Le chemin partagé par le pape François avec les Focolari est un chemin de dialogue et d’accueil enraciné dans l’Évangile. Maria Voce Emmaus qui a été Présidente du Mouvement pendant les huit premières années de son Pontificat, nous le raconte
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Un Pape qui a rêvé et nous a fait rêver… de quoi ? Que – comme il l’a dit lui-même un jour : « L’Église est l’Évangile. » Non pas dans le sens où l’Évangile est la propriété exclusive de l’Église. Mais dans le sens où Jésus de Nazareth, celui qui a été crucifié hors du campement comme un maudit et que Dieu Abba a ressuscité d’entre les morts comme son Fils premier-né parmi de nombreux frères et sœurs, continue ici et maintenant, à travers ceux qui se reconnaissent en son nom, à apporter la Bonne Nouvelle que le Royaume de Dieu est venu et vient… pour tous, à commencer par les « derniers » qui sont rejoints par l’Évangile pour ce qu’ils sont aux yeux de Dieu : les « premiers ». Réellement et pas seulement au sens figuré. Voici l’Évangile que l’Église annonce et contribue à faire entrer dans l’histoire, dans la mesure où elle se laisse transformer par l’Évangile. Comme c’est arrivé, dès le début, à Pierre et Jean qui, montant au temple, rencontrèrent à la porte dite « la Belle » l’homme estropié de naissance. Ils fixèrent ensemble leur regard sur lui, qui à son tour les regarda dans les yeux. Et Pierre lui dit : « Je n’ai ni argent ni or, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus-Christ, le Nazaréen, marche ! »
L’Évangile de Jésus et la mission de l’Église. S’investir pour que l’on se lève et que l’on marche. C’est ainsi que le Père nous voit, nous veut et nous accompagne. Jorge Maria Bergoglio – avec toute la force et la fragilité de son humanité, qui nous a permis de sentir qu’il était notre frère – c’est pour cela qu’il a consacré sa vie et son service comme évêque de Rome. Depuis sa première apparition depuis la loggia de Saint-Pierre, lorsqu’il s’est incliné pour demander au peuple de Dieu d’invoquer la bénédiction sur lui ; jusqu’à la dernière, le jour de Pâques, lorsqu’il a donné de sa voix faible la bénédiction du Christ ressuscité avant de descendre sur la place pour croiser le regard des personnes. Son rêve était celui d’une Église « pauvre et des pauvres ». Dans l’esprit de Vatican II qui a rappelé l’Église à son unique modèle, Jésus : « qui s’est dépouillé lui-même, se faisant serviteur ».
Le nom de François qu’il a choisi exprime l’âme de ce qu’il a voulu faire, et avant tout être : témoin de l’Évangile « sine glossa », c’est-à-dire sans commentaires et sans compromis. Car l’Évangile n’est ni un ornement, ni un bouche-trou, ni un analgésique : il est annonce de vérité et de vie, de joie, de justice, de paix et de fraternité. Voilà le programme de réforme de l’Église dans Evangelii gaudium, et voilà les manifestes d’un nouvel humanisme planétaire dans Laudato sì et Fratelli tutti. Voilà le Jubilé de la miséricorde et le Jubilé de l’espérance. Voilà le document sur la fraternité universelle, signé à Abu Dhabi avec le grand Imam d’Al Ahzar et voilà les innombrables occasions de rencontre vécues avec les membres des différentes religions et convictions. Voilà l’œuvre infatigable en faveur des exclus, des migrants, des victimes d’abus. Voilà le refus catégorique de la guerre.
François a bien compris qu’il ne suffit pas de faire entendre à nouveau l’Évangile, avec toute sa charge subversive, dans l’aréopage complexe et même contradictoire de notre temps. Il faut quelque chose de plus : car nous ne sommes pas seulement dans une époque de changements, nous sommes au milieu du gué d’un changement d’époque. Il nous faut regarder avec un regard nouveau. Celui avec lequel Jésus nous a regardés et nous regarde, depuis le Père. Ce regard qui, avec des accents tendres et émouvants, est décrit dans son testament spirituel et théologique, l’encyclique Dilexit nos. C’est le regard – simple et radical – qui consiste à aimer le prochain comme soi-même et à s’aimer les uns les autres dans une réciprocité libre, gratuite, hospitalière, ouverte à tous, à tous, à tous. Le processus synodal auquel l’Église catholique – et, pour leur part, toutes les autres Églises - a été convoquée, indique la voie à parcourir en ce troisième millénaire : au-delà de l’image d’une Église cléricale, hiérarchique, masculine… Un chemin nouveau parce qu’ancien comme l’Évangile. Un chemin pas facile, qui coûte et semé d’embûches. Mais une grande prophétie, confiée à notre responsabilité créative et tenace.
