Mouvement des Focolari

Disparition du Grand Maître Ajahn Thong

Figure de premier plan du bouddhisme theravada thaïlandais, le Vénérable Phra Phrom Mongkol Vi s’est éteint le 12 décembre dernier à l’âge de 97 ans. A haut niveau, l’expérience de dialogue bouddhiste et chrétien entre lui et Chiara Lubich. Au milieu des années quatre-vingt-dix, grâce à Phramaha Thongratana, un moine qui avait eu l’occasion de rencontrer Jean-Paul II et de connaître le Mouvement des Focolari et Chiara Lubich , le Grand Maître avait passé une période dans la cité-pilote de Loppiano, avec son disciple, connu dans le milieu catholique aussi sous le nom de Luce Ardente. Après les premières rencontres que ceux-ci avaient eues avec la fondatrice des Focolari, était né le désir d’un dialogue entre bouddhisme et christianise en Thaïlande, qui, selon les mots du moine, devait être réalisé « doucement, avec une exquise charité, avec beaucoup d’amour et en s’en occupant avec le cœur ». Il ajoutait à cela une considération fondamentale pour le dialogue : « Ces deux termes – bouddhisme et christianisme – sont seulement deux mots […] le bien, l’amour, est ce qui unit tous les hommes de n’importe quelle ethnie, religion, langue et qui fait en sorte que tous puissent se retrouver et vivre ensemble ». De là, son engagement, décidé, et d’un certain côté, surprenant : « Jusqu’à mon dernier soupir, tant que je serai en vie, j’essaierai de construire des rapports vrais, et beaux avec tous les gens dans le monde ». Chiara Lubich confirmait ces sentiments avec une invitation qui est aussi prophétie : « Continuons à préparer la route en vivant selon la Lumière que nous avons reçue et beaucoup nous suivront ». C’est avec cette préparation que l’âgé et vénérable moine était arrivé dans la cité-pilote de Loppiano où il avait séjourné dans le Centre de spiritualité appelé Claritas, qui accueille régulièrement des religieux de différentes congrégations qui désirent vivre une expérience de communion des charismes. Deux moines theravada avec des franciscains, des salésiens, des jésuites, des dominicains et autres : une vraie prophétie. Le Vénérable Phra Phrom Mongkol avait été profondément touché par l’accueil reçu et, rencontrant Chiara Lubich, il avait commenté : « Le fait que tu aies invité des moines bouddhistes à venir ici, au milieu de ton peuple, est une chose très belle ». Tout cela n’était pas seulement une formalité ou de la gentillesse, même si ce sont des aspects typiques de la culture thaï. Il s’agissait des premiers pas d’une profonde expérience spirituelle dont les deux moines étaient bien conscients. Chiara avait confirmé son attente de cette première rencontre avec une attitude d’écoute visant à apprendre plutôt qu’à enseigner : « je suis contente de cette visite aussi pour apprendre quelque chose de beau . Quel est le cœur de votre enseignement ? » De là avait commencé un parcours imprévisible. Au début de l’année 1997, en effet, la leader catholique avait été invitée en Thaïlande par ces personnalités du monachisme bouddhiste et il ne s’agissait pas seulement d’une visite de courtoisie. Chiara fut invitée à adresser sa parole de témoignage chrétien à différents groupes de moines, moniales et laïcs bouddhistes, aussi bien à Bangkok que surtout, à Chiang Mai. C’est justement là, au Wat Rampoeng Temple que le Grand Maître l’introduisit avec ces surprenantes paroles : « Vous tous qui êtes mes disciples, vous vous demandez pourquoi la maman qui est une femme a été invitée. Je voudrais que vous, moines et séminaristes, vous oubliiez cette question et que vous ne pensiez pas qu’elle est une femme. Celui qui est sage, est en mesure d’indiquer la voie juste pour notre vie, qu’il soit homme ou femme, il mérite le respect. C’est comme lorsque nous sommes dans l’obscurité : si quelqu’un vient nous apporter une lampe pour nous guider, nous lui en sommes reconnaissants, et cela ne nous importe pas que cette personne, qui est venue nous apporter la lumière pour nous faire cheminer sur la juste voie, soit une femme ou un homme, un enfant ou un adulte ». En ces quelques mots, semble se condenser la grande sagesse de cet homme capable, avec d’autres, de cheminer sur la voie du dialogue sans crainte, en entraînant d’autres dans cette expérience prophétique. Chiara Lubich elle-même, touchée par cette ouverture et sensibilité, avait cueilli une présence supérieure dans ce rapport et s’était adressée au Grand Maître avec des paroles qui semblent être une prophétie : « Continuons à préparer la voie en vivant selon la Lumière que nous avons reçue et beaucoup nous suivront ». Et il en fut ainsi. Depuis 25 ans, cette expérience de dialogue continue et se développe. Dans la mort également, quelque chose semble rapprocher ce moine vieillard, issu de la millénaire tradition theravada avec la femme catholique fondatrice d’un mouvement ecclésial récent. Le 7 décembre en effet, à Trente, se sont ouverts les festivités pour le centenaire de la naissance de Chiara Lubich qui se concluront avec un événement interreligieux le 7 juin 2020. Le Vénérable Grand Maître avait exprimé le souhait d’être présent à cette occasion. Une amitié destinée maintenant à continuer dans l’éternité.

