Mouvement des Focolari
Covid, un mal commun pour redécouvrir le bien commun

Covid, un mal commun pour redécouvrir le bien commun

L’économiste Luigino Bruni, l’un des experts appelés par le pape François à faire partie de la Commission Covid-19 du Vatican, est convaincu que la leçon de la pandémie aidera à redécouvrir la vérité profonde liée à l’expression « bien commun ». La santé, l’école, la sécurité sont le linteau de toute nation et pour cette raison elles ne peuvent pas se soumettre au jeu des profits. L’économiste Luigino Bruni, l’un des experts appelés par le pape François à faire partie de la Commission du Vatican Covid-19 (projet « Covid 19 Construire un avenir meilleur »,  créé en collaboration avec le Département pour la communication et le développement humain intégral), est convaincu que la leçon de la pandémie aidera à redécouvrir la vérité profonde liée à l’expression « bien commun » . Parce que, selon lui, tout est fondamentalement bien commun : la politique dans son sens le plus élevé, l’économie qui se tourne vers l’homme avant de se tourner vers le profit. Et dans ce nouveau paradigme mondial qui peut naître de l’après-Covid, l’Église, dit-il, doit devenir le « garant » de ce patrimoine collectif, car elle est étrangère à la logique du marché. L’espoir, pour Bruni, est que cette expérience conditionnée par un virus sans frontières ne nous fera pas oublier « l’importance de la coopération humaine et de la solidarité mondiale ». Vous êtes membre de la Commission du Vatican COVID 19, le mécanisme de réponse mis en place par le pape François pour faire face à une pandémie sans précédent. Qu’espérez-vous personnellement apprendre de cette expérience ? Comment la société dans son ensemble peut-elle s’inspirer des travaux de la Commission ? R. – La chose la plus importante que j’ai apprise de cette expérience est l’importance du principe de précaution et du bien commun. Le principe de précaution, pilier de la doctrine de l’Église, grand absent dans la phase initiale de l’épidémie, nous dit quelque chose d’extrêmement important : le principe de précaution est vécu de manière obsessionnelle au niveau individuel (il suffit de penser aux assurances et de la place qu’elles prennent dans le monde) mais il est totalement absent au niveau collectif, ce qui rend les sociétés du 21e siècle extrêmement vulnérables. C’est pourquoi les pays qui avaient sauvé un peu de « welfare state » se sont révélés beaucoup plus forts que ceux qui étaient entièrement gérés par le marché. Et puis les biens communs : comme un mal commun nous a révélé ce qu’est le bien commun, la pandémie nous a montré qu’avec les biens communs, il y a un besoin de communauté et pas seulement de marché. La santé, la sécurité, l’éducation ne peuvent être laissées au jeu des profits. Le pape François a demandé à la Commission COVID 19 de préparer le futur au lieu de se  préparer pour le futur. Dans cette entreprise, quel devrait être le rôle de l’Église catholique en tant qu’institution ? R. – L’Église catholique est l’une des rares (sinon la seule) institution qui garantit et protège le bien commun mondial. N’ayant pas d’intérêts privés, elle peut poursuivre les intérêts de tous. C’est pourquoi elle est très écoutée aujourd’hui, pour cette même raison elle a une responsabilité à exercer à l’échelle mondiale. Quelles leçons personnelles (si vous en avez) avez-vous tirées de l’expérience de cette pandémie ? Quels changements concrets espérez-vous voir après cette crise, tant d’un point de vue personnel que global ? R. – La première leçon est la valeur du bien relationnel : comme nous n’avons pas pu nous embrasser au cours de ces mois, j’ai redécouvert la valeur d’une étreinte et d’une rencontre. La deuxième : nous pouvons et devons faire de nombreuses réunions en ligne et beaucoup de « smart working »,  mais pour les décisions importantes et les réunions décisives, le net ne suffit pas, le corps est nécessaire. Le boom virtuel nous fait donc découvrir l’importance des rencontres en chair et en os et l’intelligence des corps. J’espère que nous n’oublierons pas les leçons de ces mois (car l’homme oublie très vite), en particulier l’importance de la politique telle que nous l’avons redécouverte au cours de