Merci François ! Ton corps reposera désormais auprès de Celle qui t’a accompagné pas à pas, comme une mère, dans ton saint voyage. Avec elle, à présent, accompagne-nous tous, depuis le sein de Dieu, sur le chemin qui nous attend.
C’est avec une profonde émotion que j’écris ces lignes sur le pape François, après son « envol » vers le Père. Me reviennent à l’esprit les nombreux moments, si émouvants et significatifs, où j’ai pu lui serrer la main et sentir la chaleur de son sourire, la tendresse de son regard, la force de ses paroles, les battements de son cœur prêt à m’accueillir comme un père. J’ai du mal à croire que ces rencontres n’auront plus de « lendemain » ni de « à nouveau » dans mon histoire.
Je n’ai pas l’intention de faire une synthèse thématique du pontificat de François. Pour cela, il suffira de passer en revue les nombreux articles qui ont été publiés ces jours-ci, en particulier le numéro spécial de l’Osservatore Romano - quelques heures, à peine, après son décès - et les évaluations plus ou moins exhaustives qui seront certainement publiées prochainement.
Ce qui me pousse de l’intérieur, c’est de trouver le fil d’or qui tisse sa mission à la tête de l’Église, d’essayer de me mettre en phase avec le centre de son cœur et de son âme. Et, à partir de là, revivre la relation qu’il a eue avec l’Œuvre de Marie au cours de ces douze années.
Pour ce faire, j’ai longuement médité sur ses dernières interventions, car je sens que c’est là que le pape François a donné le meilleur de lui-même et que se trouve la clé de toute sa pensée et de toutes ses actions.
Dans le texte qu’il a préparé pour la Messe de Pâques, il cite le grand théologien Henri de Lubac - français et jésuite lui aussi -, une phrase qui ne peut être simplement rhétorique : « Il nous suffit de comprendre ceci : le christianisme, c’est le Christ. Non, vraiment, il n’y a rien d’autre que cela. »
À mon avis, si nous voulons comprendre François, nous devons nous référer à cet absolu : le Christ, et seulement le Christ, tout le Christ. C’est à partir de là que nous pouvons visualiser le contenu profond de ses encycliques et de ses exhortations apostoliques, le choix de ses voyages, ses options préférentielles, le sens des réformes qu’il a entreprises, ses gestes, ses paroles, ses homélies, ses rencontres, et surtout son amour pour les exclus, les rejetés, les femmes, les personnes âgées, les enfants et la Création.
« Non, vraiment, il n’y a rien d’autre. » Voilà pourquoi on peut dire, utilisant un pléonasme, que le catholicisme du pape François est simplement un « catholicisme chrétien ». L’élan de nouveauté qu’il a voulu insuffler à l’Église repose sur cette orientation : la transparence du Christ. En vertu de cela, il est souvent allé bien au-delà du politiquement correct, ou plutôt de l’ecclésiologiquement correct, sans crainte d’être mal compris, sans crainte de se tromper, conscient même de ses “contradictions”. En effet, dans une interview accordée à un journal espagnol, il a déclaré que ce qu’il souhaitait à son successeur, c’était qu’il ne commette pas les mêmes erreurs que lui.
En raison de cette centralité christologique, nous pouvons reconnaître que nous avons vraiment vécu - presque sans nous en rendre compte - avec un Pape profondément mystique. Du reste, c’est ainsi que le pape François a pensé et vécu l’Église : non pas comme une organisation religieuse, ni comme une distributrice de sacrements, encore moins comme un centre de pouvoir économique, social ou politique, mais comme peuple de Dieu, corps du Christ, qui accueille l’humanité dans Son humanité. Une Église, donc, ouverte à l’humanité, au service, parce que Jésus est « le cœur du monde ».
Réduire François à un réformateur social ou à un Pape de rupture témoigne d’une profonde cécité. J’ai souvent observé son visage lorsqu’il ponctuait ses messages de commentaires, par exemple à l’Angélus dominical. Là, avec la simplicité d’un pasteur qui aime passionnément son troupeau, apparaissaient son harmonie avec le divin, sa sagesse, sa foi cristalline et immédiate, sa profonde humilité.
De la centralité du Christ découlent, à mon humble avis, les deux piliers fondamentaux de son magistère : la miséricorde et l’espérance. La miséricorde exprime la conscience d’être des croyants enracinés dans l’histoire, personnelle et collective, avec tous ses drames ; l’espérance manifeste la tension eschatologique et salvifique qui la détermine. Selon la pensée du Pape, il y a miséricorde parce qu’il y a espérance ; et c’est l’espérance qui nous donne un cœur miséricordieux. En effet, dans l’homélie préparée pour la Veillée pascale de cette année, François affirme que « le Christ ressuscité est le tournant définitif de l’histoire humaine ». Les importants messages sociaux et écologiques du pape François sont mal compris si l’on ne tient pas compte de cette tension eschatologique centrée sur le Ressuscité.