Roberto Catalano (Coresponsable pour le Dialogue Interreligieux du Mouvement des Focolari)

En conversation avec le Grand Maître Ajahn Thong, un service du Collegamento CH du 13 février 2016 https://vimeo.com/155689880

En Uruguay, on parie sur la paix

En Uruguay, on parie sur la paix

Depuis 15 ans, le Centre « Nueva Vida » des Focolari mène une action sociale importante de soutien aux plus jeunes et à leurs familles dans un quartier de la périphérie de Montevideo (Uruguay). Nous en parlons avec Luis Mayobre, directeur du centre. « Les jeunes sont le moteur de ‘Nueva Vida’ ; cette action sociale nous interpelle et nous stimule à ne pas perdre de vue ce qui est important, c’est-à-dire l’amour réciproque. Nous voudrions que cet amour soit la seule loi de notre centre ». C’est ainsi qu’a commencé Luis Mayobre, président du centre depuis presque le début, en 2004, lorsque l’archevêque de Montevideo a demandé aux Focolari de continuer à gérer un projet social lancé par une religieuse dans un quartier suburbain de la capitale uruguayenne. C’est ainsi que naît « Nueva Vida », dont les objectifs sont inscrits dans son appellation : donner l’espérance d’un nouveau départ à ceux qui franchissent les portes du centre qui fait partie de l’association CO.DE.SO (Communion pour le développement social créée par les Focolari) et collabore avec l’INAU, l’Institut de l’enfance et de l’adolescence, un organisme public qui gère les politiques liées à l’enfance et à l’adolescence en Uruguay. « L’année 2018 a été marquée par un climat de violence dans le ‘Barrio Borro’ – dit Mayobre – ; ce furent des mois d’angoisse. En raison de l’affrontement entre deux familles de narcotrafiquants rivaux, tout le monde risquait sa vie. Les personnes, ainsi que les éducateurs et le personnel de Nueva Vida, ont affronté avec courage les tirs incessants qui ont éclaté de jour comme de nuit. Nous avons dû doubler notre présence au centre parce que les familles nous le demandaient ; beaucoup d’entre elles avaient été cambriolées et leurs pauvres maisons étaient occupées par des narcotrafiquants ». Comment vous êtes-vous comporté dans un climat aussi hostile ? « Nous nous sommes tournés vers le ministre de l’Intérieur ; comme la réponse tardait à arriver, nous avons dû accueillir et protéger certaines familles que nous avons ensuite orientées vers les services de l’État qui leur ont donné de nouveaux logements. L’une de ces familles – deux de leurs enfants participent aux activités de la maison des jeunes – avait été menacée de mort. Notre coordonnatrice a contacté une autre fille, dont l’aide n’était pas prise pour acquise parce qu’elle avait une relation problématique avec ses parents. Tout s’est dénoué de la meilleure des façons car elle a fourni une partie d’un terrain de sa propriété pour la construction d’une nouvelle maison, plus digne et plus sûre. Je me souviens aussi d’un cas de violence familiale dont notre équipe a eu connaissance et qui a conduit à