ces mois (comme l’art du bien commun contre les maux communs), et que nous n’oublierons pas l’importance de la coopération humaine et de la solidarité globale. Préparer le monde de l’ après-covid, c’est aussi préparer les générations futures, celles qui demain seront appelées à décider, à tracer de nouvelles voies. L’éducation, dans ce sens, n’est  pas seulement une « dépense » à limiter, même en temps de crise ? R. – L’éducation, en particulier celle des enfants et des jeunes, est bien plus qu’une « dépense »… c’est l’investissement collectif ayant le taux de rendement social le plus élevé. J’espère que lorsque, dans les pays où l’école est encore fermée, quand elle sera ré-ouverte , ce sera un jour férié. La démocratie commence sur les bancs de l’école et y renaît à chaque génération. Le premier héritage (patres munus) que nous transmettons entre les générations est celui de l’éducation. Des dizaines de millions de garçons et de filles dans le monde n’ont pas accès à l’éducation. Peut-on ignorer l’article 26 de la Déclaration des droits de l’homme qui stipule le droit à l’éducation pour tous, une éducation gratuite et obligatoire, au moins pour l’enseignement fondamental ? R. – Il ne faut évidemment pas l’ignorer, mais nous ne pouvons pas demander que le coût de l’école soit entièrement pris en charge par les pays qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Nous devrions bientôt lancer une nouvelle coopération internationale sous le slogan : « l’école pour les enfants et les adolescents est un bien commun mondial »,  où les pays disposant de plus de ressources aident ceux qui en ont moins à rendre effectif le droit à la gratuité des études. Cette pandémie nous montre que le monde est une grande communauté, nous devons transformer ce mal commun en de nouveaux biens communs mondiaux. Même dans les pays riches, les parties du budget consacrées à l’éducation ont subi des réductions, parfois énormes. Peut-on avoir intérêt à ne pas investir dans les générations futures ? R. – Si la logique économique prend le dessus, il y aura davantage de raisonnements du type « pourquoi dois-je faire quelque chose pour les générations futures, qu’ont-elles fait pour moi » ?  Si le ‘do ut des’, le registre du commerce, devient la nouvelle logique des nations, on investira de moins en moins pour l’école, on fera de plus en plus de dettes que paieront les enfants d’aujourd’hui. Nous devons redevenir généreux, cultiver des vertus non économiques telles que la compassion, la douceur, la magnanimité. L’Église catholique est en première ligne pour offrir une éducation aux plus pauvres. Même dans des conditions de grande difficulté économique, car comme nous le constatons en cette période de pandémie, les lockdowns ont eu un impact considérable sur les écoles catholiques. Mais l’Église est là et accueille tout le monde, sans distinction de foi, en faisant place à la rencontre et au dialogue. Dans quelle mesure ce dernier aspect est-il important ? R. – L’Église a toujours été une institution du bien commun. La parabole de Luc ne nous dit pas quelle foi avait l’homme à moitié mort sauvé par le Samaritain. C’est précisément pendant les grandes crises que l’Église retrouve sa vocation de « Mater et magistra », que l’estime des non-chrétiens à son égard grandit, que cet océan qui accueille tout pour redonner tout à tous, surtout aux plus pauvres, car l’Église a toujours su que l’indicateur de tout bien commun est la condition des plus pauvres. L’enseignement de la religion, des religions, dans un monde de plus en plus tenté par les divisions et qui favorise le spectacle de la peur et de la tension ; quels résultats peut-il apporter ? R. – Cela dépend de la façon dont vous l’enseignez. La dimension éthique qui existe dans chaque religion n’est pas suffisante. Le grand enseignement que les religions peuvent donner aujourd’hui concerne la vie intérieure et la spiritualité car notre génération a, en l’espace de quelques décennies, dilapidé un héritage millénaire de sagesse ancienne et de piété populaire. Les religions doivent aider les jeunes et tous les autres à réécrire une nouvelle grammaire de la vie intérieure, et si elles ne le font pas, la dépression deviendra le fléau du 21e siècle.

