Mouvement des Focolari

ÉCOSSE | Glasgow : grandes religions, gardiennes de la Création

Lorna Gold, présidente du mouvement Laudato Si’, et Martin Palmer, fondateur et président de Faith Invest, expliquent comment les grandes religions du monde peuvent être un moteur pour la société civile en matière de changement climatique. Pendant la conférence de la COP26, les chefs religieux présents ont pris part à divers événements qui étaient des occasions de compréhension mutuelle et de dialogue. Parmi ceux-ci, un événement organisé à la mosquée et un autre organisé par le mouvement des Focolari. Martin Palmer (Angleterre) a passé toute sa vie professionnelle à s’engager auprès des principales religions du monde sur les questions environnementales. Tout a commencé en 1986, lorsque le prince Philip (le duc d’Édimbourg) – qui était le président international du Fonds mondial pour la nature (WWF) – lui a demandé de réunir les représentants de cinq des principales religions du monde afin d’examiner la manière dont ces religions comprennent leur place dans la nature. Ils ont créé un programme complet visant à amener les religions à travailler avec les principaux groupes environnementaux, les Nations unies, la Banque mondiale et d’autres organismes. Lorna Gold est vice-présidente du Global Catholic Climate Movement et présidente du Mouvement Laudato Si’. Elle coordonne leur travail sur l’action climatique au sein des communautés de foi et a mené le travail pour que l’Église catholique en Irlande et dans le monde entier se désinvestisse des combustibles fossiles. Lors de nos entretiens, nous avons abordé de nombreux sujets concernant la COP26, la crise climatique et la situation actuelle… Bien entendu, il n’a pas été possible de tout inclure dans le service diffusé lors de la Téléconférence. Par exemple, Martin Palmer a parlé de la période particulière que nous traversons en disant : « Je pense que nous sommes à l’aube d’un grand changement. Au lieu d’attendre que les gouvernements donnent l’exemple, c’est la société civile, les jeunes et les moins jeunes qui le font. Je travaille sur ce sujet depuis 40 ans. Je pense à l’essor des organisations de femmes qui n’existaient tout simplement pas en 1997. Je pense à l’ensemble du rôle des populations autochtones, des communautés religieuses, des ONG et du monde de l’éducation. Je vois que nous sommes maintenant à un tournant. Il y a encore beaucoup de gens qui pensent que si nous protestons, nous pouvons influencer les gouvernements … Je dois dire que je n’y crois pas ». « Les croyants rencontrent le monde financier, le monde de l’éducation et ils disent : comment pouvons-nous créer des partenariats ? Là où nous avons de l’argent, nous pouvons exercer une influence. Nous avons les structures. Nous avons les moyens de générer le changement… ». Ensuite, nous avons eu un échange très intéressant avec Lorna Gold sur ce qu’elle a appelé « l’anxiété climatique », où elle a déclaré : « Je pense que c’est quelque chose auquel nous allons tous être confrontés à un degré ou à un autre, parce qu’une fois que tu acceptes qu’il y a une crise climatique et que tout ne sera plus aussi rose à l’avenir – comme nous l’aurions peut-être voulu – la perspective d’un monde uni est assez éloignée si le changement climatique ne peut être résolu… ». « (…) J’essaie de gérer cette anxiété. L’un des moyens est de passer du temps dans la nature. La nature est une grande guérisseuse. Être en plein air, méditer dans la nature, trouver Dieu dans la création. Cela te fait comprendre que la nature est assez résistante. Nous la voyons se régénérer tout autour de nous ». « Je crois vraiment que le moment que nous vivons est une crise, mais il peut aussi être un kairos. Un kairos, comme le dit le pape François, est une occasion, un moment, un instant opportun pour repenser, pour se convertir, pour subir cette profonde conversion écologique et commencer à avancer dans une direction différente ». https://www.youtube.com/watch?v=cX6R-InbSb8  

