Mouvement des Focolari

Frère Roger Schutz : une vie couronnée par la palme du martyre

Dès que Chiara Lubich a appris la mort dramatique du frère Roger Schutz, elle a adressé une lettre à la communauté de Taizé :

« Bouleversés par la nouvelle de la disparition soudaine et absurde du frère Roger Schutz que nous aimions beaucoup, nous nous unissons dans la douleur et dans la prière à toute la communauté de Taizé.

Sa vie toute donnée à Dieu et à son prochain a été couronnée par la palme du martyre.

Frère Roger a été un constructeur de paix, un prophète d’espérance et de joie. “Dieu nous veut heureux” m’écrivait-il il y a environ deux mois, et nous pensons qu’il est maintenant dans la plénitude de la joie au sein de la Trinité.

Soyez sûrs que nous sommes particulièrement proches de vous en cette circonstance. Maintenant que le frère Roger a rejoint le ciel, nous souhaitons que perdure l’amitié qui, pendant quarante ans, nous a profondément liés à lui et à la communauté de Taizé. »

Commentaire de Chiara Lubich à la Parole de vie du mois de aout 2005

Il fait nuit. Les vents contraires rendent difficile la traversée du lac de Tibériade. La barque est ballottée par la tempête. Cette situation, les disciples l’avaient déjà connue ; mais le Maître se trouvait alors avec eux à bord, tandis que cette fois, il est resté à terre, priant sur la montagne.
Cependant Jésus ne les laisse pas seuls dans la tempête. Descendant de la montagne, il va à leur rencontre, marchant sur les eaux, et il cherche à leur redonner courage : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! ». S’agit-il bien de lui ou d’une illusion ? Dans le doute, Pierre demande une preuve : qu’il puisse, lui aussi, marcher sur les eaux. Jésus l’appelle à lui. Pierre sort de la barque, mais le vent lui fait peur et il commence à s’enfoncer. Jésus lui tend alors la main en lui disant :

« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

Ces paroles, Jésus continue de nous les adresser lorsque nous nous sentons seuls et désarmés dans les tempêtes qui bouleversent notre vie. Il peut s’agir de maladies, de douloureuses situations familiales, de violences, d’injustices… Le doute s’infiltre alors dans notre cœur, la révolte aussi peut-être… « Pourquoi Dieu ne voit-il pas ce qui se passe, ne m’écoute-t-il pas, n’intervient-il pas ? Ce Dieu d’amour en qui nous avons cru, n’était-il donc qu’un fantasme, une illusion ? »
Comme aux disciples apeurés et incrédules, Jésus continue de nous répéter : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! » À l’époque il était descendu de la montagne pour les soutenir dans le danger ; aujourd’hui le Ressuscité intervient encore dans notre vie. Marchant à côté de nous, il se fait notre compagnon de route. Il ne nous laisse jamais seuls dans les épreuves : il est là pour les vivre avec nous. Y croyons-nous assez ? C’est pourquoi il nous redit :

« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

Un reproche, ces paroles ? Non, plutôt une invitation à raviver en nous la foi. L’Évangile nous rapporte de nombreuses promesses de Jésus, par exemple : « Demandez et vous obtiendrez »; « Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît »; et ceux qui auront tout laissé pour lui recevront le centuple en cette vie et, en partage, la vie éternelle.
On peut tout obtenir, mais en croyant. Nous pouvons tout attendre si nous croyons à l'amour de Dieu.
Or, bien souvent, nous nous agitons comme si tout dépendait de nous dans la vie, tels des orphelins sans Père. Tout comme Pierre, nous voyons davantage la menace des flots agités que la présence de Dieu qui nous prend par la main.
Bien sûr, en nous arrêtant pour analyser tout ce qui nous préoccupe, nous sombrons dans la peur et le découragement. Mais justement nous ne sommes pas seuls ! Croyons-le ! Quelqu’un prend soin de nous et c’est lui que nous devons regarder ! Même s’il nous semble absent, il reste proche. Croyons en lui, faisons-lui confiance, confions-nous à lui.
Quand notre foi est éprouvée, luttons, prions, comme Pierre qui s’écrie : « Seigneur, sauve-moi ! » ou encore comme les disciples, dans une situation semblable : « Maître, cela ne te fait rien que nous mourions ? » Son amour infini ne nous manquera jamais. Confions-lui ce qui nous pèse. Il s’en chargera.

« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

Jean-Louis était un jeune de « peu de foi ». À la différence des autres membres de sa famille, tous chrétiens, il doutait de l’existence de Dieu. Il vivait à Man, en Côte d’Ivoire, avec ses jeunes frères et sœurs, loin de leurs parents.
Quand la ville est envahie par les rebelles, quatre hommes pénètrent dans leur maison pour tout piller et, voyant sa belle carrure d’athlète, ils veulent enrôler le jeune de force. En vain ses jeunes frères les supplient de le leur laisser.
Les rebelles sont sur le point de sortir avec Jean Louis, quand leur chef change soudain d’avis et décide de le laisser. Puis il murmure à l’oreille de la sœur aînée : « Partez le plus vite possible, demain nous allons revenir… » et il lui indique le sentier à prendre.
Les jeunes se demandent s’il s’agit d’un piège. Ils partent à l’aube sans un sou en poche, mais avec un brin de foi. Ils parcourent 45 km ; puis quelqu’un leur paie le voyage dans un camion qui va vers la maison de leurs parents. En route, des inconnus les hébergent et leur donnent à manger. Au poste frontière, personne ne contrôle leurs papiers et ils parviennent à leur maison.
« Ils n’étaient pas en bonne condition physique, mais bouleversés par l’amour de Dieu » raconte la maman.
Et la première chose que fait Jean Louis est de demander où se trouve l’église. Et il dit à son père : « Papa, ton Dieu, il est drôlement fort ! ».

 

Chiara Lubich

 

(suite…)

Après les actes terroristes, quel avenir pour une société multiculturelle, pluriethnique et multi religieuse ?

Après les actes terroristes, quel avenir pour une société multiculturelle, pluriethnique et multi religieuse ?

 Quel avenir pour une société multiculturelle, pluriethnique et multi religieuse ?
C’est l’inquiétante question que se pose l’Angleterre, toute l’Europe et bien d’autres pays, après les attentats qui le 7 juillet dernier ont frappé le cœur de Londres, la ville la plus cosmopolite du vieux continent et le 23 juillet Charm el-Cheikh en Égypte.

C’est aussi le titre de la mariapolis, rencontre d’été des Focolari qui se déroule en divers points du monde. A Lake District Windermare, dans le nord de l’Angleterre, elle a commencé le 24 juillet, avec 600 personnes, dont un groupe de musulmans.

A cette question sur l’avenir de la société multiculturelle, Chiara Lubich avait apporté une réponse qui s’avère aujourd’hui d’une grande actualité. C’était à Londres, justement, l’an dernier, le 19 juin 2004 au Westminster Central Hall, devant plus de 2 000 personnes, dont des personnalités musulmanes, bouddhistes, sikhs et hindoues. Ce message est maintenant proposé en vidéo au cours des mariapolis.

Il ne s’agit pas d’un affrontement entre civilisations, mais de la naissance d’un « monde nouveau ». Face aux craintes concernant l’avenir, Chiara Lubich présente la vision de Saint Augustin à une époque de migration de peuples. Elle montre le dialogue comme prévention du terrorisme et les voies pour le vivre : la « règle d’or » commune à la plupart des religions, « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse », l’amour qui sait se faire écoute au point « de se mettre à la place de l’autre et de saisir ce que veut dire pour lui être bouddhiste, musulman ou hindou ». Voilà la voie pour s’inculturer réciproquement et faire naître une société où « les cultures sont ouvertes les unes aux autres dans un profond dialogue d’amour ». Elle propose aux religions une stratégie de fraternité pour combler le fossé entre riches et pauvres et susciter un changement dans les relations internationales.