Source : Vatican News

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Le grand témoignage que cette pandémie nous appelle à offrir à l’humanité

Le grand témoignage que cette pandémie nous appelle à offrir à l’humanité

Au cours de ces mois, la communion des biens s’est encore plus développée entre les communautés des Focolari dans le monde, répondant à de nombreuses demandes d’aide. L’ importante communion des biens pour l’urgence de la Covid-19 nous fait vivre une fois de plus la réalité de « toujours être famille » qui ne connaît ni frontières ni différences, mais fait ressortir la fraternité universelle, comme le soutient le pape François à travers la dernière encyclique «Tous  Frères » . Cette communion se développe à travers de véritables Fioretti ou actes d’amour et rappelle l’expérience des premiers chrétiens : ceux-ci, conscients qu’ils ne formaient qu’un seul cœur et qu’une seule âme, mettaient tous leurs biens en commun, témoignant de l’amour surabondant de Dieu et apportant l’espérance. En ces mois de pandémie, la communion des biens s’est encore plus développée entre les différentes communautés du Mouvement des Focolari dans le monde, répondant donc à de nombreuses  demandes d’aide. En Asie, à Taïwan et au Japon, les Gen, jeunes des Focolari, ont lancé une collecte de fonds pour aider la communauté de la ville de Torreòn, au Mexique. Ròisìn, une Gen de Taïwan, ayant appris l’expérience des Gen mexicains à propos de l’aide aux familles pauvres touchées par le virus, a immédiatement ressenti le besoin d’agir. Avec les autres Gen de sa ville, elle a lancé un appel à toute la communauté des Focolari de Taïwan, qui s’est immédiatement jointe à l’initiative en collectant des fonds pour des amis au Mexique. Par la suite, les Gen garçons et filles du Japon se sont également joints à l’initiative. En Tanzanie, cependant, une des familles de la communauté était sans lumière parce que la batterie du petit système solaire était plate. « Quelque temps auparavant – écrivent-ils de la communauté locale – l’un d’entre nous avait reçu une providence de 50 euros, environ 120 000 shillings  tanzaniens, pour une famille en difficulté. Nous en avons discuté ensemble et sommes arrivés à la conclusion de donner cette somme qui couvrait environ 60% du coût. La famille a pu acheter la nouvelle batterie et remettre la lumière dans la maison. Après quelques jours, un don de 1.000.000 de shillings tanzaniens est arrivé pour les besoins du focolare : presque 10 fois plus…le centuple » !!!. La communauté portugaise, après avoir entendu une mise au courant du Centre international des Focolari sur la situation mondiale, a décidé d’élargir l’horizon au-delà de ses frontières. « La somme que nous avons perçue jusqu’à présent – nous écrivent-ils – est le résultat de petits renoncements ainsi que de sommes imprévues que nous ne nous attendions pas à recevoir. Nous constatons que la conscience de la communion grandit dans la vie quotidienne de chacun d’entre nous : ensemble, nous pouvons essayer de surmonter non seulement les obstacles causés par la pandémie, mais que cela devienne un mode de vie ». En Équateur, par contre, J.V. a réussi à impliquer de nombreuses personnes dans la culture du don. Tout est venu d’un « appel téléphonique à un collègue pour avoir de ses nouvelles », dit-il, « et pour partager ses préoccupations concernant sa famille et les habitants de son village qui sont sans nourriture ». Il a ouvert une page facebook et a envoyé des courriels pour faire connaître la situation précaire de ce village. Cela a déclenché une grande générosité non seulement de la part des habitants de son quartier mais aussi d’ailleurs. Les amis et la famille de ce collègue peuvent désormais acheter de la nourriture et aider même les plus pauvres. En Égypte, tout est fermé à cause du lockdown, et donc également le travail de la fondation « United World »  qui, à travers des projets de développement en faveur des personnes vivant des situations de fragilité sociale, transmet la culture de la « fraternité universelle ». « Que pouvons-nous faire et où pouvons-nous aider » ? se sont-ils demandé. Et ainsi, malgré la fermeture et « grâce aux communautés de diverses églises, mosquées et autres organisations sociales, nous avons pu élargir le groupe de personnes à aider : familles des quartiers les plus pauvres du Caire, veuves, orphelins, personnes seules et âgées, réfugiés d’Éthiopie, d’Érythrée, du Nord et du Sud du Soudan. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de préparer 700 paquets de denrées alimentaires de base. Notre objectif est d’atteindre 1 000 paquets ». En République démocratique du Congo, les Gen de Kinshasa ont lancé une communion de biens en créant un fonds pour aider les plus démunis et neuf familles ont reçu du savon, du sucre, du riz et des masques. Ces témoignages vont bien au-delà de l’aide financière : comme le dit Ròisìn de Taiwan, « même les temps les plus sombres peuvent être éclairés par l’amour et la solidarité, et même si nous sommes isolés les uns des autres, nous sommes plus proches de la réalisation d’un monde uni ».

