
Cristina Montoya,
« En Colombie, ce conflit armé qui sévit depuis plus de 50 ans, le second de l’histoire contemporaine par sa durée, est tout le contraire de la paix. Un affrontement àdimensions multiples, né de l’inégalité et du déséquilibre politique, porté à son comble par l’instauration de logiques d’économies illégales comme le trafic de drogue. Plus de 4.500.000 personnes déplacées, 220.000 assassinats et 25.000 « disparus » officiellement enregistrés.
Mais le conflit ne se réduit pas uniquement au combat sur le front : il touche tout, il s’approprie les biens sociaux et culturels, l’espace public, les interactions quotidiennes, il blesse la vie des familles.
Lorsqu’on vit dans un pays qui pendant trois générations a connu la violence comme moteur des liens sociaux, un véritable changement anthropologique est nécessaire ; la logique du don, de la confiance, de la gratuité semble disparaître. Cependant la guerre ne consume pas tout ; nombreuses sont les initiatives, la créativité, les communautés qui travaillent pour construire un tissu social ainsi que la fidélité de Dieu qui ne manque pas à tout moment historique.
Un journal qui traînait dans une poubelle a communiqué la bonne nouvelle à un religieux colombien : il existait des gens qui croyaient sérieusement à l’évangile et le vivaient. Ses presque 78 ans se remplirent d’une vie qui devint immédiatement contagieuse. L’histoire de
Chiara Lubich et de ses premières compagnes et de ceux qui vivaient comme elles dans d’autres coins du monde, a déclenché l’espérance.
Ce sont des parcours et des visages comme celui de Rose, qui habite la périphérie de Medellin, parmi les régions les plus touchées. Son fils fut assassiné par un ami ; la réponse normale aurait été la vengeance, mais croire à l’amour implique d’avoir le courage de pardonner. Une blessure qui continue à faire mal, mais sa réponse a été de vivre pour le quartier : voilà une démarche de paix.
Ou bien Nubia, qui a dû s’enfuir un matin très tôt parce que la guérilla a occupé son village. Elle laisse derrière elle maison et champs : tout ce qu’elle a. Elle arrive dans une nouvelle ville, enceinte, avec son fils encore petit et une fille adolescente. Et la voilà qui perd son mari et son fils aîné sur un chantier exposé à des conditions de travail dangereuses. Une absurdité qu’on a peine à imaginer. L’amour de la communauté des focolari la soutient pendant des années, en lui donnant la force de commencer une nouvelle vie.
La paix n’est pas un bien en soi, pour la construire, il faut garantir la justice, combattre les causes qui lui font obstacle. C’est ce qu’ont fait
Gabrielina et Macedonio, en donnant leur pauvre maison pour construire un centre social devenu par la suite un bureau d’étude pour le renouvellement architectural de la ville. Il faut aussi rendre possible un autre avenir et pour cela travailler donner priorité à l’éducation. La mise en commun des biens a permis de créer une crèche qui accueille les enfants les plus pauvres : aujourd’hui c’est un lycée avec plus de 400 élèves avec un projet éducatif centré sur l’amour et la générosité, pour construire une Colombie en paix et pluraliste.
Nombreuses sont les initiatives concrètes parce qu’aucun peuple ne peut entrer en contact avec Chiara Lubich et rester comme avant. Son charisme qui porte à découvrir et croire en l’Amour produit un changement de mentalité, on se découvre capables d’aimer, on devient des sujets capables de paix.
Comme l’affirme Raphaël Grasa, Président de l’Institut International pour la paix de Catalogne et professeur invité à Medellin, « la paix commence par les personnes, continue avec les rapports interpersonnels, les groupes. La paix est dynamique, sa réalisation concerne toute l’harmonie de l’être humain avec lui-même, avec les autres, avec la nature ».
Maintenant qu’est prévue d’ici la fin du mois à La Havane la signature avec les FARC (Forces Armées Révolutionnaires de la Colombie) de l’accord de paix tant désiré, il faut réapprendre à la vivre – comme la création qui attend dans les douleurs de l’enfantement – et il se peut que le pays attende que les tenants de ce charisme se manifestent encore davantage ».
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