De nombreux échos nous arrivent par e-mail de chrétiens, musulmans et personnes d’autres religions ayant participé aux mariapolis qui se sont déjà déroulées en ce début d’été. De Los Angeles, où étaient présents des amis musulmans disciples de W.D. Mohammed, leader noir américain, ils nous écrivent : « Écouter ensemble ce message de fraternité universelle alors que nous venions d’apprendre les attentas de Londres a été un grand signe d’espérance. C’était un signe fort de voir la fraternité universelle déjà en actes entre nous ». A la mariapolis de Saint-Vith, en Belgique, 18 nationalités étaient représentées : « Ce qui a le plus marqué les musulmans, c’est l’expérience de Dieu au milieu de la communauté, rendu présent par l’amour réciproque vécu ». Même chose à Amman, en Jordanie, où était présent un groupe venu d’Irak. Ainsi qu’à Istanbul, où un musulman, ancien militaire et actuellement enseignant, écrit : « J’ai vu ici la fraternité prendre une autre dimension. Tout ce que nous avons entendu me rappelle la pensée de Mevlana (grand mystique turc) ». Et une femme musulmane : « Ici les différences se sont transformées en unité. Nous avons fait l’expérience de l’arc en ciel de la paix, aux couleurs de l’amour ».

Une force qui fait surmonter toutes les difficultés

  Depuis quelques années je suis en Turquie pour des raisons professionnelles. J’ai beaucoup de temps libre et je me suis attelée à traduire quelques livres de spiritualité de l’italien vers le turc. Ce sont des heures et des jours passés devant mon ordinateur, à transpirer pour traduire dans cette langue – qui n’a pas de racines chrétiennes – des expressions issues d’une autre culture, d’une spiritualité chrétienne. A certains moments, je me demandais pourquoi je faisais ça; tous ces efforts étaient-ils vraiment utiles? Mais j’ai confié toutes mes difficultés au Père. Oui, ce travail avait un sens, qui n’était autre que de Lui donner mon temps et mes forces.

Une vie transformée
J’étais sur le point de partir en vacances, lorsque je reçois un coup de téléphone de l’imprimeur qui s’était chargé de l’impression de ces livres: “J’ai appris que vous partiez ; il faudrait que je vous parle d’urgence”. Le lendemain, quand je lui ouvre la porte je le reconnais à peine. Il a maigri, il est mal en point, ses yeux sont rouges comme s’il avait pleuré. Je le fais asseoir en lui offrant un café. Il me dit, d’emblée: “Excusez-moi si je vous dérange, mais je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas vous raconter ce qui m’est arrivé. Savez-vous que le livre que vous m’avez donné à imprimer a transformé ma vie ? Je l’ai lu et relu. Il m’a donné une force inimaginable. Et j’ai tout repris à zéro dans ma vie. Depuis un mois et demi, ma femme m’a abandonné. Après 26 ans de mariage, cela me paraît impossible. Mais notre famille a été détruite par la sorcellerie, le mauvais œil… à propos, vous croyez à tout ça?”

Une force plus forte que toutes les difficultés
Je lui réponds que non ; je lui dis que je crois en Dieu Tout Puissant et que c’est Lui qui guide notre vie. Il me dit : “C’est ce que j’ai compris en lisant ce livre ; je voudrais tellement que ma femme le lise aussi. Savez-vous que j’en étais arrivé à vouloir me suicider ? J’ai déjà fait deux tentatives, mais je me suis manqué. J’étais suivi par un psychiatre. Maintenant, je n’y vais plus et je ne prends plus de médicaments. J’ai compris que j’ai en moi une force plus grande et que je peux surmonter toutes les difficultés. J’ai trouvé dans votre livre quelque chose d’important ; c’est comme un trésor, que je garde précieusement”. Mon ami imprimeur faisait peu à peu la découverte d’un Dieu vivant, proche, qui nous vient en aide dans les difficultés. Je lui ai promis de prier pour que sa femme revienne à la maison. En sortant, il me paraissait transformé, comme rajeuni, plus léger.

R.M. Turquie

Commentaire de Chiara Lubich à la Parole de vie du mois de juillet 2005

Dieu est Amour. C’est la grande certitude qui doit guider notre vie, nous le savons… Pourtant, si souvent, le doute nous prend : devant les grandes catastrophes naturelles, la violence dont l’humanité se montre capable, nos échecs, les souffrances qui nous touchent personnellement.
Son amour, Dieu nous l’a montré : en créant le monde, en nous donnant la vie (et tout le bien qui s’y rattache), en nous sauvant par son Fils et en nous permettant de nous sanctifier par l’Esprit Saint.
Et son amour, Dieu ne cesse de nous le manifester, en se faisant proche de chacun, en nous suivant pas à pas et en nous soutenant dans les épreuves de la vie. Le psaume d’où vient cette Parole de vie nous l’assure, en parlant de la grandeur de Dieu, de sa puissance et, en même temps, de sa tendresse et de son immense bonté. Dieu est capable d’exploits infinis, tout en étant un père attentif, plus prévenant qu’une mère.

« Le Seigneur est l’appui de tous ceux qui tombent, il redresse tous ceux qui fléchissent. »

Les situations difficiles, douloureuses, dans notre vie personnelle comme dans les rapports avec les autres, tous nous les connaissons. Devant des murs d’indifférence et d’égoïsme qui nous dépassent, nous nous sentons impuissants et baissons les bras. Combien alors sentons-nous le besoin qu’un autre pense à nous ! Eh bien, dans ces moments-là, cette Parole de vie vient nous aider.
Jésus nous laisse prendre conscience de notre incapacité, non pour nous décourager, mais pour nous faire sentir la puissance de sa grâce qui se manifeste justement au moment où les forces semblent nous lâcher. Ainsi comprenons-nous mieux son amour pour nous. À une condition cependant : que nous ayons totalement confiance en lui, comme un petit enfant vis-à-vis de sa mère ; abandonnons-nous totalement à lui et nous sentirons que nous sommes dans les bras d’un Père qui nous aime comme nous sommes et pour qui tout est possible.
La conscience de nos erreurs ne peut même pas nous arrêter car Dieu, qui est amour, nous relève à chaque chute, comme le font les parents pour leur enfant.

« Le Seigneur est l’appui de tous ceux qui tombent, il redresse tous ceux qui fléchissent. »

Forts de cette certitude, nous pourrons jeter en lui toutes nos inquiétudes, nos problèmes, comme l’Ecriture nous invite à le faire : « Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car il prend soin de vous. »
Cela, nous l’avons vécu, nous aussi, dès les premiers temps du Mouvement, lorsque l’Esprit Saint guidait nos pas sur le chemin de l’amour. Décharger tous nos soucis sur le Père, nous le faisions alors continuellement.
Je me souviens que je prenais une comparaison : de même qu’on ne peut tenir une braise dans ses mains mais qu’on est obligé de s’en débarrasser tout de suite pour ne pas se brûler, de même, il nous faut, avec la même rapidité, jeter toutes nos préoccupations dans le cœur du Père. Et je n’ai souvenir d’aucune dont il ne se soit occupé.
Croire à son amour n’est pas toujours facile. Efforçons-nous ce mois-ci de le faire en toutes circonstances, même dans les cas qui nous semblent inextricables. Nous assisterons chaque fois à l’intervention de Dieu, qui ne nous abandonne pas mais prend soin de nous. Nous connaîtrons alors une force nouvelle qui viendra libérer en nous des ressources insoupçonnées.
Dieu est Amour. C’est la grande certitude qui doit guider notre vie, nous le savons… Pourtant, si souvent, le doute nous prend : devant les grandes catastrophes naturelles, la violence dont l’humanité se montre capable, nos échecs, les souffrances qui nous touchent personnellement.
Son amour, Dieu nous l’a montré : en créant le monde, en nous donnant la vie (et tout le bien qui s’y rattache), en nous sauvant par son Fils et en nous permettant de nous sanctifier par l’Esprit Saint.
Et son amour, Dieu ne cesse de nous le manifester, en se faisant proche de chacun, en nous suivant pas à pas et en nous soutenant dans les épreuves de la vie. Le psaume d’où vient cette Parole de vie nous l’assure, en parlant de la grandeur de Dieu, de sa puissance et, en même temps, de sa tendresse et de son immense bonté. Dieu est capable d’exploits infinis, tout en étant un père attentif, plus prévenant qu’une mère.