Chiara Lubich: partageons

Dans ce passage, Chiara Lubich nous invite à partager avec le prochain, lui donnant ce qui lui manque pour avoir une vie digne. C’est la meilleure façon de nous préparer à Noël, que nous fêterons dans quelques jours. […] La conversion du cœur, demandée pour aller à la rencontre de Jésus, ne consiste pas en belles paroles ni en élans sentimentaux. Elle consiste à faire la volonté de Dieu et surtout à aimer notre prochain, à être concrètement solidaire avec lui, à partager avec lui nos biens, lorsqu’il manque du nécessaire : nourriture, vêtements, logement, assistance, etc. C’est ce que Jésus enseignera plus tard. Car la vie chrétienne ne demande pas principalement de faire de longues prières ni des pénitences exténuantes ; elle n’exige pas non plus de changer de métier — à moins que celui-ci ne soit mauvais en soi — mais elle demande de vivre, dans l’activité ou dans l’état de vie qui est le nôtre, l’amour du prochain. « Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même. » […] Nous sommes dans le mois où l’on célèbre la fête de Noël. Noël, pour l’Église, n’est pas la simple commémoration d’un événement du passé. C’est la célébration d’un mystère toujours présent, toujours actuel : la naissance de Jésus en nous et au milieu de nous. Comment alors nous préparer à Noël ? Comment faire en sorte que Jésus naisse ou renaisse en nous et parmi nous ? En aimant concrètement. Soyons attentifs à ce que notre amour du prochain ne s’arrête pas aux déclarations ou aux sentiments, mais qu’il passe toujours à l’action, aux réalisations, petites ou grandes.

Chiara Lubich

(Chiara Lubich, in Parole di Vita, préparé par Fabio Ciardi, Opere di Chiara Lubich, Cittá Nuova, 2017, p. 422-423)

l’Université Populaire Mariale (UPM) : L’espace de la conscience

l’Université Populaire Mariale (UPM) : L’espace de la conscience

Le 6 novembre 2021 a été inauguré le cycle de leçons du nouveau cours de l’Université Populaire Mariale (UPM) du mouvement des Focolari, qui s’intitule cette année « Là où l’homme est seul avec Dieu : la conscience »2. Catherine Belzung, neuroscientifique, et Emanuele Pili, conférencier, sont les intervenants de la deuxième leçon et répondent à quelques questions. « La conscience est le noyau plus secret et le sanctuaire de l’homme, là où il est seul avec Dieu dont la voix résonne dans l’intimité ». Ces mots, que l’on trouve dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes, inspirent le titre du nouveau cours de l’UPM (Université Mariale) des Focolari pour l’année académique 2021-2022 : « Là où l’homme est seul avec Dieu : la conscience ». Un espace « saint » est celui de la conscience morale, comme l’a expliqué Renata Simon, coresponsable de l’aspect sagesse et étude du mouvement des Focolari lors de la première rencontre de ce parcours le 6 novembre 2021 : « La conscience n’enferme pas l’homme dans une solitude impénétrable, comme dans une cellule isolée, mais l’ouvre à l’appel de Dieu ». Analyser le thème dans ses différentes déclinaisons et dans le contexte de la spiritualité de l’unité, réfléchir à la capacité d’agir selon la responsabilité de chacun d’entrer en dialogue avec soi-même et avec cette voix, sont quelques-uns des objectifs que ce cours vise à atteindre. Un grand défi, surtout dans le monde actuel, comme l’expliquent Cahterine Belzung, neuroscientifique et professeur au département « Imagerie et Cerveau » de l’Université François Rabelais de Tours (France) et Emanuele Pili, professeur adjoint au département de théologie, philosophie et sciences humaines de l’Institut universitaire Sophia. Tous deux interviendront lors de la deuxième réunion prévue le 18 décembre 2021 sur le thème : La conscience dans un monde pluriel, différentes perspectives. La conférence traitera des aspects psychologiques en relation avec la conscience morale, introduisant d’une certaine manière la question de la liberté et de ses éventuels conditionnements, sujet de réflexion lors de la troisième rencontre. « Chacun d’entre nous doit choisir en fonction des valeurs et nous trouvons cela dans diverses perspectives disciplinaires », explique Catherine Belzung. Ce qui varie souvent, ce sont les concepts et le langage utilisés. Dans les neurosciences, on parle de « mécanismes de prise de décision », dans d’autres domaines on parle de « conscience morale ». Il faut construire un dialogue pour comprendre si les différents mots utilisés correspondent à un concept commun. Sommes-nous conditionnés neurologiquement dans nos actions ou sommes-nous libres ? « Nous sommes des personnes totalement libres – affirme Catherine Belzung.  Certaines recherches ont été mal interprétées et identifient l’homme comme une marionnette aux mains de son matériel génétique, son cerveau. En réalité, nous ne sommes pas déterminés par notre biologie. Comprendre ce qui fait obstacle à l’écoute de soi et à la voix de Dieu dans une réalité bruyante comme celle que nous habitons semble être la vraie question. « L’époque dans laquelle nous vivons », explique Emanuele Pili, « est si bruyante et frénétique que, parfois, un manteau étouffant se crée autour de nos désirs les plus intimes et les plus authentiques ». L’omniprésence de la technologie modifie le processus même de formation de l’identité personnelle. Par conséquent, le défi d’écouter notre moi intérieur est réel et n’est pas simple à relever ». Comment sortir de cette impasse ? « Il s’agit, je crois, de trouver un moyen de percer le voile qui tend à obstruer la possibilité de rentrer en soi », poursuit Emanuele Pili. –  Je pense que l’essentiel passe par la redécouverte, aidée aussi par l’expérience de la pandémie, des relations vraies et simples vécues dans leur dimension corporelle et émotionnelle, capables de laisser de côté la superficialité et la médiocrité. (…) La redécouverte de l’intériorité et du désir qui l’anime est le jeu sérieux et non sérieux de la normalité de la vie. Peut-être, aujourd’hui, percer le voile qui ne nous permet pas d’accéder à l’intériorité passe aussi et surtout par le fait de savoir écouter ce cri, parfois silencieux ou étouffé, dont les plus jeunes, par exemple, sont, pour le meilleur et pour le pire, le témoignage le plus vivant et le plus efficace ».