l’intervention des autorités pour protéger les enfants et la mère. Malgré les menaces et les insultes reçues, nous sommes allés de l’avant, en permettant à la famille de retrouver la paix et la sécurité ». Qui s’adresse au Centre et quels services offrez-vous ? « Nous réalisons trois projets : le CAIF, le Club des enfants et la Maison des jeunes. Dans ce climat de violence, nous nous sommes proposés d’être des bâtisseurs de paix, d’espérance et, surtout, de joie, pour vaincre la haine et la peur. L’environnement favorable qui a été créé a permis à 48 enfants de 2 à 3 ans et à 60 plus jeunes – de 0 à 2 ans – de participer à divers ateliers avec leurs mères. Nous avons également organisé des excursions éducatives pour créer des espaces de beauté et d’harmonie. Une expérience positive à laquelle ont également participé des familles dites “rivales”, dont les relations se sont considérablement améliorées ». Au Club des enfants, nous accueillons également 62 enfants en âge scolaire (de 6 à 11 ans). Nous nous engageons dans la lutte contre le décrochage scolaire et nous nous efforçons de faire en sorte que chaque enfant puisse accéder aux classes supérieures. Aujourd’hui, seulement 5 % des enfants abandonnent l’école, contre 36 % en 2004. Nous avons encouragé la tenue d’ateliers d’art, de musique et de loisirs pour sensibiliser les petits aux valeurs culturelles de la coexistence, à l’attention portée aux autres et à la ‘culture du don’. Nous nous sommes efforcés d’exclure la violence des styles de comportement. De plus, les cours de natation et les sorties favorisent l’apprentissage des soins corporels et de l’hygiène. Dans la Maison des jeunes, nous accueillons 52 jeunes âgés de 12 à 18 ans. Cette année, environ 95 % des jeunes participent à des activités qui se déroulent en dehors des heures de classe, un objectif que nous nous sommes fixé depuis le début. Parmi eux 6 fréquentent le lycée, un grand succès puisque dans le quartier la moyenne ne dépasse pas les premières années d’école. Nous organisons également des ateliers complémentaires à leur formation tels que la couture, la menuiserie et la communication. Toutes ces activités sont menées sur une base volontaire par des membres des Focolari ». Quelle relation le centre entretient-il avec les associations qui travaillent dans la région ? « Au fil des années, un réseau s’est constitué avec toutes les institutions travaillant dans le Borro avec lesquelles nous collaborons et nous nous entraidons. Nous participons aussi à la vie de la paroisse de la région, Notre-Dame de Guadalupe. Le curé et un prêtre nous rendent visite une fois par semaine. Des volontaires d’autres pays viennent aussi, comme cette année, Elisa Ranzi et Matteo Allione, des italiens qui ont laissé une marque profonde. Nous remercions toujours ceux qui nous aident. Leur collaboration est très importante pour soutenir une partie des activités que nous menons. Toute aide, aussi petite soit-elle, est précieuse».