« Le Seigneur est l’appui de tous ceux qui tombent, il redresse tous ceux qui fléchissent. »

Les situations difficiles, douloureuses, dans notre vie personnelle comme dans les rapports avec les autres, tous nous les connaissons. Devant des murs d’indifférence et d’égoïsme qui nous dépassent, nous nous sentons impuissants et baissons les bras. Combien alors sentons-nous le besoin qu’un autre pense à nous ! Eh bien, dans ces moments-là, cette Parole de vie vient nous aider.
Jésus nous laisse prendre conscience de notre incapacité, non pour nous décourager, mais pour nous faire sentir la puissance de sa grâce qui se manifeste justement au moment où les forces semblent nous lâcher. Ainsi comprenons-nous mieux son amour pour nous. À une condition cependant : que nous ayons totalement confiance en lui, comme un petit enfant vis-à-vis de sa mère ; abandonnons-nous totalement à lui et nous sentirons que nous sommes dans les bras d’un Père qui nous aime comme nous sommes et pour qui tout est possible.
La conscience de nos erreurs ne peut même pas nous arrêter car Dieu, qui est amour, nous relève à chaque chute, comme le font les parents pour leur enfant.

« Le Seigneur est l’appui de tous ceux qui tombent, il redresse tous ceux qui fléchissent. »

Forts de cette certitude, nous pourrons jeter en lui toutes nos inquiétudes, nos problèmes, comme l’Ecriture nous invite à le faire : « Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car il prend soin de vous. »
Cela, nous l’avons vécu, nous aussi, dès les premiers temps du Mouvement, lorsque l’Esprit Saint guidait nos pas sur le chemin de l’amour. Décharger tous nos soucis sur le Père, nous le faisions alors continuellement.
Je me souviens que je prenais une comparaison : de même qu’on ne peut tenir une braise dans ses mains mais qu’on est obligé de s’en débarrasser tout de suite pour ne pas se brûler, de même, il nous faut, avec la même rapidité, jeter toutes nos préoccupations dans le cœur du Père. Et je n’ai souvenir d’aucune dont il ne se soit occupé.
Croire à son amour n’est pas toujours facile. Efforçons-nous ce mois-ci de le faire en toutes circonstances, même dans les cas qui nous semblent inextricables. Nous assisterons chaque fois à l’intervention de Dieu, qui ne nous abandonne pas mais prend soin de nous. Nous connaîtrons alors une force nouvelle qui viendra libérer en nous des ressources insoupçonnées.

 

Chiara Lubich

 

(suite…)

Commentaire de Chiara Lubich à la Parole de vie du mois de juin 2005

Sortant de Capharnaüm, Jésus voit, assis au bureau des taxes, Matthieu, un collecteur d’impôts, un publicain. Ce métier qui le rabaissait au rang des usuriers et des exploiteurs le rendait haïssable aux yeux du peuple. Les scribes et les pharisiens assimilaient d’ailleurs les publicains aux pécheurs et reprochaient à Jésus d’être « l’ami des pécheurs et des collecteurs d’impôts » ainsi que de manger avec eux1.
À contre-courant de toute convention sociale, Jésus appelle Matthieu à le suivre et accepte d’aller prendre le repas chez lui, comme il le fera plus tard chez Zachée, le chef des collecteurs d’impôts de Jéricho. Sommé de s’expliquer sur ce point, Jésus répondra qu’il est venu pour soigner les malades et non les bien portants, appeler non pas les justes, mais les pécheurs. Son invitation, cette fois encore, s’adresse à l’un d’eux :

« Suis-moi »

Ces mots, Jésus les avait déjà adressés à André, Pierre, Jacques et Jean sur les rives du lac. Invitation qu’il adressera, dans un contexte différent, à Paul sur la route de Damas.
Mais Jésus ne s’est pas arrêté là : au long des siècles, il a continué à appeler à lui des hommes et des femmes de tous peuples et de toutes nations. Il le fait encore aujourd'hui : il passe dans notre vie, il nous rencontre en des lieux différents, de manières différentes, et il fait à nouveau résonner en nous son invitation à le suivre.
En nous appelant à établir avec lui un rapport personnel, il nous invite en même temps à collaborer avec lui au grand dessein d’une humanité nouvelle.
Nos faiblesses, nos péchés, nos misères lui importent peu. Il nous aime et nous choisit tels que nous sommes. En nous transformant, son amour nous donnera la force et le courage de le suivre comme l’a fait Matthieu.
Il a pour chacun un amour, un projet, un appel particulier. Et il se manifeste en nous à travers une inspiration de l’Esprit Saint, certaines circonstances ou encore par l’intervention de nos frères… Malgré la diversité de ses manifestations, il fait toujours résonner la même parole :

« Suis-moi »

Un jour, j’ai, moi aussi, ressenti cet appel de Dieu.
C’était en un froid matin d’hiver, à Trente. Maman avait demandé à ma plus jeune sœur d’aller chercher le lait à deux kilomètres de chez nous, mais il faisait trop froid et elle n’en avait pas envie. Mon autre sœur avait, elle aussi, refusé. Alors je me suis avancée : « J’y vais, maman », et j’ai pris la bouteille. Je suis sortie de la maison et au milieu du trajet, j’ai ressenti comme un appel : il me semblait presque que le ciel s’ouvrait et que Dieu m’invitait à le suivre. Et ces mots ont résonné dans mon cœur : « Donne-toi toute à moi ! »
C’était un appel explicite auquel j’ai tout de suite voulu répondre. J’en ai parlé à mon confesseur qui m’a permis de me donner à Dieu pour toujours. C’était le 7 décembre 1943. Il ne me sera jamais possible de décrire ce qui s’est passé en moi ce jour-là : j’avais pris Dieu comme époux. Et je pouvais tout attendre de lui.

« Suis-moi »

Ces mots ne concernent pas seulement le moment déterminant où l’on choisit les orientations de notre vie, Jésus continue à nous les adresser chaque jour : “suis-moi” semble-t-il nous dire devant les devoirs quotidiens les plus simples ; “suis-moi” dans cette épreuve à embrasser, dans cette tentation à dépasser, dans ce service à accomplir…
Comment lui répondre concrètement ?
En faisant ce que Dieu veut dans le moment présent, qui est toujours porteur d’une grâce particulière.
Nous nous efforcerons donc ce mois-ci de nous dédier avec décision à la volonté de Dieu ; de nous dédier aux frères et aux sœurs que nous avons à aimer, au travail, dans nos études, durant la prière, les repas, pendant nos activités.
Apprenons à écouter au fond de nous la voix de Dieu qui parle aussi avec la voix de la conscience : elle nous dira ce qu’il veut de nous à chaque instant, prêts à tout sacrifier pour le suivre.
« Donne-nous de t’aimer, o Seigneur, chaque jour davantage ; mais cela ne suffit pas parce que les jours qui nous restent sont peut-être trop peu nombreux. Donne-nous alors de t’aimer à chaque instant, de tout notre cœur, de tout notre esprit et de toutes nos forces, en ce qui est ta volonté ».
C’est là, la meilleure façon pour suivre Jésus.