Maria Grazia Berretta

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La musique de la fraternité sur la route des Balkans

La musique de la fraternité sur la route des Balkans

Le voyage du groupe international Gen Rosso sur la route des Balkans, où des milliers de migrants vivent dans des situations dramatiques en essayant de rejoindre l’Europe en quête d’un avenir meilleur. Cette expérience est également le point de départ de leur prochain concert de Noël intitulé “Refugee”, qui sera diffusé gratuitement en streaming. « Nous sommes fatigués, très fatigués de vivre dans ces conditions, mais aujourd’hui nous avons trouvé et expérimenté la joie ». C’est ce qu’a dit Mariam, visiblement émue, en remerciant le groupe international du Gen Rosso dans le camp de réfugiés en Bosnie, après une journée passée ensemble. Mariam est iranienne et, avec d’autres migrants, elle vit actuellement dans le camp de réfugiés parce qu’elle cherche un avenir meilleur, où il n’y a pas de guerre, de haine et de persécution. Des milliers de réfugiés comme elle sont bloqués dans le froid et le gel sur la « route des Balkans », dans l’espoir d’ atteindre l’ Europe. Le Gen Rosso s’est rendu en Bosnie en octobre 2021 pour apporter un peu de soulagement et d’espoir à ces migrants, notamment par l’art, la musique et la danse. Un camp de réfugiés géré par le ‘Jesuit Refugee Service’, Service jésuite des réfugiés (JRS), qui fournit un logement et une aide essentielle aux demandeurs d’asile et aux migrants qui tentent de traverser la frontière croate. « Nous n’avions aucune idée de ce que nous allions rencontrer ni de qui nous allions rencontrer », expliquent les membres du groupe, « mais nous avions le désir de faire en sorte que ces personnes contraintes à une pérégrination douloureuse de plusieurs années, ressentent la fraternité ». Les migrants ont besoin non seulement de nourriture et de vêtements, mais aussi de moments d’accueil et de sérénité. Au début, « nous nous sommes retrouvés sous le regard interrogateur et quelque peu méfiant de familles qui gardaient leurs distances. Ce n’était pas facile de commencer avec des personnes de cultures et de traditions différentes, habituées à l’indifférence, voire à l’ hostilité, de tant de personnes », explique le groupe. Ce sont les enfants qui ont brisé la glace initiale. Encouragés, ils se sont approchés pour essayer de jouer avec le tambour brésilien d’ Ygor du Gen Rosso. Lentement, tout le monde a surmonté sa méfiance. « Qui sait ce que ces enfants ont vécu et ce qu’ils portent dans leur cœur – raconte Michele –  chanteur du groupe. Une belle atmosphère s’est immédiatement instaurée. Le fait que les enfants soient là, avec leur immédiateté et leur simplicité, a beaucoup aidé ». Et c’est ainsi que les premiers dialogues ont commencé. Comment t’appelles-tu ? D’où viens – tu? Et la méfiance a commencé à faire place à la confiance. « Nous avions prévu de nous séparer en petits groupes –  racontent les musiciens –  mais nous avons réalisé qu’ils voulaient tous rester ensemble et, après si longtemps, faire la fête, avec des chants et des danses populaires, selon leurs propres traditions. Certaines mamans, pour nous montrer une danse typique, nous ont laissé leurs bébés dans les bras avec la confiance que l’on accorde aux frères ». Un réfugié blessé à la jambe « s’est accroché à mon tambour –  raconte Helânio – ses yeux brillaient, c’était presque sa seule façon de s’exprimer. J’ai été heureux de lui donner cette opportunité ». « Une femme a demandé si elle pouvait danser  – raconte Raymund, danseur -. Elle a senti que quelqu’ un l’appréciait. J’ai compris ce que cela signifie d’aller à leur rencontre à travers la musique, qui peut reconstruire l’âme des personnes, et il était évident dans leurs yeux brillants qu’ils étaient heureux ».