Lorenzo Russo

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Se faire proches au quotidien

Prendre soin des autres reconstruit la communauté : c’est l’expérience de Teresa Osswald, qui, dans la ville d’OPorto au Portugal, est l’animatrice d’un petit groupe d’enfants. Faire attention  à ce qui se passe autour de nous. Consacrer du temps et de l’énergie à ceux qui sont dans le besoin. Se mettre à la place de l’autre et partager ses joies et ses peines. Souvent, aimer ceux qui nous entourent signifie entrer dans les mailles du quotidien et devenir proche d’eux. C’est l’expérience de Teresa Osswald, qui, dans la ville d’OPorto au Portugal, est l’animatrice d’un petit groupe d’enfants. Comme chaque année, lorsque l’école ferme pour les vacances d’été, les enfants profitent d’un repos en plein air : certains au bord de la mer, d’autres à la montagne, d’autres encore en ville. Certains, cependant, n’ont pas cette possibilité parce que leur famille connaît des difficultés financières ou n’ont  pas de proches ni d’amis qui peuvent s’occuper d’eux pendant que leurs parents sont au travail. Ils connaissent donc une condition d’isolement social, également parce qu’ils viennent de pays lointains, avec des cultures, des traditions et des religions différentes. C’est l’histoire de trois enfants portugais, dont les parents sont originaires des îles de S. Tomé, sur la côte ouest de l’Afrique. Ils passent généralement leurs vacances à la maison, seuls et sans rien faire. Cette année aurait été la même si Térésa n’avait pas pris sur elle leur malaise. Comme pour d’autres enfants et d’autres familles dans les mêmes conditions. « J’avais un grand désir d’avoir une réponse à toutes ces situations – dit-elle – , cela a été possible au moins pour une famille: fin juillet, j’avais parlé à une amie de ces trois enfants qui allaient passer le mois d’août seuls à la maison. Le lendemain, elle m’a donné des informations sur les camps d’été de notre ville”. Mais les places sont peu nombreuses, la demande arrive en retard et il n’est pas certain que les enfants puissent participer. Térésa a tout confié à Dieu : « Que ta volonté soit faite. » Les places sont donc trouvées et le coût du camp est également pris en charge par la communauté des Focolari présente dans la ville. Ceux qui donnent une somme connaissent ensuite un certain “retour” ailleurs. C’est l’Évangile qui s’accomplit, pense Térésa : « Donne et il te sera donné» (Lc 6, 38). Ensuite, il faut accompagner les enfants au camp le matin et les ramener à la maison le soir. Il n’est pas facile de trouver du temps entre les engagements quotidiens, mais Teresa s’offre la même chose : « Je vois trois enfants heureux qui courent vers ma voiture. Il ne reste plus qu’à resserrer les lacets des petites chaussures de la petite fille et tout va bien. » Au bout d’une semaine, un coup de téléphone arrive : c’est une amie qui vient l’aider et lui propose de prendre les enfants chez elle. « Et c’est ainsi qu’avec la petite contribution de nombreuses personnes – explique-t-elle – ces enfants ont eu l’occasion de nager, de danser, de se socialiser, au lieu d’être enfermés dans la maison. Ils ont surtout eu l’occasion de transmettre aux enseignants et aux autres enfants leur joie et leur grande générosité. »  Et comme il est agréable de ressentir la joie de leur mère, émue et reconnaissante. « Des mots forts qui m’ont touchée en profondeur – nous  confie Térésa – s’intéresser à tout ce qui se passe à côté de nous et prendre soin des autres nous a permis de construire un petit bout de monde uni dans notre communauté.