 

Chiara Lubich

 

L’Eucharistie, sacrement d’unité

“L’Eucharistie est le sacrement de l’unité, a dit le pape dans son homélie. Dans l’Eucharistie, le Christ est réellement présent parmi nous. Sa présence n’est pas statique. Elle est une présence dynamique, qui nous saisit pour nous faire siens et nous assimiler à Lui. Il nous fait sortir de nous-mêmes pour faire de nous une seule chose avec lui. Et de cette manière, il nous insère dans la communauté des frères.” Benoît XVI s’est exprimé en ces termes à la conclusion du 24e Congrès Eucharistique italien intitulé : Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre.” Définissant cette rencontre, le pape a parlé d’une “intense semaine de prière, de réflexion et d’adoration, un événement ecclésial extraordinaire”. C’est ce qu’a été ce congrès où des cardinaux, des évêques ont pris la parole mais aussi des laïcs, des intervenants des Eglises orthodoxe, anglicane et évangélique, des représentants du monde de la communication, de l’économie, de l’écologie, de la solidarité. Un certain nombre de mouvements ecclésiaux sont intervenus le vendredi 27 mai – l’Action catholique, le Chemin Néocatéchumènal la Communauté Sant’Egidio, Communion et Libération, les Focolari, le Renouveau charismatique… – au cours d’une table ronde animée par Dino Boffo, directeur du quotidien italien l’Avvenire. Introduisant les interventions, il affirmait à un moment parlant du rendez vous de Bari : “C’est une convocation, une amitié nouvelle, une révélation surprenante, une communication plus profonde.” Un certain nombre de mouvements et d’associations ont donc donné leur témoignage sur le mystère de l’Eucharistie, vu à la lumière de leur charisme spécifique. Antonietta Giorleo – du mouvement des Focolari – Prenant la parole au nom de Chiara Lubich, elle a puisé dans plusieurs de ses nombreux écrits consacrés à l’Eucharistie : « L’Eucharistie est réellement le sacrement de l’unité. Et il l’est surtout parce qu’il opère en chacun de nous quelque chose d’extraordinaire : notre transformation personnelle en Jésus. Jésus lui-même vient en nous et il nous transforme en lui. Il nous fait devenir un autre Christ, son Corps. Il nous pousse, chacun et ensemble, à nous comporter comme le Christ lui-même, à faire nôtres ses manières de penser, d’agir, comme tous ses enseignements. En un mot, il nous pousse à vivre en aimant : Dieu et le prochain.» Don Julian Carron – Communion et Libération : «Le Mystère est entré dans l’histoire, ils s’est revêtu de formes sensibles pour répondre à l’exigence de retrouver cette Beauté, sans laquelle, comme le disait Dostoievski, les hommes seraient désespérés.» Giampiero Donnini – Chemin Néocatéchumènal : « Nous devons faire en sorte que l’homme d’aujourd’hui rencontre la fête, qui est don de Dieu, rendre visible le Christ ressuscité. Il y a une grande bataille à mener : rendre visible Dieu qui est à l’oeuvre derrière les personnes. » Paola Bignardi – Action Catholique : «Pour les laïcs de l’Action Catholique, le dimanche, avec en son centre l’Eucharistie, est une fenêtre de temps totalement gratuite, dans l’écoulement des jours, souvent chargés de préoccupations.» Salvatore Martinez – Renouveau charismatique : «Pour les laïcs de notre pays, c’est le temps de l’étonnement. C’est la saison de l’estime réciproque de nos charismes respectifs. Notre amitié est une amitié qui demeure. C’est vraiment à nous, laïcs, qu’est confiée de manière toute spéciale la sauvegarde du dimanche, l’annonce d’un christianisme qui ne dédaigne pas le scandale de la foi.» Andrea Riccardi – Communauté Sant’Egidio: «Le dimanche nous enseigne que la vie ne dépend pas de nos activités personnelles, que le modèle du chrétien n’est pas l’affairement. Celui qui fait brûler notre cœur, c’est Jésus. Le dimanche des chrétiens participe aussi au Salut du monde. Grâce à lui, le monde s’ouvrira davantage à la paix, à l’amour.»

“Amour de Dieu, amour du prochain dans les traditions juive et chrétienne”

“Amour de Dieu, amour du prochain dans les traditions juive et chrétienne”

  Non pas choc des civilisations, mais « composition harmonieuse des différences », dans laquelle se rend « présente » la « richesse inépuisable et infinie de Dieu, mais aussi engagement plus résolu à dialoguer et à nous connaître davantage ». Tel est le message qui nous parvient du premier Symposium international judéo-chrétien, organisé par le Mouvement des Focolari. Commencé lundi pour se terminer demain, il réunit cent personnalités chrétiennes et juives, au centre Mariapoli, sur le thème « Amour de Dieu, amour du prochain, dans les traditions juive et chrétienne ». Dans son intervention, hier matin, le cardinal Kasper, président du Conseil Pontifical pour l’unité des chrétiens, a qualifié de « surprenants » les progrès du dialogue judéo-chrétien. Après avoir retracé les gestes de Jean-Paul II, il a rappelé comment, aussitôt après son élection, Benoît XVI avait voulu assurer la continuité. « Le Pape Ratzinger – a dit le cardinal Kasper – je le connais depuis plus de 40 ans. Il a écrit de nombreux ouvrages sur le rapport entre judaïsme et christianisme. Il a apporté d’importantes contributions théologiques. Ce dialogue lui tient particulièrement à coeur. » Pour le futur, le cardinal Kasper a indiqué trois défis : « Nous devons faire tout notre possible pour nous connaître », approfondir la recherche théologique réciproque ainsi que la « collaboration ». Sur le front de la pauvreté, des valeurs de la vie, de la famille, afin de transmettre les enseignements du Concile aux nouvelles générations. Le congrès s’était ouvert, lundi, avec un message de bienvenue envoyé par Chiara Lubich. La fondatrice du Mouvement a apporté son expérience personelle. “Je vous l’assure – a-t-elle dit – il semble que l’Esprit de Dieu souffle sur ces rencontres, et combien plus encore sur celle-ci, entre juifs et chrétiens!”. Le professeur Zanghì – co-directeur du Centre pour le dialogue – a fait observer que le ‘ton’ du symposium est celui de “l’ouverture de chacun à l’autre dans une écoute qui introduit la connaissance au sein de l’amour”. De cet amour vécu entre nous qui “rend possible l’accomplissement des promesses de paix formulées par les prophètes”. Pour la partie juive, Ibraham Skorka, recteur du séminaire rabbinique latino-américain de Buenos Aires, a développé le “concept de l’Homme”, tandis que “la présence et le silence de Dieu” ont été au centre de l’exposé de Jack Bemporad, directeur du Centre pour la compréhension interreligieuse de New York, et de Gérard Rossé, spécialiste d’études bibliques. Parmi les rapporteurs du côté catholique, citons, entre autres, deux théologiens : Piero Coda et Jesus Castellano. Le dialogue du Mouvement des Focolari avec le monde juif a commencé il y a quelques années. Une rencontre particulièrement importante a eu lieu en 1998, à Buenos Aires, entre Chiara Lubich et une des communautés juives les plus nombreuses d’Amérique latine. Les participants seront présents à l’audience générale, place Saint Pierre. Fabrizio Mastrofini – Avvenire – 25 mai 2005

Temps fort de fraternité

Temps fort de fraternité à Loppiano, ville “jeune” Souvent définie comme un “laboratoire de la fraternité”, la cité-pilote de Loppiano, avec ses citoyens de toute nationalité et de toutes races, prête son décor à la fête du 1er mai qui, en 35 ans, a rassemblé plus de 150 000 jeunes. La fraternité a inspiré l’ensemble du programme de cette journée, resplendissante de soleil. Dès leur arrivée, les jeunes, plus de 5 000, en provenance de toute l’Italie, mais aussi d’Europe de l’Est et de l’Ouest, d’Algérie, d’Afrique d’Asie, d’Océanie et des trois Amériques, ont participé à quatre ateliers : sport : “Fraternité : jeu d’équipe” ; médias : “Fraternité Online” ; politique : “Liberté, égalité… et la fraternité ?”; et, enfin, art, sous le titre “FraternArt”. Des échanges nourris montrant la fraternité vécue dans les faits, dans différents pays. La liaison téléphonique de l’après-midi avec la Terre Sainte donne un souffle planétaire à ce “voyage” dans le temps sur le thème de la fraternité.