La relation de François avec le Mouvement des Focolari a été intense au cours des douze années de son pontificat. Il lui a adressé dix discours officiels : aux participants des Assemblées de 2014 et 2021 ; à tous les membres à l’occasion du 80e anniversaire de la naissance du Mouvement ; à la communauté académique de l’Institut Universitaire Sophia ; aux familles-focolares ; aux participants à la rencontre des évêques de différentes Églises ; aux participants à la rencontre sur « l’Économie de communion » ; aux participants à la rencontre interreligieuse « One Human Family » ; aux habitants de la cité-pilote de Loppiano ; à la Mariapolis de Rome-Village pour la Terre. En outre, à une occasion, il a accordé une audience privée à Maria Voce - première Présidente de l’Œuvre de Marie après Chiara - et à moi-même.
Ce qui ressort de ces rencontres, c’est un grand amour et une sollicitude pastorale touchante du pape François envers le Mouvement. Dans la vertueuse circularité ecclésiale entre dons hiérarchiques et charismatiques, nous pouvons affirmer que, d’une part, le Pape a su saisir, apprécier et mettre en évidence le don que le charisme de l’unité – avec son accent sur la spiritualité de communion et ses réalisations concrètes dans des domaines ecclésiaux et civils très divers – représente pour le processus synodal que toute l’Église vit en vue d’une nouvelle évangélisation ; d’autre part, il a identifié avec une extrême lucidité les défis et les étapes que le Mouvement doit nécessairement franchir s’il veut rester fidèle au charisme originel, en sachant traverser avec humilité la crise inévitable de la période post-fondation, la transformant en un temps de grâce et de nouvelles opportunités.
Le pape François a été pour le monde un message de fraternité à tous les niveaux, enraciné dans le Christ et ouvert à tous. La fraternité est le seul avenir possible. Nous, peuple de l’unité, devons tirer profit de cet héritage avec humilité, énergie et responsabilité.
Cher Pape François, vous ne vous en souvenez peut-être pas, mais nous nous sommes rencontrés le 26 septembre 2014, lorsque vous avez reçu en audience privée une délégation du mouvement des Focolari. J’en faisais également partie, Luciana Scalacci de l’Abbadia San Salvatore, représentant les cultures non religieuses qui ont également leur place au sein du mouvement des Focolari. Je fais partie de ceux qui, comme me l’a dit un jour Jesus Moran, « ont aidé Chiara Lubich à ouvrir de nouvelles voies au charisme de l’unité ». Je suis une non-croyante qui a beaucoup reçu du Mouvement.
En ce jour extraordinaire, j’ai eu le privilège d’échanger avec Vous quelques mots que je n’oublierai jamais et que je vais citer.
Luciana : «Sainteté, lorsque vous avez pris vos fonctions d’évêque de Rome, je vous ai écrit une lettre, même si je savais que vous n’auriez pas l’occasion de la lire, vu le nombre de lettres que vous recevez, mais il était important pour moi de vous envoyer mon affection et mes vœux, parce que pour ma part, Sainteté, je ne me reconnais dans aucune foi religieuse, mais depuis plus de 20 ans, je fais partie du mouvement des Focolari qui m’a redonné l’espoir qu’il est encore possible de construire un monde uni ».
Le Pape : « Priez pour moi, si vous n’êtes pas croyante, vous ne priez pas, pensez à moi, pensez à moi fortement, pensez toujours à moi, j’en ai besoin ».
Luciana : « Mais regardez Sainteté, je prie pour vous à ma façon ».
Le pape : « C’est cela, une prière laïque et pensez fortement à moi, j’en ai besoin ».
Luciana : « Sainteté, bonne santé, courage, force ! L’Église catholique et le monde entier ont besoin de vous. L’Église catholique a besoin de vous.
Le Pape : « Pensez fortement à moi et priez de façon laïque pour moi. »
Aujourd’hui, cher Pape François, vous êtes sur un lit d’hôpital et je suis dans le même état. Nous sommes tous deux confrontés à la fragilité de notre humanité. Je voulais vous assurer que je ne cesse de penser à vous et de prier de façon laïque pour vous. Quant à vous, priez en tant que chrétien pour moi. Avec toute mon affection,
La Présidente du Mouvement des Focolari, Margaret Karram, a envoyé au Saint-Père un message l’assurant de son affectueuse proximité et de ses ferventes prières.
« Je demande à la Vierge Marie de vous faire sentir Son amour maternel et la tendresse que vous nous recommandez toujours envers chaque prochain et chaque peuple », écrit la Présidente.
« Infiniment reconnaissants pour votre vie entièrement donnée à Dieu et au bien de l’humanité, a-t-elle ajouté, je vous transmets l’étreinte chaleureuse de l’ensemble du Mouvement des Focolari dans le monde, qui prie et offre sans cesse pour vous. »