Claudia Di Lorenzi

Le cheminement œcuménique des Églises chrétiennes vécu dans sa dimension « quotidienne »

Le cheminement œcuménique des Églises chrétiennes vécu dans sa dimension « quotidienne »

L’expérience de Sherin, une focolarine copte-orthodoxe qui expérimente chaque jour que l’unité entre les chrétiens de différentes Églises est un rêve possible. L’Église de demain « suivra l’exemple de la Très Sainte Trinité, où il y aura unité dans une vérité unique et dans la variété de toutes les traditions ; celles-ci seront les différents aspects de cette unique vérité. » C’est ainsi que Chiara Lubich a parlé du cheminement œcuménique vers l’unité des Églises chrétiennes dans un passage du livre Une spiritualité pour l’unité des chrétiens (Pensées choisies), publié par Città Nuova. Sherin Helmi, focolarine copte-orthodoxe, expérimente chaque jour que l’unité entre les chrétiens de différentes Églises est un rêve possible. Qu’est-ce qui t’a frappée dans la spiritualité de l’unité lorsque tu as rencontré Chiara et le mouvement des Focolari ? « J’ai découvert que l’Évangile, vécu par un peuple qui a un nouveau style de vie, une nouvelle langue et une nouvelle culture, est le levain d’une humanité nouvelle. Que cette fraternité universelle et notre vie ne sont pas des tiroirs séparés. Qu’il est possible de vivre la foi 24 heures sur 24 et de se laisser transformer par Jésus pour être un autre Christ, afin qu’Il puisse vivre Lui-même parmi Son peuple, selon la promesse de l’Évangile. » Tu appartiens à l’Église copte-orthodoxe. En faisant partie d’un Mouvement fondé par une femme catholique et majoritairement catholique as-tu été amenée à t’ éloigner de ton Église ? « Bien sûr que non ! Mais peut-être que Dieu nous prépare. J’ai grandi dans une école de religieuses catholiques, où il y avait du respect et de l’amour et où je ne ressentais pas de conflit d’appartenance à différentes Églises. En faisant partie du Mouvement, cette expérience s’est approfondie, et mon cœur s’est ouvert à toute l’Église. J’ai également voulu approfondir ma connaissance de l’Église copte afin de rechercher les points communs avec la vie des Focolari et j’ai découvert, par exemple, que saint Antoine le Grand invite tous les chrétiens, en tant que frères et sœurs, à “devenir une seule âme avec une seule volonté et une seule foi”. Ainsi, avec le temps, est né en moi le désir de m’engager à vivre pour l’unité de la famille humaine. J’ai éprouvé  une grande gratitude envers Chiara”. Tu vis au quotidien avec d’autres focolarines catholiques. Que signifie construire l’unité avec elles ? « Cela signifie ne pas avoir peur d’affronter les différences, qui sont une occasion d’aimer, en croyant que cela construit l’unité et nous fait expérimenter la présence de Jésus parmi nous. Et cela est également vrai pour les personnes d’ethnies, de conditions sociales et de convictions politiques différentes : si nous pensons que nous sommes tous enfants de Dieu le Père, alors l’autre est un frère à aimer. » Pour le pape copte-orthodoxe, Sa Sainteté Tawadros II, le chemin de la communion entre les Églises a son point d’appui dans le Christ. Et les “voies” qui mènent à Lui sont le dialogue, l’étude, la prière, la relation. Que signifie concrètement la recherche de l’unité dans ces domaines ? « Dans le Mouvement, le dialogue œcuménique est d’abord compris comme le “dialogue de la vie” : nous essayons de nous aimer les uns les autres au quotidien comme Jésus l’a fait. Ensuite, par le dialogue, nous échangeons sur des questions qui concernent la foi, en cherchant ce qui nous unit. L’Église orthodoxe copte accorde une grande importance à la prière et au jeûne, aussi prions-nous ensemble parce que l’unité est un don que seul Dieu donne, et nous pratiquons le jeûne pour que notre âme ne s’enferme pas dans les réalités matérielles et qu’elle se rapproche de Dieu. Dans le Mouvement, il y a aussi un groupe de chercheurs qui approfondissent ensemble de nombreux sujets, chacun selon la perspective de sa propre Église. Ils vivent ces échanges dans un climat d’amour et de bienveillance réciproques, en privilégiant l’écoute, l’accueil et le respect mutuels. Et ils prient pour comprendre quel est le regard de Dieu sur les choses.                                                                             