Stefania Tanesini

Chiara Lubich et don Oreste Benzi. Les surprises de l’Esprit

Au cours du mois de novembre 2019, la clôture de la phase diocésaine des causes de béatification de Chiara Lubich et de don Oreste Benzi, fondateurs respectivement d’un Mouvement et d’une nouvelle communauté ecclésiale. C’est dans l’effervescence de ‘68, phénomène révolutionnaire du XXème siècle, qui intéresse des pays sous de nombreuses latitudes, que naissent, suscitées par des charismes, de nombreuses Communautés ecclésiales. Fondées par des laïcs, elles font irruption dans la vie de jeunes femmes et de jeunes hommes, elles mettent immédiatement des racines, elles bouleversent et se diffusent dans la société. Celles-ci aussi portent une révolution, mais évangélique, la prière à l’Esprit Saint, des Pères qui avaient participé au Conseil Œcuménique Vatican II, qui s’est terminé en 1965, se montrait sans se faire attendre. Dès les premiers instants du XXème siècle bourgeonnent déjà de nouvelles réalités charismatiques dans l’Église. Vers la moitié du siècle, donc vingt ans avant le Concile, naît le Mouvement des Focolari et apporte avec lui des nouveautés. : l’inspiration est « consignée » à une jeune fille de Trente, laïque, Chiara Lubich. Née en 1920, elle se caractérise par une foi généreuse et réalise son rêve de se donner à Dieu à l’aube du 7 décembre 1943, avec en toile de fond, la seconde guerre mondiale. La prédilection pour les pauvres, la vie communautaire soutenue par une spiritualité collective, qui s’appuie sur la Parole de Dieu, elle est le lieu où s’incarne le charisme de l’unité qui rapidement s’ouvrira au monde. Don Oreste Benzi naît en 1927 à Saint Clément, un village dans l’arrière-pays de la région de Rimini. Ordonné prêtre à l’âge de 24 ans, il se consacre aux adolescents. Faire « une rencontre sympathique avec le Christ », sera le leitmotiv de sa vie. Avec les adolescents, il passe les périodes estivales dans la Maison Marie des Sommets de Canazei, et là, en 1968, naîtra l’Association Pape Jean XXIII, qui prend vraiment l’engagement d’aimer le plus pauvre parmi les plus pauvres en étroite relation avec le Christ car : « seul celui qui sait rester à genoux peut rester debout à côté des pauvres » . Il accomplit des œuvres retenues irréalisables : du partage quotidien avec les marginaux à la lutte contre la traite des êtres humains. Chiara et don Benzi, deux personnes différentes : une femme et un homme, une laïque et un prêtre, une femme de la montagne et un homme des collines proches de la mer, tous deux fondateurs d’œuvres générées par un charisme, lumière qui s’insère dans l’histoire. Réalités inédites dans l’Église, ils proposent à nouveau l’annonce ancienne et nouvelle de Jésus, en impliquant celui qui y adhère dans un cheminement renouvelé de foi et d’humanité. Le témoignage éclatant de l’Évangile, ne s’arrête pas aux fondateurs, mais s’élargit aux membres. C’est aussi grâce à des Mouvements et des Communautés qu’à la fin du troisième millénaire, et après, la sainteté de peuple avance, en s’insérant dans le quotidien. Chiara trouve le sympathique slogan des six S, pour suivre Jésus : « Je serai saint si je suis saint tout de suite . » Variées, chez les Focolari, les causes de béatification en cours. Don Benzi, lorsqu’ arrive en 2004, le Décret ecclésial de reconnaissance définitive de son Association, affirme : « Un don inestimable » car, « les frères et les sœurs membres de la Communauté ( …) peuvent vivre heureux et sereins dans la certitude absolue que la vocation de la Communauté est voie sûre pour se sanctifier (…). » Dans l’Association Pape Jean XXIII a commencé la cause de béatification de la Servante de Dieu, Sandra Sabattini. C’est depuis le 2 octobre dernier que la nouvelle est arrivée : Sandra sera proclamée bienheureuse en l’an 2020. Parmi les derniers coups de fil de don Oreste, celui du 31 octobre 2007 au Centre international du Mouvement des Focolari, sa voix douce souhaite vivement informer Chiara de l’initiative que l’Association est en train d’organiser et si elle a l’intention de la soutenir. Malheureusement, il n’arrivera pas à temps pour entendre la réponse positive de Chiara : la nuit suivante, entre le premier et le deux novembre, il quittera cette terre. En 2008, le 14 mars, Chiara, elle aussi retournera à la maison du Père. Aujourd’hui, ce mois de novembre semble être le symbole de leurs deux parcours, distincts mais proches.