La fraternité, moteur d’un monde en paix, d’un monde uni S’adressant aux jeunes réunis à Loppiano et dans la cité-pilote Arc-en-Ciel de Lisbonne, Chiara Lubich a envoyé un message leur souhaitant, à tous, de répondre au défi de la fraternité, “moteur d’un monde en paix, d’un monde uni”. “Dans un monde qui cherche Dieu, qui ne croit qu’à ce qu’il touche du doigt – a-t-elle ajouté – il est possible de faire place à Jésus lui-même, de l’attirer, au point qu’il puisse se rendre présent au milieu de nous”. Comment? «En vivant à cent pour cent l’art d’aimer, jusqu’à ce que la présence de Jésus au milieu de vous éclate partout, là où vous êtes, et où le Ressuscité vous comblera de ses dons : joie jusque-là inconnue, paix jamais éprouvée, lumière débordante, afin de composer sur terre l’unité.»

Lisbonne: le world wide web de l’unité A Lisbonne, les jeunes se sont retrouvés le 1er mai. Ils étaient 1 000 du Portugal, d’Espagne et de l’Ile de Timor. Le programme en langue portugaise se résume dans le titre donné à cette journée : www.deunidade. Sur la péninsule ibérique, l’attentat du 11 mars est encore dans toutes les mémoires. Ceux des participants qui ont vécu la situation difficile d’après le 11 mars affirment, et témoignent par leur vie, que le pardon est possible et que c’est l’unique moyen permettant de construire une fraternité authentique entre personnes de religion différente. Non seulement dans leur propre pays, mais dans le monde entier, en tissant un réseau pour la paix. A ce meeting, était également présent l’imam Allal Bachar d’Espagne.

“Un nouveau décollage est possible” pour le monde de l’entreprise qui prend en compte le partage

”Un nouveau décollage est possible”
Ce décollage a été expérimenté à Loppiano: les premiers à en bénéficier ont été des jeunes qui souhaitent s’engager dans le monde de l’entreprise. Une centaine d’entre eux ont rencontré, dans des groupes de travail, des adultes ayant déjà une expérience de l‘entreprise. Et l’échange s’est avéré être un don réciproque: les entrepreneurs ont donné leur expérience, avec ses aspects difficiles, et les jeunes, par leur enthousiasme et leur curiosité, les ont encouragés à intensifier leur engagement radical à vivre les idéaux de l’Economie de Communion. “Les jeunes nous ont apporté beaucoup plus que nous ne leur avons donné”, commentait un chef d’entreprise.

La fraternité, un “plus” pour l’entrepreneur de l’ÉdeC
Les ateliers ont été préparés par les interventions de Cecilia Cantone Manzo, présidente de la société E. di C. s.p.a., qui gère le Pôle d’activités Lionello Bonfanti, et du Prof. Luigino Bruni. Ce dernier a brossé le portrait de l’entrepreneur de l’ÉdeC, en signalant la fraternité vécue comme le “plus” qui le caractérise et qui vient s’ajouter aux capacités requises de tout entrepreneur : prendre des risques, innover, poursuivre un projet.

Un aiguillon pour une pratique innovante de l’entreprise
Un groupe d’experts a présenté les questions que soulève inévitablement la conduite d’une entreprise dans l’optique de la “culture du don”. Un discours dont la nouveauté a suscité un vif intérêt parmi les jeunes. “Etre venus ici – disait une étudiante de Naples – nous incite davantage encore à nous lancer dans l’entreprise, à faire quelque chose de nouveau. Le Pôle d’activités pourrait être pour nous, les jeunes, le lieu où nous rencontrer, afin de vérifier auprès des experts la validité et la faisabilité de notre projet”. Les jeunes ont exprimé le souhait que ces rendez-vous à Loppiano se répètent tous les six mois.

Des améliorations, dans la gestion de l’action, qui dépassent tout ce que l’on pouvait imaginer
Le 24 avril, le congrès s’est ouvert à d‘autres chefs d’entreprise. Une table ronde a rassemblé “des gens qui ne font pas de demi-mesures, décidés à tout” (c’est le commentaire d’un entrepreneur de l’Emilie), des gens qui ont vraiment fait de l’ ÉdeC le “plus” de leur entreprise, de leur façon de travailler, et qui en ont vu les fruits.

“Malgré les difficultés et les crises de toutes sortes – raconte un chef d’entreprise piémontais – nous avons pu constater une croissance continue et remarquable de notre chiffre d’affaires. Dans mon expérience, j’ai toujours vérifié que le “centuple”, promis par l’évangile, ne se présente jamais comme un de ces gros paquets encombrants (par exemple, un gros lot à une loterie) qui pourrait gâcher la vie quotidienne ; au contraire, il se présente toujours avec discrétion. Il est arrivé plusieurs fois que l’un de nos administrateurs, en milieu d’année, nous informe d’une situation précaire ; puis, nous avons poursuivi notre travail avec un esprit renouvelé, et, à notre grande surprise, à la fin de l’année il nous annonçait une amélioration qui dépassait de loin tout ce que nous aurions pu imaginer”.

Commentaire de Chiara Lubich à la Parole de vie du mois de mai 2005

Nous sommes au soir de Pâques. Jésus ressuscité est déjà apparu à Marie de Magdala ; Pierre et Jean ont trouvé le tombeau vide. Les disciples restent pourtant enfermés chez eux, emplis de crainte. Et voilà que le Ressuscité vient au milieu d’eux, car aucune barrière, désormais, ne peut plus le séparer de ses amis.
Après s’en être allé, Jésus revient comme il l’avait promis, il est là maintenant pour toujours : « Il se tint au milieu d’eux » ; il ne s’agit pas d’une apparition momentanée mais d’une présence permanente ! À partir de ce moment-là les disciples ne seront plus seuls et leur crainte fait place à une joie profonde : « En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie ».
Le Ressuscité ouvre leurs cœurs et les portes de leurs maisons sur le monde entier, en disant :

« Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie. »

Jésus avait été envoyé par le Père pour réconcilier tous les hommes avec Dieu et recomposer l’unité du genre humain. À ses disciples maintenant de continuer à édifier l’Eglise. C’est par son unité avec le Père que Jésus avait pu accomplir son dessein ; par la présence en eux du Ressuscité, eux aussi pourront mener à bien leur mission. « Pour qu’ils soient un comme nous sommes un », (que je sois) « moi en eux » avait demandé Jésus au Père.
La mission transmise du Père à Jésus, de Jésus aux apôtres, de ceux-ci à leurs successeurs, est toujours restée la même.
Et chaque chrétien, à son tour, doit entendre résonner en lui ces paroles de Jésus. Car, « il y a dans l’Eglise diversité de ministères, mais unité de mission ».

« Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie. »

Comment répondre à cet appel du Seigneur ? Laissons-le vivre en nous, commençant par nous évangéliser nous-mêmes et devenant en quelque sorte Parole de Dieu, membres vivants de l’Eglise.
Jean Paul II a appelé cela la « nouvelle évangélisation » : « Nous nourrir de la Parole, pour que nous soyons des « serviteurs de la Parole » dans notre mission d’évangélisation, c’est assurément une priorité pour l’Église au début du nouveau millénaire », car « seul un homme transformé par la loi d’amour du Christ et la lumière de l’Esprit Saint peut opérer une véritable metanoia (c’est-à-dire une conversion) des cœurs et des esprits, dans son milieu, son pays, le monde ».
Aujourd’hui, parler ne suffit plus. « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, notait déjà Paul VI, ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins ». L’annonce de l’Evangile sera efficace si elle s’appuie sur le témoignage de la vie, comme chez les premiers chrétiens qui pouvaient dire : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons… » ; elle sera efficace si on peut dire aussi de nous : « Regardez comme ils s’aiment, ils sont prêts à donner leur vie les uns pour les autres »8 ; elle sera efficace si nous nous mettons concrètement à aimer, dans une attitude de don, en répondant à ceux qui en ont besoin : nous saurons ainsi nourrir, vêtir, procurer un logement à celui qui n’a rien, donner de l’amitié à celui qui est seul et désespéré, soutenir celui qui est dans l’épreuve.
Si nous vivons ainsi, nous deviendrons d’autres Christ : le monde se sentira alors attiré par Jésus et son œuvre se poursuivra.

« Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie. »

Cette expérience, quelques médecins et infirmières l’ont faite en 1966, en découvrant la situation du peuple Bangwa au Cameroun, touché à cette époque par une mortalité infantile de 90 % qui le menaçait de disparition.
Ils décident alors de s’installer parmi eux, sentant comme première nécessité l’importance de continuer à vivre entre eux l’amour réciproque, afin de témoigner de l’Evangile. Ils sont pleins d’amour pour chacun de ceux qu’ils rencontrent, sans distinction. Ils ouvrent un dispensaire, qui devient vite un hôpital. La mortalité infantile n’est plus maintenant que de 2 %. En pleine forêt, une centrale électrique se construit, puis un collège avec école primaire et secondaire. Au fil des années et avec la participation de tout le peuple, douze routes sont tracées pour relier les différents villages.
L’amour concret est saisissant : une grande partie de ce peuple partage cette nouvelle vie, des villages autrefois rivaux se réconcilient ; les querelles de frontières se résolvent ; les rois des différents clans établissent entre eux un pacte d’amour réciproque et donnent par leur vie un témoignage original et authentique de fraternité.

 

Chiara Lubich

 

Familyfest 2005… au pape de la famille

Familyfest 2005… au pape de la famille

 

“L’amour construit la paix”, idée force du pontificat de Jean-Paul II, a été le fil conducteur du Familyfest. Depuis la place du Capitole, à Rome, deux mères de famille de Jérusalem – une israélienne et une palestinienne -, ont témoigné d’une amitié possible entre les deux camps opposés : Parmi les 9 liaisons effectuées durant la transmission, signalons celle avec l’Afrique du Sud, dans le quartier de Soweto, à Johannesbourg, lieu emblématique où a eu lieu la luttre de Nelson Mandela contre l’apartheid, et la liaison avec l’Europe de l’Est, point chaud du monde visité plusieurs fois par le pape : les participants étaient 4000 à Zagreb, catholiques de Croatie mais aussi musulmans de Bosnie.

Le temps des crises . Le Familyfest n’a pas été marqué seulement par l’aspect festif, l’internationalité, la solidarité. Il a fait face à l’hiver de la crise, de la souffrance qui touche beaucoup de familles. “L’homme et la femme, par leurs noces, ne sont plus deux mais une seule chair. Se diviser, après une telle unification, signifie se tuer, en s’ouvrant les veines. C’est la mort.” Ces paroles d’Igino Giordani, écrivain, journaliste, homme politique, père de quatre enfants, premier responsable du mouvement Familles Nouvelles, résonnent sur la place. “Pour que l’union conjugale soit préservée, il n’y a pas d’autre force de cohésion que l’amour, mais un amour qui vient de l’amour de Dieu, qui dépasse les vicissitudes de la nature et les humeurs des hommes.” “Deux époux qui perdent leur temps à ne pas s’aimer, perdent leur temps à mourir.” Parmi les témoignages, celui d’un couple espagnol qui a raconté la renaissance soufferte après le drame de la division.

La souffrance. Depuis le podium du Capitole, un couple de journalistes, lui italien, elle américaine, a fait le don à tous de son expérience d’une maladie qui ne pardonne pas, une vie qui trouve une nouvelle plénitude, comme l’a écrit Jean-Paul II dans son testament. Elle a déclaré notamment : “Il faut vivre avec la mort bien présente pour réaliser une vie en plénitude.” ” Nous avons appris à regarder en face la souffrance et ce visage qui a pour nous un nom : Jésus qui accepte de rester sur la croix, jusqu’à se sentir abandonné du Père, pour donner au monde ses dons.” Des dons qui deviennent expérience vive de “lumière, joie, sérénité, qualité de vie supérieure au laps de temps que je pourrai avoir.”

“Nous ne voulons pas que le mariage soit une pièce fermée au reste du monde, mais nous désirons partager notre bonheur avec de moins chanceux que nous”, a témoigné un jeune couple de 21 et 24 ans : voyage de noces en Tanzanie, parmi les orphelins du sida, auxquels est allé sa somme équivalant à leurs cadeaux de mariage.

Solidarité. Ce n’est pas un fait isolé : depuis 25 ans, les Familles Nouvelles soutiennent dans le monde plus de 14000 parrainages d’enfants. Un nouveau projet de solidarité a été lancé au Familyfest : “Un toit pour chaque famille” : un toit pour les familles les plus déshéritées qui vivent à la périphérie des grandes villes philippines et dans les régions dévastées par le tsunami, au Sri Lanka et en Thailande. Une idée qui est née justement des familles les plus pauvres. Les contributions peuvent être versées pour la France à l’association Actions Familles Nouvelles (Un toit pour chaque famille) 1, rue de la forêt Multonne 61000 Alençon

Message de Chiara Lubich. Le dernier mot a été laissé à Chiara Lubich, par l’intermédiaire d’un message pre-enregistré. Il a la saveur d’une consigne : “Oui, dit-elle notamment, la source de l’amour vrai jaillit de l’amour de Dieu. La famille devient ainsi source de vie en société, vivier de fraternité universelle.” Elle a souhaité aux familles : “Soyez toujours et partout des témoins de cet amour, afin que se rapproche l’heure où, sur la terre, du “Que tous soient un”.

Igino Giordani : la source de l’amour

 Igino Giordani, écrivain et journaliste, homme politique, marié et père de quatre enfants, a été également le premier animateur et responsable de Familles Nouvelles et on le considère comme cofondateur du Mouvement des Focolari. Depuis l’année dernière, sa cause de béatification est en cours. Pour examiner ses écrits – plus de cent livres et quatre mille articles – deux commissions viennent d’être créées : l’une historique, et l’autre, théologique. Nous souhaitons l’évoquer ici, en ce vint-cinquième anniversaire de son départ de cette terre, par ce petit texte sur l’amour conjugal, qui a été lu durant la retransmission en direct du Familyfest, le 16 avril dernier. La source de l’amour – texte d’Igino Giordani «L’homme et la femme, par leur mariage, ne sont plus deux mais un. Se séparer, après une telle unification, c’est comme se tuer en s’ouvrant les veines. C’est la mort. Pour que l’union conjugale puisse durer, il n’y a par d’autre courant unificateur que l’amour: mais un amour qui vient de l’amour de Dieu, qui surpasse les vicissitudes de la nature et les humeurs des hommes.

Si je regarde ma vie, je peux dire que mon mariage est réussi dans la mesure où je réalise cet amour. C’est là, avant tout, que réside sa valeur, et non dans les comptes en banque, le bien-être, le succès, ni dans la prestance et l’allure élégante. Il devient le tombeau de l’amour, lorsque, passés les élans physiques échangés par amour, l’esprit qui lui donne vie vient à disparaître. S’aimer chaque jour davantage, ne pas relever les défauts, ne pas s’arrêter aux torts, pardonner toujours, recommencer toujours à s’aimer… Alors, la vie devient une joie. Quant à l’indifférence, l’égoïsme, à quoi servent-ils? Ils servent à créer un enfer sur terre. Deux époux qui perdent leur temps à ne pas s’aimer, sont deux êtres qui perdent leur temps à mourir. Mais s’ils s’aiment, Dieu passe entre eux. Voilà comme faire de ta maison une maison du bonheur, même au milieu des plus grandes épreuves».