Une expérience indélébile qui a également inspiré le prochain concert de Noël, que le Gen Rosso a intitulé “Refugee”. Il aura lieu le 18 décembre 2021, à 21h00 (UTC+1), à l’auditorium de Loppiano – vous pouvez acheter des billets ici ou à l’extérieur de l’auditorium – et sera diffusé gratuitement sur la plateforme web publica.la. Une soirée dédiée en particulier à tous ceux qui se trouvent en ce moment dans des situations de souffrance et d’inconfort, avec le désir d’apporter soulagement, paix et espérance.

Lorenzo Russo

Vie de l’Évangile  : «  Heureuse celle qui a cru » (Lc 1, 45)

Après avoir été visitée par la puissance du Très-Haut, Marie se précipite chez sa cousine Elisabeth avec un cœur en fête. C’est le premier geste missionnaire que fait la Mère de Dieu après avoir dit son “oui”, en allant à la rencontre de l’autre pour annoncer la bonne nouvelle. Noël est le moment où nous pouvons nous aussi apporter avec générosité cette annonce au monde. Comme une flaque d’eau Dans la famille, au nom de la liberté, les enfants avaient perdu toute mesure et tout respect. Un jour, pour ne pas mal réagir et retrouver mon calme, je suis allée me promener et, comme je le fais souvent, j’ai commencé à prier le chapelet. J’ai pensé alors à Marie. Elle avait été épouse et mère. Elle avait silencieusement tout gardé dans son cœur, même sa douleur. Bien que je ressente un mélange de négativité, la prière et la réflexion m’ont donné la paix et la force d’essayer de ramener cette sérénité à la maison. Soudain, alors que je marchais, j’ai vu une flaque d’eau dans laquelle le ciel se reflétait. Je me sentais un peu comme ça : une flaque d’eau qui peut refléter le ciel. C’était suffisant pour recommencer avec une nouvelle joie. (F.A. – Albanie) Ensemble J’avais prévu avec mon mari qu’il resterait à la maison après le travail pour tenir compagnie à notre fils John, atteint du syndrome de Down, afin que je puisse assister à une réunion paroissiale à laquelle je tenais. Ces derniers temps, cependant, ce va – et – vient des responsabilités parentales par rapport à John se produisait un peu trop souvent, et j’avais remarqué des réactions négatives qui me  semblaient injustifiées chez le garçon. Après réflexion, j’ai décidé de renoncer à la réunion pour être avec lui. Lorsqu’il a appris que nous allions rester tous les trois à la maison, son attitude défiante a disparu. Pendant que je préparais le dîner, il s’est approché de moi et m’a dit : « Je suis désolé de ne pas avoir été poli, Maman. Recommençons ». Il faisait référence à quelque chose qu’il avait fait la veille et voulait dire « recommençons à nous aimer ». J’étais heureux qu’il se soit souvenu de ce moment où il avait été grossier. Mon mari était également présent et l’harmonie familiale a été rétablie. Nous avons passé une merveilleuse soirée. Quand John s’est couché, il était visiblement heureux. (R.S. – USA) A l’hôpital Hier matin, à l’hôpital où je fais du bénévolat, je suis allé accueillir un patient plutôt âgé. Lorsque je lui ai demandé s’il souhaitait recevoir l’Eucharistie, il a souri et secoué la tête : « Cela fait longtemps que je n’ai pas communié… ». Je lui ai alors proposé : « Voulez-vous au moins dire une prière ? » Il a répondu : « Oui, mais vous devez m’aider, car je ne me souviens pas comment faire ». J’ai commencé et, parole après parole, il m’a suivi. A la fin de la prière, il a conclu en souriant : « Je me suis ému ». Et dire qu’à première vue, je l’aurais décrit comme une personne plutôt dure. Je l’ai salué d’une caresse. (Umberto – Italie)

                                                                                                          Écrit par Maria Grazia Berretta

(extrait de Il Vangelo del Giorno, Città Nuova, année VII, n.4, novembre-décembre 2021) Foto © Joachim Schwind – CSC Audiovisivi