Lina Ciampi

Évangile vécu : une attente pleine de vie

Chaque petit acte d’amour, chaque gentillesse, chaque sourire transforme notre existence en une continue et féconde attente. Chorale d’enfants En préparation à la fête de Noël, nous sommes allés dans un hôpital avec un beau groupe d’enfants pour égayer Jésus présent dans les enfants hospitalisés avec nos chants. On ne nous a pas permis d’accéder à leur service, mais nous avons reçu l’autorisation de chanter dans le hall d’entrée de l’hôpital. C’était impressionnant de constater la métamorphose des visiteurs : ils entraient peut-être avec un visage sérieux et à peine voyaient-ils les enfants chanter, esquissaient-ils un sourire. Plusieurs sont aussi revenus avec les patients qu’ils étaient venus visiter. D’autres malades qui n’attendaient pas de visite, se sont faits porter dans le grand hall afin d’assister à la performance et beaucoup se sont unis à la chorale. Le personnel de l’hôpital s’est également réjoui de cette inhabituelle atmosphère. La direction de l’hôpital nous a déjà invités pour l’an prochain, en promettant de nous faire entrer aussi dans le service réservé aux enfants. (N.L. – Pays-Bas) En cuisine Chef-coq dans la cuisine d’un jardin d’enfants, je me donnais à fond dans mon travail. Un jour, alors que j’entendais une enseignante raconter que pour elle, chaque enfant est un trésor à protéger, je me suis rendu compte qu’en réalité, je ne pensais pas mettre de l’amour dans tout ce que je faisais. Maintenant, au contraire, considérer que chaque repas est un aliment de personnes qui un jour auront le monde en main, est devenu une véritable incitation à la fantaisie. Dans les repas, j’ai commencé à mettre l’une ou l’autre décoration imprévue, à arranger la nourriture d’une manière toujours nouvelle. La joie et la surprise des enfants m’ont confirmé qu’on ne sait pas ce qui peut naître d’un simple acte d’amour. (K.J. – Corée) L’incident Le travail au centre de désintoxication pour drogués était devenu aliénant. Prise dans le tourbillon des choses à faire, je ressentais toujours plus un sens de vide en moi et Dieu toujours plus loin. Un soir où il pleuvait des cordes, ma voiture s’est déportée, a heurté un mur et j’ai fini ma course sur la voie opposée. Lorsque je suis arrivée aux urgences, la vue d’un crucifix suspendu à un mur m’a donné du courage. Tandis que les médecins s’occupaient de moi, je ressentais une paix subtile, comme je ne sentais plus depuis longtemps. Fort heureusement, à part des blessures et des contusions pas trop importantes, il n’ y avait rien de grave, j’ai donc pu quitter l’hôpital mais j’ai dû rester au lit quelques semaines. Autour de mon lit où j’étais immobile, il y eut des allées et venues de personnes, des coups de téléphones et des cadeaux. Touchantes les visites répétées de mes toxicomanes : « Tu l’as échappé belle parce que tu fais beaucoup de bien ». Mes collègues de travail également me furent très proches : un lien solide s’était construit avec eux d’une façon évidente. Grâce à ce repos forcé, je retrouvai aussi le goût de la prière et je crus comprendre pourquoi Dieu ne m’avait pas prise avec Lui cette fois-ci. (Lucia – Italie) Vaisselle à laver Après une fête en paroisse, organisée pour donner un repas chaud aux SDF, je me suis retrouvé au beau milieu d’un désordre de détritus, de casseroles et de vaisselle à laver. En cuisine, le curé était déjà en train de laver la vaisselle, heureux de la soirée. Touché par une de ses phrases : « Tout est prière », je lui ai demandé : « Aussi faire la vaisselle ? »Et lui : « Le trésor le plus grand est d’arriver à comprendre que tout a une valeur immense car derrière cette casserole, il y a un prochain qui a besoin de moi ». A partir de ce moment- là, mon lourd travail de maçon, les enfants à accompagner au jardin d’enfants, le lampadaire à réparer… tout est devenu une occasion pour moi, de sublimer l’action et faire en sorte qu’elle devienne sacrée. (G.F. – Italie)

Stefania Tanesini (extrait de Il Vangelo del Giorno, Città Nuova, année V, n.6, novembre-décembre 2019)