Du monde entier, un choeur unanime d’émotion, de gratitude et de prières pour le Pape

 

Du monde entier, les messages des membres du Mouvement affluent : c’est un choeur unanime d’émotion, de gratitude et de prières pour ce grand Pape. Des voix auxquelles se joignent, avec une immense ferveur, celles de chrétiens de différentes Eglises et d’amis des autres religions. Voici quelques-uns des premiers témoignages reçus. Allemagne – des Evangéliques Cité-pilote d’Ottmaring, où cohabitent des membres du Mouvement des Focolari et de la fraternité évangélique Bruderschaft von gemeinsamen Leben : Le pasteur Gottlob Hess (Fraternité de vie de communion): “ Dans ses discours, le Pape part toujours de l’Ecriture Sainte, ce qui est caractéristique des Evangéliques et rend les messages du Pape compréhensibles pour nous aussi. J’admire son ouverture à l’égard des impulsions novatrices venues des Mouvements et des communautés nouvelles, et je l’admire pour l’importance qu’il donne à l’oecuménisme”. Walter Pollmer (Fraternité de la Croix) – “De plus en plus, on a senti que Jean-Paul II voudrait accélérer le processus oecuménique. Pour lui l’oecuménisme n’est pas marginal : il en a lui-même donné un vibrant témoignage.” Günter Rattey (Fraternité de la Croix): “Je suis reconnaissant à Jean-Paul II pour son anthropologie – profondément biblique – qui fait justice à l’homme.” Pour de nombreux évangéliques, Jean-Paul II a donné un visage personnel et crédible à la papauté : par son oeuvre infatigable pour l’Eglise, pour l’oecuménisme et pour l’humanité ; par la façon dont il a accepté la souffrance et la maladie ; par ses multiples reconnaissances de fautes, au nom des catholiques, et ses demandes de pardon : “Jean-Paul II nous a fait découvrir la papauté sous un jour nouveau.” Argentine – des Juifs Le président de l’AMIA (Association mutuelle des Juifs d’Argentine), Abraham Kaul: “Le Pape est celui qui a le plus oeuvré au dialogue judéo-chrétien. Sa grandeur a été d’avoir demandé pardon pour les erreurs commises dans le passé, et, de même qu’il nous a qualifiés de ‘frères aînés’, nous pouvons dire qu’aujourd’hui, est en train de mourir Jean-Paul II, ‘notre frère Aîné’”. Japon – des Bouddhistes Un bouddhiste qui est venu à Rome et a rencontré le Pape : “Ma fille, qui a maintenant 9 ans, a reçu, toute petite, une caresse du Pape sur la tête. Aujourd’hui encore, je garde un vif souvenir de Jean-Paul II, qui nous a manifesté tant de chaleur, bien que nous ne soyons pas chrétiens. Je veux moi aussi, en tant qu’homme, vivre ma vie à l’unisson avec le coeur du Pape. Tout ce que je voudrais Lui dire, c’est ‘Merci’. Et qu’il repose en paix.” Thailande – des Bouddhistes Le moine Phramaha Thongrat nous a téléphoné, hier, et nous a dit : “le Pape n’est pas seulement un grand frère ; c’est aussi mon Père !” Liban – un Druze musulman Imad vit à Carrare (Italie) : “Mon coeur pleure pour ce Pape qui a tant donné, et à moi surtout. J’ai senti tout son amour pour ma terre… que son cri de paix soit entendu !” Algérie – des Musulmans S. et R. (un couple musulman) se souviennent de son voyage au Maroc, où il avait fortement impressionné par son ouverture d’esprit à l’égard des 10 000 jeunes, présents à Casablanca. Ce matin, ils nous ont dit : « Le Pape est un saint ! Il a fait beaucoup pour le monde, il a eu beaucoup de courage. Il a fait tout ce que Dieu voulait. Il était contre les divisions et les guerres. Il a été pour nous un Père. » USA – des Musulmans Malik Shabazz, Imam de la mosquée de Beacon (Etat de New York): “Le Pape Jean-Paul II est un des grands signes historiques et merveilleux de l’amour du Grand Miséricordieux, du Grand Bienfaiteur, envers l’humanité. Jean-Paul II, par sa défense courageuse de la liberté, de la justice et de l’égalité entre tous les membres de la famille humaine, nous a rappelé notre propre responsabilité, individuelle et collective, d’utiliser les ressources que Dieu nous a données pour le bien de l’humanité.”

Commentaire de Chiara Lubich à la Parole de vie du mois de avril 2005

Pour enseigner de manière simple et efficace les vérités, même les plus profondes, de son message, Jésus utilisait souvent des images et des paraboles. Celle dont est tirée cette parole de vie évoque une scène courante de la vie quotidienne : l’attention du berger pour son troupeau. Les voleurs et les brigands, comme des loups rapaces, menacent le troupeau. Mais Jésus se compare au bon pasteur, celui qui prend réellement soin de ses brebis, les guide et les défend, jusqu’à affronter la mort pour elles.
En Jésus, cette comparaison devient réalité. Il est vraiment mort sur la croix « afin que nous vivions par lui ».

« Je suis venu pour que les hommes aient la vie… »

Il est venu, car le Père l’a envoyé, pour nous apporter sa vie divine. « Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ».
Comment comprendre cela ? La vie terrestre, nous l’avons reçue de nos parents. Mais ce que Jésus nous apporte, c’est la « vie éternelle », participation à sa vie de Fils de Dieu, l’entrée dans la communion intime avec Dieu. Il s’agit de la vie même de Dieu que Jésus peut nous communiquer parce qu’il est lui-même la vie. Il l’a dit : « Je suis la vie » et « de sa plénitude, tous, nous avons reçu ».
Qu’est-ce que la vie de Dieu ? Nous le savons, c’est l’amour.
C’est par amour que Jésus, Fils de Dieu qui est Amour, a vécu en venant sur cette terre, et qu’il nous a apporté l’amour même qui brûle en lui. Il nous transmet la flamme de cet incendie infini et il veut que nous en vivions.

«… et qu’ils l’aient en abondance. »

Car Jésus ne se contente pas de posséder la vie, il « est » lui-même la vie, et il peut la donner en abondance, comme il donne la plénitude de la joie.
Le don de Dieu est toujours infini et généreux comme Dieu lui-même. Il comble les aspirations de notre cœur : notre désir d’une vie pleine et sans fin. Seul Dieu peut satisfaire notre soif d’infini. Il nous donne sa vie éternelle, non seulement pour le futur, mais aussi pour le présent. La vie de Dieu commence dès maintenant et ne meurt jamais.
Pensons aux saints ! Ils nous apparaissent tellement pleins de vie que celle-ci déborde autour d’eux. D’où venait cet amour universel de François d’Assise, capable d’accueillir les pauvres, d’aller à la rencontre du Sultan, de reconnaître un frère ou une sœur en chaque créature ? D’où venait l’amour actif de mère Teresa de Calcutta, qui s’est faite la mère de tout enfant abandonné et la sœur de toute personne seule ? Ils possédaient une vie extraordinaire, celle que Jésus leur avait donnée.

« Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »

Comment vivre cette Parole ?
Accueillons la vie que Jésus nous donne. Elle est déjà présente en nous par notre baptême et notre foi. Elle peut toujours grandir dans la mesure où nous aimons.
C’est l’amour qui fait vivre. Celui qui aime, écrit saint Jean, demeure en Dieu , participe de sa vie même. Oui, car si l’amour est la vie et l’être de Dieu, il est aussi la vie et l’être de l’homme. À l’inverse, chaque fois que nous n’aimons pas, nous ne vivons pas.
Le départ pour le Ciel de Renata Borlone en est un vivant témoignage. Elle avait accepté comme la volonté de Dieu, la nouvelle de sa mort imminente. Elle disait vouloir témoigner que la « mort est vie », qu’elle est résurrection, et elle s’est proposée, avec l’aide de Dieu, de le manifester jusqu’à la fin. Elle y est parvenue, transformant ainsi sa souffrance en un temps de Pâques.