Claudia Di Lorenzi

On va à Dieu en passant par l’homme

Les insécurités nées des défis mondiaux tels que la mondialisation, le changement climatique et la pandémie du coronavirus semblent réveiller en beaucoup de personnes un nouveau besoin de vie spirituelle. Mais une spiritualité pour aujourd’hui – affirme Chiara Lubich dans le texte qui suit -, se caractérise par une forte dimension communautaire Une des caractéristiques les plus originales de cette spiritualité de l’unité se trouve dans sa dimension communautaire. Depuis la venue de Jésus, en deux mille ans d’histoire, l’Église a vu naître en son sein, l’une après l’autre ou parfois simultanément, les spiritualités les plus belles et les plus riches. L’Épouse du Christ a été ainsi ornée des perles les plus précieuses, des diamants les plus rares, qui ont formé et formeront encore de nombreux saints. Dans toute cette splendeur, il y a une constante : c’est surtout la personne individuelle qui va à Dieu. […] Néanmoins les temps ont changé. Aujourd’hui l’Esprit Saint appelle avec force les hommes à marcher les uns à côté des autres, à être, avec tous ceux qui le désirent, un seul cœur et une seule âme. Et l’Esprit Saint a poussé notre Mouvement, dès le début, à se tourner de façon décisive vers les hommes. Dans la spiritualité de l’unité, on va à Dieu à travers le frère : « Moi-même – le frère – Dieu », avons-nous coutume de dire. Nous allons à Dieu avec les autres, avec nos frères. Bien plus, nous allons à Dieu à travers eux. […] Nous vivons donc à une époque où la réalité de la communion vient pleinement en lumière, où l’on cherche non seulement le royaume de Dieu en soi-même, mais aussi au milieu des hommes. En outre, les spiritualités les plus individuelles exigent en général de ceux qui s’y sont engagés la solitude et la fuite des créatures pour parvenir à l’union mystique avec la Trinité en soi. Pour maintenir la solitude, le silence est exigé. Pour se tenir loin des hommes, on utilise le voile et la clôture ainsi qu’un vêtement particulier. Pour imiter la Passion du Christ, on pratique les pénitences les plus variées, parfois très dures, des jeûnes et des veilles. Dans la voie de l’unité, on connaît aussi la solitude et le silence, pour répondre par exemple à l’invitation de Jésus à s’enfermer dans sa chambre pour prier (cf. Mt 6,6). Ou encore on fuit les autres, s’ils entraînent au péché. En général, cependant, on accueille les frères, on aime le Christ en eux, en chaque frère, le Christ qui vit en lui ou peut renaître en lui grâce à l’aide ainsi offerte. Nous voulons nous unir à nos frères au nom de Jésus, pour que sa présence soit assurée au milieu de nous (cf. Mt 18, 20). Dans les spiritualités individuelles, on se trouve donc comme dans un magnifique jardin – l’Église –, où l’on observe et admire une fleur surtout : Dieu présent en soi. Dans une spiritualité collective, on aime et admire toutes les fleurs du jardin, la présence du Christ en chacun, que l’on aime comme la sienne. […]

Chiara Lubich

 Extrait de : Une spiritualité de communion. In:Chiara Lubich, Pensée et spiritualité, Nouvelle Cité 2003, pag. 64.

