHCR, Mensajeros de la Paz, Croix Rouge, Pampeiraiki, Focolari. « Mais – continue Elena – l’organisation fonctionne comme un réseau, il n’y a pas de responsable. Les associations, ainsi que les églises, s’engagent ici car c’est surtout dans ces lieux informels qu’il y a le plus de besoins ». Afin de gérer la coordination des réfugiés, les différentes associations se retrouvent chaque semaine avec l’UNHCR. Sur leur portail on peut trouver les différentes données en ce qui concerne les arrivées et la distribution. Et à la partie technique et légale s’ajoute, quand c’est possible, la partie spirituelle et humaine : « Une fois par mois, nous nous réunissons avec les associations catholiques au Kentro Arrupe des Jésuites. C’est un moment de coordination mais aussi de prière et de soutien. Nous éprouvons nous aussi la souffrance, le besoin d’écoute, de se lâcher. Pour extirper nos peurs, parler de ce que nous pensons du futur, de comment nous pouvons nous améliorer. Si ici, le bénévole en a marre, plus personne ne mange, plus personne ne s’habille. Le bénévole doit être là mais pas comme unique ressource ». « Il y a ici des gens dépressifs, avec les yeux vides, les pieds nus. C’est grâce à l’humanité de beaucoup de grecs qu’on va de l’avant. Les docteurs, on peut les trouver – gratuitement – même à trois heures du matin. C’est le point de vue de l’Europe vue d’en bas, où il y a beaucoup de gens qui agissent ». Qu’est-ce qui t’a poussée à faire cette expérience ? « Après mon diplôme, le moment était arrivé de mettre en pratique ce que j’avais appris. C’est ainsi que j’ai décidé de partir. Une amie me conseilla l’Association Pape Jean XXIII. Le temps de suivre le cours des missions qui prépare à la manière d’être sur le terrain et à gérer nos propres émotions. Après le cours, je suis partie. J’avais demandé un point de la terre où ma vie allait être bouleversée et mes études confirmées. Je pensais à l’Amérique Latine, mais ils m’ont conseillé la Grèce, qui est dans l’œil du cyclone en ce moment. Maintenant, je me retrouve ici à faire ce que je peux, parfois avec les genoux à terre, car politiquement je ne suis personne, mais je peux faire quelque chose, et je m’y atèle, avec beaucoup de pleurs le soir avant de m’endormir et en espérant ne pas en être écrasée. Je suis consciente de n’apporter qu’une seule goutte. Et peut-être que moi aussi j’ai besoin du pauvre, de la rencontre avec l’autre ». Maria Chiara De Lorenzo
Avr 14, 2016 | Non classifié(e)
Après les deux synodes sur la famille, voilà que le pape se prononce finalement avec Amoris Laetitia. Un texte qui porte sa marque. Ce pape de la miséricorde créera de nouveaux consensus, même parmi ceux qui disaient avoir ‘fermé leur porte’ à l’Eglise, ou ne plus croire du tout. La récente exhortation, avec sa centaine de pages et plus, va aussi à la rencontre de ceux qui espéraient un changement, si évident sur le plan pastoral. Du côté doctrinal rien n’a changé, cela pour ceux qui sont plus liés à la tradition. Une perche tendue à tout le monde, même pour qui se trouve en situation dite ‘irrégulière’. Pour le pape François « aucune famille n’est une réalité parfaite ni fabriquée une fois pour toute, mais chacune demande un développement graduel de sa propre capacité à aimer » (AL 325). En faisant presque s’écrouler la distinction entre ‘réguliers’ et ‘irréguliers’ et à vouloir souligner que personne n’est condamné ni exclu sans recours possible. L’ouverture la plus significative de Amoris Laetitia est sans aucun doute celle qui concerne les nouvelles unions après divorce, pour lesquelles il est prévu un parcours de croissance dans le discernement selon les capacités de chacun. Elles seront accompagnés par des pasteurs ou, comme cela est aussi mentionné, par des « laïcs qui vivent, donnés au Seigneur » (AL 312) se sachant appelés à « former les consciences, sans prétendre se substituer à elles » (AL 37). Un parcours qui dans certains cas, comme il est mentionné dans la note 351 de l’exhortation, pourrait aboutir même à l’accès aux sacrements. Puisque, réitère le pape, l’Eucharistie « n’est pas une récompense pour les gens parfaits, mais un remède généreux et un aliment pour les faibles ». Mais si les ‘ouvertures’ aux remariés ont justement frappé l’attention des médias, ce sont les chapitres 4 et 5 (sur la beauté de la famille qui prend sa source dans le dessein trinitaire et qui s’alimente de cette charité dont parle S. Paul dans Cor 1,13) qui excellent. La centralité de la vie de couple n’a peut-être jamais été présentée sous ce jour : « C’est la rencontre avec un visage, un ‘‘tu’’ qui reflète l’amour divin et en est le bien sublime. Ou bien comme s’exclamera la femme du Cantique des Cantiques dans une merveilleuse profession d’amour et de don réciproque : « Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui […]. Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi ! » (2, 16 ; 6, 3). (AL 12-13). « … D’autre part, nous avons souvent présenté le mariage de telle manière que sa fin unitive, l’appel à grandir dans l’amour et l’idéal de soutien mutuel, ont été occultés par un accent mis de façon quasi exclusive sur le devoir de la procréation.» (AL 36). Une phrase presque autocritique, qui fait ressortir l’intention de mettre en valeur l’eros inscrit dans les créatures, montre le mariage dans sa réalité concrète de « mélange nécessaire de satisfactions et d’efforts, de tensions et de repos, de souffrances et de libérations, de satisfactions et de recherches, d’ennuis et de plaisirs. » AL 126). Tout cela émerge à tout moment de la vie quotidienne qui dépasse le dilemme sacré et profane, événement solennel et insignifiant, parce que rien n’est secondaire aux yeux de l’amour et de la foi. Le pape tient aussi compte des attentes grandissantes de la vie ; les conjoints doivent « se choisir à maintes reprises » (AL 163), dans une régénération continuelle et un changement de registres de l’amour : « Nous ne pouvons pas nous promettre d’avoir les mêmes sentiments durant toute la vie. En revanche, oui, nous pouvons avoir un projet commun stable, nous engager à nous aimer et à vivre unis jusqu’à ce que la mort nous sépare, et à vivre toujours une riche intimité. » Merci pape François ! On sentait le besoin d’un regard de l’Eglise qui continue à présenter aux époux cet idéal si haut et jamais atteint de l’harmonie trinitaire. C’est aussi comme une main fraternelle, celle de l’Eglise, qui se fait proche de tout le monde, sans mettre personne de côté.