ÉTATS-UNIS | Une entreprise familiale pour la protection de l’environnement

Depuis plus de 25 ans, John et Julia Mundell travaillent dans la protection de l’environnement. Leur entreprise, Mundell and Associates, est née à Indianapolis dans le but de réparer les dommages environnementaux et de résoudre les problèmes causés par les déchets toxiques. Aujourd’hui, leur action est connue dans tous les États-Unis et dans plusieurs pays. Travailler à la préservation de la terre est pour eux une vocation, un moyen de construire l’unité et de préserver notre maison commune au bénéfice des prochaines générations. https://vimeo.com/651033296

L’École Abbà : une fleur à quatre pétales

L’École Abbà : une fleur à quatre pétales

Après l’Assemblée Générale du mouvement des Focolari au début de l’année 2021, l’École Abbà (Centre d’études du mouvement des Focolari) a redémarré avec une nouvelle configuration. Pour en savoir plus, nous avons interviewé son directeur, Mgr Piero Coda, ancien doyen de l’Institut Universitaire Sophia de Loppiano (Italie), récemment nommé par le pape François Secrétaire Général de la Commission Théologique Internationale. Vous étiez dans le premier groupe convoqué par Chiara Lubich pour former l’École Abba : quels sont les objectifs de ce groupe d’étude ? Quelle a été votre expérience intellectuelle et spirituelle au contact de la pensée et de la vie de Chiara Lubich ? C’est assurément une grâce particulière qui m’a conduit à participer en 1989 au lancement de ce projet, avec Monseigneur Klaus Hemmerle, avant l’ouverture officielle de l’École Abba l’année suivante, en 1990. L’objectif que Chiara Lubich a confié dès le début à ce Centre d’études original était d’étudier et de dégager les implications théologiques, culturelles et sociales du charisme de l’unité. Mais avant tout, il s’agissait de faire une expérience vécue et partagée de l’Évangile de Jésus dans la lumière qui découle du charisme. À tel point que l’une des dernières instructions que Chiara a données à l’école Abba en 2004 était : « Soyez un cénacle de sainteté ! C’est le don et la mission de l’École Abba : apprendre à habiter avec sa vie, et donc aussi avec ses pensées, ce lieu où nous introduit la présence de Jésus ressuscité au milieu des siens, ce lieu qui est la vie de Dieu, le sein du Père. Cette vie – nous enseigne Chiara, conformément à l’Évangile et à la foi de l’Église – est la vie même de la Très Sainte Trinité, non seulement au ciel, mais au milieu de nous : “… sur la terre comme au ciel “. » Pour moi, ce fut et c’est toujours, une expérience unique. Je pourrais la décrire avec les mots de la première lettre de Jean : « Mes yeux ont vu, mes mains ont touché, mes oreilles ont entendu … la Parole de vie » : les sens de mon âme se sont éveillés et ont expérimenté la lumière de Jésus abandonné et ressuscité avec laquelle regarder la réalité d’une manière nouvelle. Ainsi, plus qu’auparavant, la théologie est devenue pour moi une réalité vitale et passionnante. Par ailleurs, comme des experts de toutes les disciplines participent à l’École Abbà, tous attentifs à vivre l’unité, y compris dans la communion de pensée, l’horizon de l’inter- et de la transdisciplinarité s’est ouvert, mettant à jour la racine et du but commun de toutes les formes de connaissance, désormais concrètement appelées à dialoguer entre elles. La théologie que je pratique a été extraordinairement enrichie par ce dialogue qui se situe non seulement au niveau interpersonnel mais aussi interdisciplinaire. L’École Abba a récemment connu un nouveau développement, et vous en êtes devenu le directeur en mars 2021. Pouvez-vous nous dire en quoi consiste ce développement ? L’École Abbà a maintenant plus de 30 ans et s’est développée et enrichie au cours de cette période. Près de 50 personnes ont rejoint cette École à différents moments : jusqu’en 2004 la présence de Chiara a été constante et très précieuse. Puis, des groupes de disciplines diverses sont nés autour de ses membres : psychologie, sociologie, politique, économie, sciences naturelles, art, dialogue… actuellement plus de 300 personnes dans le monde. À la suite de l’Assemblée Générale de l’Œuvre de Marie et comme fruit de tout un