Gennadios Zervos : pour l’unité des deux Églises sœurs

Une longue et profonde amitié a uni le Métropolite récemment décédé au mouvement des Focolari. Gabriella Fallacara, focolarine, experte en œcuménisme, responsable pendant de nombreuses années du Centre “Uno” pour l’unité des chrétiens du mouvement des Focolari, se souvient de lui : « Lorsque je suis entrée pour la première fois dans la toute simple maison de Gennadios Zervos[1], – j’ai été accueillie avec une cordialité particulière : sa mère, qui parlait peu l’italien mais un beau grec, m’a offert un étrange dessert : un petit nœud blanc crémeux attaché à une longue cuillère immergée dans un verre d’eau claire. Son goût subtil semblait contenir toutes les nuances orientales. C’est ainsi qu’a commencé mon article-interview avec Gennadios Zervos pour la revue Città Nuova. Cette première rencontre remonte à novembre 1970. Je ne savais pas qu’il serait élu par le Patriarche Athénagoras de Constantinople et son Synode avec le titre d’évêque de Cratea quelques mois après. Ainsi, après 275 ans et pour la première fois dans l’histoire, un Évêque orthodoxe a été de nouveau ordonné en Italie. Cette atmosphère de « maison » a accompagné l’amitié dont l’évêque Gennadios nous a honorés depuis cet instant durant de longues années. Zervos est arrivé très jeune parmi les Napolitains : il avait alors vingt-quatre ans en 1961. Déjà à l’époque, il était professeur dans son lycée, professeur de patrologie grecque à Bari à l’Institut Supérieur de théologie, rédacteur du plus important journal du monde gréco-orthodoxe, le magazine Stakis. Il était diplômé en théologie orthodoxe à Constantinople et en théologie catholique à la Faculté pontificale de théologie à Naples. Sa carrière était prestigieuse ; mais comment avait-elle mûri ? En vérité, il pensait accomplir sa mission en Grèce mais le patriarche Athénagoras lui change l’objectif : c’est l’Italie – lui dit-il – parce que c’est “le centre du catholicisme. Nous devons y avoir de jeunes théologiens […] pour l’unité des deux Églises sœurs”. Une prophétie qui s’est réalisée. Lors d’un dernier échange, il y a quelques mois, il a exprimé ainsi notre joie commune : « Je n’oublierai jamais nos rencontres à Rocca di Papa, elles m’ont donné la vraie joie de connaître Chiara Lubich que j’ai admirée durant toutes ces années lors de nos rencontres[2] avec les Orthodoxes ainsi que lors de nos rencontres avec les Évêques Amis du Mouvement. Je l’ai vue pour la dernière fois à l’hôpital Gemelli. Sa splendide figure, sa splendide personnalité, vit dans mon âme. Elle est pour nous un pilier d’amour et d’unité qui nous a fait connaître le testament suprême de notre Sauveur, la Volonté de Dieu : “que tous soient un” ». Gennadios a été un protagoniste humble et tenace des “temps nouveaux” ouverts par le Concile Vatican II et traduits dans l’histoire également par le charisme d’unité de Chiara Lubich qu’il a partagé et vécu. Il a apporté la richesse de son Église d’Orient avec simplicité et intégrité, créant ainsi de nouveaux ponts de respect, de collaboration et de compréhension. Il a écrit un morceau de l’histoire de l’Eglise qui nous remplit de gratitude ».

Gabri Fallacara

[1] G. Fallacara, “Atenagoras l’ha scelto per i nuovi tempi”, Città Nuova, février 1971, pp.32-34. [2] Il s’agit de rencontres œcuméniques promues par le Centre “Uno”, le secrétariat pour l’unité des chrétiens du mouvement des Focolari. Foto: Le Métropolite Gennadios Zervos et Gabriella Fallacara lors de la 59ème Semaine Oecuménique promue par le Centre “Uno”, à Castel Gandolfo (Italie), le 13 mai 2017.