 

Chiara Lubich

 

(suite…)

Après la terrible épreuve, un pas vers l’unité

 Un groupe de jeunes du Mouvement des Focolari, composé de quelques Européens et d’Indonésiens, partis de Singapour, se sont rendus dans un village de la province d’Aceh, au nord de Sumatra, en Indonésie. Nous donnons ici des extraits de leur journal de voyage: L’objectif de notre voyage est de nous rendre compte par nous-mêmes des besoins dans ces régions frappées par le séisme, et de voir comment nous pouvons agir concrètement sur place, en tant que Mouvement des Focolari, pour venir en aide aux victimes. Cette expérience nous aura marqués de façon indélébile ; nous étions partis pour donner, et nous avons reçu bien plus encore. A notre retour, quelqu’un nous a dit qu’il avait l’impression de voir des gens rentrant d’un pélerinage dans un lieu sacré. Notre groupe est très mélangé : des Asiatiques, certains de Singapour et d’Indonésie, et même quelques Européens ; des chrétiens, des musulmans, d’autres n’ayant aucune référence religieuse. Ensemble, nous nous sommes rendus en Indonésie, réunis en une mosaïque de cultures. La petite-fille du roi A Aceh, un couple qui vit sur place se joint à notre petit groupe – l’épouse est indonésienne, et lui est anglais ; ils seront nos guides. Le grand-père de l’épouse était le dernier roi de Sigli, dans la partie Est d’Aceh. Leur présence dans le groupe est providentielle, car ils nous ouvrent de nombreuses portes. A., que nous appelons affectueusement “princesse” – elle est la petite-fille du roi – nous parle de sa famille pendant le voyage : “Jusqu’au milieu du siècle dernier, Aceh a eu différents sultanats ou royaumes. Mon grand-père en gouvernait un : il était “Rajah” (roi) de Sigli, et il a été assassiné en 1950, au moment où l’Indonésie a acquis son indépendence des Hollandais, pour constituer un seul Etat regroupant les 16.000 îles de l’archipel”. Depuis lors, il s’est formé un groupe armé, le GAM (Mouvement pour Aceh Libre), qui combat pour l’indépendance du pays, par des actions continuelles de guerrilla. Les heurts fréquents, entre l’armée régulière indonésienne et le groupe de guerrilla armée, créent un climat d’insécurité et de tension parmi la population. Celle-ci, en dehors de la région, est plus méconnue qu’aimée, plus objet de préjugés que d’un sentiment d’appartenance à une même nation, et Aceh est considérée comme une zone dangereuse. Ce voyage nous aura permis de découvrir les habitants d’Aceh comme des frères authentiques, porteurs d’une grande richesse spirituelle. Une rencontre avec la douleur et avec la vie Nous faisons d’innombrables rencontres : enfants, religieux, enseignants, policiers, réfugiés des campements provisoires, où s’entassent des familles par centaines ; des pêcheurs – ce sont eux qui ont été les plus touchés, puisque le tsunami a détruit barques et filets. Nous écoutons leurs récits et ils nous disent leurs besoins : un sentiment d’angoisse nous étreint, face à tant de souffrance et de dénuement. Mais nous allons de l’avant, sans nous décourager. Nous nous souvenons que c’est Jésus, dans ces frères, qui nous dit : “J’avais besoin d’une barque et de filets pour gagner ma vie, et tu me le as procurés…”. Nous sommes stupéfaits par la générosité de ces personnes, qui savent oublier leur propre détresse pour nous accueillir, nous qui sommes des étrangers et des inconnus : un jeune, avec son couteau, coupe sur l’arbre une noix de coco pour chacun de nous et nous l’offre pour nous en faire boire le jus, une boisson délicieuse. Pleurer ensemble Dans le village de Kampung Cina, nous avons rencontré une jeune femme musulmane, qui revenait de voir sa maison, pour la première fois depuis la catastrophe. Celle-ci était rasée au sol, et elle avait perdu son mari et huit enfants ! Au milieu des larmes, elle nous a raconté que, tandis qu’elle se sauvait en tenant dans ses bras son dernier-né, âgé de quelques mois, tout à coup elle a vu deux autres de ses enfants qui étaient en danger et elle a couru pour les secourir. Mais elle a alors entendu les cris de son bébé, qui avait lâché sa main et que l’eau emportait. Une autre vague, très haute, est arrivée et a emporté ses deux enfants. Dans les eaux tourbillonnantes, elle perdu connaissance et elle s’est réveillée sur un cocotier. Nous sommes restés pétrifiés en écoutant son récit : impossible de lui dire quoi que ce soit, ne fût-ce qu’un seul mot. Ne sachant que faire d’autre pour la consoler, nous l’avons serrée dans nos bras, et nous avons pleuré avec elle. Quand nous pénétrons dans la partie de la ville la plus touchée par le tsunami et dans les villages environnants, c’est une désolation totale que nous découvrons ! Des maisons entièrement vidées par la violence des eaux, la plupart détruites et ensevelies sous des montagnes de débris, où l’on recherche encore les corps des victimes. Là où les corps ne peuvent être exhumés, on plante un drapeau pour chaque corps que l’on suppose enseveli ; une sorte de rite funéraire et une marque de respect pour ces vies, qui ne doivent pas tomber dans l’oubli. Le long de la route qui conduit au centre de la ville, à environ trois kilomètres de la mer, deux grands navires (de 350 tonnes chacun) sont adossés à un hôtel. Ils resteront là, comme un monument à la mémoire de cette grande tragédie. Mais la douleur la plus intense, c’est de voir la pointe extrême de Banda Aceh, où la furie de la mer s’est déversée de toute sa force, frappant dans toutes les directions et détruisant tout. C’est une sorte d’étroite péninsule, entourée de toutes parts par la mer. Il ne reste plus que le carrelage de quelques maisons, et un tas de gravats. Aucun signe de vie. Nous avons roulé en voiture pendant deux heures dans un silence complet, muets de douleur. Peut-être était-ce aussi un moment de prière, de méditation, de souffrance partagée qui n’était qu’un cri “pourquoi ?” Nous y avons reconnu un visage de Jésus Abandonné sur la croix – Lui qui a pris sur lui toutes les souffrances, toutes les divisions, tous les traumatismes de l’humanité – et alors, naissait aussi en nous, malgré l’obscurité du mystère, la certitude de Son Amour personnel pour chacun. Se retrousser les manches Nous essayons de faire quelque chose : l’un d’entre nous travaille dans une entreprise qui commercialise des filets de pêche. Nous pouvons nous intéresser concrètement au problème. Nous faisons nos calculs : combien il faut de filets, combien de fil, quelle quantité de bois pour construire les barques, si possible avec moteur ; combien de bicyclettes pour permettre aux enfants d’aller à l’école, quelles fournitures scolaires ; combien il faut d’argent. Quand nous serons rentrés, nous pourrons organiser la distribution des aides recueillies, car nous connaissons un par un les besoins, chacun correspondant à un visage rencontré (nous avons rencontré 953 pêcheurs). Il nous semble avoir construit une famille avec tous, chrétiens et non chrétiens. Et ceci n’est qu’un début ! Nous avons l’impression d’avoir assisté aux miracles engendrés par la solidarité que ce tsunami a suscitée à travers le monde entier. On constate la générosité de groupes, d’ONG, de congrégations… et il y a place pour tous ! La devise inscrite sur le drapeau national de l’Indonésie, est : “Unité dans la diversité”. C’est comme si ce grand pays, après la terrible épreuve qu’il vient de vivre, avait fait un pas de plus vers l’unité.