parcours de discernement communautaire, on a constaté que ces dernières années la “fleur” de l’École Abba s’est déployée en “quatre pétales” : on a donc cherché à leur donner une configuration qui permette tout à la fois leur unité et leur distinction, de manière à reconnaître et favoriser ce développement au service de la mission de l’Œuvre de Marie. Le premier “pétale” est composé de ceux (une quinzaine de personnes) qui sont appelés à poursuivre l’étude spécifique de la signification charismatique et culturelle de l’événement de 1949 qui fut une expression particulière du charisme de l’unité dans l’expérience vécue par Chiara, Foco (Igino Giordani), par ses premières compagnes et ses premiers compagnons et ensuite, progressivement, par tous ceux qui vivent ce charisme. De cette période de grâce nous conservons un précieux témoignage écrit par Chiara elle-même. Le deuxième “pétale” s’engage à transmettre ce patrimoine de lumière et de doctrine aux nouvelles générations :  c’est un groupe de 27 jeunes chercheurs compétents dans différentes disciplines et provenant du monde entier. Le troisième “pétale” réunit ceux qui ont fait partie de l’École Abba jusqu’à présent et qui continuent à en faire partie (un bon groupe de 29 personnes), en vue de réaliser des projets de recherche inspirés par le charisme et au service de l’Œuvre, sur la base de leurs compétences et expériences respectives. Enfin, le quatrième “pétale” est celui des groupes spécialisés dans une discipline et porteurs d’une vocation internationale. Quels projets avez-vous en tête pour l’avenir ? Nous mettons des projets sur la table pour discerner ensemble ce qu’il faut faire et comment le faire. Certaines choses intéressantes apparaissent déjà. La première est de donner forme à un “lexique” de la vie de l’unité : une sorte de vademecum dans lequel les idées-forces issues du charisme de l’unité sont présentées de manière universelle et enrichies à la lumière de tous les progrès réalisés jusqu’à présent. Une deuxième chose est d’offrir une contribution, à partir de la spécificité du charisme, au parcours synodal de l’Église que le pape François vient de lancer. Nous pensons, en effet, qu’il y a là quelque chose d’important : car Chiara, en 1949, dit que l’“Âme”, – ce nouveau sujet, tout à la fois personnel et communautaire, qui naît du pacte de l’unité – se présente avec “les caractéristiques de l’Église”, est accueilli dans le sein de la Trinité et constitue un “groupe” en marche. Synode est en effet le nom de l’Église qui marche aux côtés de tous, à commencer par les plus pauvres et les plus délaissés et avec tous ceux en qui nous reconnaissons le visage et le cri de Jésus abandonné. Il y a ensuite le grand thème anthropologique qui interpelle notre époque : en particulier, les relations entre les personnes, entre l’homme et la femme et entre les différentes cultures. Et enfin, les relations entre les religions : un signe des temps et un objectif propre au charisme de l’unité. Un membre des Focolari pourrait demander: comment puis-je participer à l’École Abba ? Comme l’a dit Chiara, le Mouvement est né comme une école. Dans l’École Abba, et donc dans l’Œuvre, il s’agit de se mettre à l’école décisive que Dieu a fait vivre à Chiara, Foco, aux premières focolarine, aux premiers focolarini, surtout en 1949. L’engagement, par conséquent, est que l’École Abba ne doit pas être un édifice inaccessible, mais équipé de nombreuses portes et fenêtres, afin que chacun puisse y participer. Je pense, par exemple, à la petite expérience que nous vivons à Loppiano pour offrir quelques éclairages afin que chacun puisse participer à cette lumière. C’est un fait extrêmement positif parce que, lorsqu’elle atteint les personnes dans leurs différentes situations, dans leurs différentes compétences, dans leurs différentes sensibilités, cette lumière suscite joie et créativité. L’École Abba n’est pas une réalité à sens unique qui ne partirait que de la lumière qu’elle a reçue. Non ! Sa lumière va et vient, enrichie par l’expérience, les questions, les solutions que la vie du peuple de Chiara acquiert et offre. C’est donc une dynamique vertueuse, qui doit être de mieux en mieux activée et promue.

Carlos Mana

Chiara Lubich : Corriger nos points faibles et repartir du bon pied

Chaque année, pendant la période de préparation de Noël, cette même invitation nous est adressée : préparez le chemin du Seigneur. (cf. Is. 40, 3). Depuis toujours Dieu a manifesté son désir de se tenir parmi ses enfants, Il vient « habiter parmi nous ». Chiara Lubich, dans cet extrait, nous suggère comment nous pouvons nous préparer à sa venue, comment ouvrir notre cœur à Jésus qui naît. Que de fois nous désirerions nous aussi rencontrer Jésus, qu’il chemine à nos côtés, que sa lumière nous éclaire ! Afin qu’il entre dans notre vie, éliminons ce qui lui fait obstacle. Il ne s’agit plus là de route à niveler, mais de cœur à lui ouvrir. Quelles barrières ferment notre cœur ? Jésus en énumère quelques-unes : « intentions mauvaises, inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidité, méchanceté, fraudes, débauche, envie, diffamation, orgueil, démesure… » (Mc 7, 21-22). Il s’agit parfois de rancœurs à l’égard de parents ou de connaissances, de préjugés raciaux, d’indifférence devant les besoins de ceux qui nous sont proches, de manques d’attention et d’amour en famille… Concrètement, comment lui préparer la route ? En lui demandant pardon chaque fois que nous prenons conscience d’avoir dressé une barrière qui nous empêche d’entrer en communion avec lui. Par cet acte sincère d’humilité et de vérité, nous nous présentons devant lui tels que nous sommes, en lui montrant notre fragilité, nos erreurs, nos péchés. Nous lui déclarons notre confiance et nous reconnaissons son amour de Père, « miséricordieux et bienveillant » (Cf. Ps 103, 8). Nous exprimons notre désir de corriger nos points faibles et de repartir du bon pied. Chacun de nous trouvera le meilleur moment pour s’arrêter, considérer la journée écoulée et demander pardon : peut-être le soir, avant de s’endormir. Une autre possibilité de demande de pardon pour nos péchés nous est proposée au début de toute célébration eucharistique : vivons-la avec davantage de conscience et d’intensité avec toute la communauté. Enfin recourons à la confession personnelle où Dieu nous donne son pardon. Cela peut énormément nous aider. Nous y rencontrons le Seigneur à qui nous pouvons confier toutes nos fautes. Nous en repartons sauvés, certains d’être renouvelés et tout joyeux de nous sentir à nouveau véritables enfants de Dieu. Par son pardon, Dieu lui-même enlève tout obstacle, « aplanit le chemin » et rétablit un rapport d’amour avec chacun de nous.

Chiara Lubich

(Chiara Lubich, in Parole di Vita, préparé par Fabio Ciardi, Opere di Chiara Lubich, Cittá Nuova, 2017, p. 766-768)

Avoir pour ami un saint

Le 8 octobre 2021, la phase diocésaine du procès de béatification d’Alberto Michelotti et de Carlo Grisolia a pris fin à Gênes (Italie). Leur histoire est celle d’un itinéraire commun, d’une véritable amitié capable de tout surmonter. Comment “devenir saints ensemble” ? Ce n’est pas facile. Cela prend du temps et, surtout, il est nécessaire de marcher dans la même direction, de regarder vers la même source lumineuse. C’est l’histoire d’Alberto Michelotti (Gênes 1958 – Monte Argentera 1980) et de Carlo Grisolia (1960 Bologne – Gênes 1980), deux jeunes de Gênes (Italie) très différents l’un de l’autre à certains égards, mais liés par une solide amitié et un seul désir : mettre Dieu au centre de leur vie. L’idéal et le charisme du mouvement des Focolari les ont fortement attirés et unis dans une relation de véritable partage et de fraternité. Tous deux sont décédés en 1980, à 40 jours d’intervalle, Alberto lors d’une ascension en montagne, Carlo des suites d’une tumeur. Deux amis et un seul procès de canonisation, ouvert en 2005 par le Cardinal Tarcisio Bertone, Archevêque de Gênes. La phase diocésaine du procès s’est achevée le 8 octobre dernier. Mais qui sont vraiment ces deux jeunes ? Alberto a l’étoffe d’un leader, d’un battant, mais son leadership repose sur un “service” qui le rapproche toujours plus de son prochain, en particulier des plus démunis et des jeunes. Né et vivant avec sa famille dans la banlieue de Gênes, il fréquente la paroisse de San Sebastiano avec ses parents. Il prend une part active à la vie paroissiale et, après un premier engagement dans l’Action catholique, grâce à un prêtre, Mario Terrile, il se familiarise avec la spiritualité de Chiara Lubich, qui le bouleverse. C’est au cours de la Mariapolis de 1977, une rencontre du mouvement des Focolari, qu’Alberto reçoit une grâce qui va changer sa vie pour toujours : ” Dieu Amour “. La même année, il rejoint les Gen (Génération Nouvelle), la branche des jeunes du Mouvement, et c’est là qu’il rencontre Carlo avec qui il fait l’expérience d’une profonde unité qui leur permet de dépasser leurs différences de caractère. Carlo, contrairement à Alberto, est un garçon plus porté à l’intériorité et poète à ses heures. Il étudie l’agriculture et aime lire, jouer de la guitare et écrire des chansons. C’est un rêveur, un idéaliste, rien à voir avec la grande passion d’Alberto pour la montagne et sa rigueur mathématique de futur ingénieur. Et pourtant une grande aspiration les unit : leur désir de porter aux autres l’idéal évangélique du monde uni dans la joie et l’enthousiasme et, surtout, de toujours mettre en pratique le message de Jésus « Là où deux ou plusieurs sont unis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt 18, 15-20). Au contact du mouvement des Focolari, qu’il connaissait depuis son enfance grâce à ses parents, Carlo a cultivé l’art de “devenir saints ensemble”, une invitation lancée par Chiara dans l’un de ses messages : voilà qui est devenu pour lui un objectif prioritaire, surtout après son déménagement à Gênes à cause du travail de son père. Vir, “homme vrai, homme fort” n’est pas seulement le nom que lui donne la fondatrice du mouvement des Focolari, mais il devient au fil du temps un programme de vie pour Carlo qui puise sa force en Jésus, la seule source d’énergie possible, comme il l’écrit dans une de ses chansons : « Et respire dans l’air l’amour que te donne ce nouveau soleil qui se lève sur toi ». L’amitié entre ces deux jeunes a duré trois ans, et pourtant ils semblaient avoir la maturité de personnes avisées et fortes d’une longue expérience, ce qui caractérise en général la sagesse des anciens. Dans leur quête d’un Amour authentique, ils découvrent la pureté comme moyen d’atteindre la vraie liberté ensemble et de partager cet idéal avec leurs amis : leurs pensées, profondes, s’entrecroisent en forme de motifs aux couleurs variées sur des feuilles de papier, les messages whatsapp d’autrefois. Alberto écrit à Carlo le jour de son dix-neuvième anniversaire : « Ce sera probablement une année de service militaire pour toi – peut-être de nouvelles difficultés, de nouvelles joies – Un peu comme la journée d’aujourd’hui, qui a commencé par un temps merveilleux et qui, à 16 heures, s’est assombrie comme en hiver (…) Mais nous savons que derrière ces nuages, il y a le soleil. » Alberto et Carlo ont cultivé cet amour réciproque qui leur a permis d’accueillir les joies et les peurs, les luttes et les conquêtes : confiants dans l’Amour qui peut tout faire, ils étaient disposés à vivre les paroles de l’Évangile : « Personne n’a de plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). Alberto a perdu la vie dans les montagnes de Cuneo, le 18 août 1980, à la suite d’une chute en escaladant un ravin gelé dans les Alpes maritimes. Carlo n’a pas pu assister à ses funérailles. Le 16 août, il revient de la caserne pour des tests après une série d’évanouissements et de paralysies des membres. Au bout de quelques heures, et après avoir consulté un médecin qui n’a pas caché la gravité de son état, il est hospitalisé. Il s’agit d’une néoplasie. On lui fait part de la mort d’Alberto, mais ses jours sont comptés et il doit se rendre de toute urgence à l’hôpital. 40 jours sépareront les deux amis avant qu’ils ne se retrouvent, unis pour toujours. Au cours des derniers jours qu’il a passés à l’hôpital, Carlo, bien que très affaibli, a salué tout le monde avec un grand sourire : « Je sais où je vais – a-t-il dit à une infirmière – je vais rejoindre un de mes amis qui est parti il y a quelques jours dans un accident de montagne. » Il sent la forte présence d’Alberto à ses côtés et il est impatient de faire ce “saut en Dieu” dont il parle à sa mère à l’hôpital : une plongée dans l’immensité qui l’a ramené à la maison du Père le 29 septembre 1980. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, ce pacte invisible scellé dans l’amitié par Alberto et Carlo est plus fort que jamais et passe par une nouvelle phase. Ce qui est en réalité étonnant, c’est le caractère extraordinaire de l’événement. Dans l’histoire de l’Église, il n’est jamais arrivé que le procès de canonisation de deux personnes distinctes soit mené en même temps et concerne deux amis. Pour qu’Albert et Charles soient d’abord béatifiés et ensuite saints, deux miracles par leur intercession sont nécessaires, mais comme la prière est la même pour tous les deux , ils seront de toute façon “saints ensemble”. C’est la confirmation d’une amitié spirituelle comme chemin possible vers la sainteté. En vivant “sur la terre comme au ciel”, ils ont expérimenté la vraie joie, fruit d’une inspiration prophétique de Chiara : « Je souhaite que vous deveniez des saints, de grands saints, rapidement. Ainsi je suis sûre de vous mettre le bonheur entre les mains. »

 Maria Grazia Berretta