Les migrations de la rive sud de la Région Méditerranéenne/2ème partie

Le phénomène des migrations forcées vers l’Europe reste un des sujets non résolus du débat entre les pays de l’UE. Trop divisés par des intérêts particuliers pour identifier une politique commune, inspirée par des principes de solidarité et de durabilité. Nous en avons parlé avec Pasquale Ferrara, ambassadeur italien à Alger. Selon l’UNHCR*, du premier janvier au 21 octobre 2019, ont débarqué par la mer sur les côtes européennes d’Italie, de Malte, de Chypre, d’Espagne et de Grèce, 75.522 migrants. A ceux-ci, s’ajoutent les 16.322 arrivés par voie terrestre en Grèce et en Espagne, pour un total de 91.844 personnes, dont 9.270 en Italie, 2.738 à Malte, 1.183 à Chypre, 25.191 en Espagne, 53.462 en Grèce, données qui suivent une tendance à la baisse, et classent la phase d’urgence mais ne suffisent pas à l’Europe pour engager un dialogue élargi et constructif sur le thème : la perspective de la création d’un système européen de gestion des flux est assez lointaine et en général, la confrontation au niveau institutionnel ne tient pas compte de la perspective des pays africains. A Alger, nous avons rejoint l’Ambassadeur italien, Pasquale Ferrra : 2ème Partie On dit depuis longtemps qu’il serait nécessaire de structurer une collaboration avec les pays du Nord de l’Afrique, mais aussi avec ceux de transit. Bonnes intentions mais peu de faits concrets… Pour passer aux faits concrets, il faut prendre acte de la réalité, du fait que les pays africains, surtout ceux du Nord, que nous considérons comme des pays de transit, sont eux-mêmes pays de destination de l’immigration. L’Égypte accueille plus de 200 mille réfugiés sur son propre territoire, alors que pour toute l’Europe, en 2018, sont arrivées à peine plus de 120 mille personnes. Les quelques centaines de migrants irréguliers qui arrivent de l’Algérie sont tous algériens, et non des subsahariens qui transitent par l’Algérie, car bien souvent, ces migrants restent ici. De plus, ces pays n’acceptent pas des programmes qui tendent à créer des « hotspot » (centres de récoltes) pour réfugiés subsahariens. Ici, le modèle de la Turquie ne fonctionne pas, à laquelle l’Union Européenne a donné 6 milliards d’euros, pour gérer des camps où accueillir plus de 4 millions de réfugiés syriens et non seulement. Avec la Turquie, l’opération fonctionna parce qu’il y avait la guerre en Syrie et pour les intérêts stratégiques de la Turquie. En Afrique, les phénomènes sont très différents, il faut trouver d’autres façons. Quelles pourraient être les formes de collaboration ? Des collaborations asymétriques ne servent pas mais bien des partenariats entre égaux. Nous devons considérer que nous ne sommes pas nous européens à être seuls à avoir le problème migratoire, il est donc nécessaire de respecter ces pays avec leurs exigences internes, aussi en matière de migration. C’est seulement ensuite que l’on peut rechercher ensemble à gérer le phénomène. Il existe par exemple déjà des accords de coopération entre l’Italie et l’Algérie qui remontent à l’an 2000 et à l’an 2009 et qui fonctionnent bien. Que prévoient-ils ? La gestion conjuguée du phénomène migratoire en termes de lutte contre l’exploitation et contre la traite des êtres humains, contre la criminalité trans-nationale qui utilise le phénomène pour se financer, avec le danger d’infiltrations terroristes. Il y a aussi des dispositions pour le rapatriement convenu, ordonné et digne des migrants irréguliers. On dit que les pays occidentaux doivent soutenir les pays africains afin de créer des conditions de vie meilleure telles que cela pourrait décourager les départs. Quand cette solution sera-t-elle mise en œuvre ? Dans les conditions actuelles de l’économie et de la culture politique internationale, je ne le vois guère possible et tout compte fait, peu efficace. En premier lieu, nous parlons déjà d’un milliard d’Africain : aucun « plan Marshall » européen ou mondial ne pourrait affronter de telles dimensions démographiques. Par ailleurs, l’Afrique est très diversifiée, il y a des pays en conditions de développement avancées : le Ghana a un taux d’innovations technologiques supérieur à plusieurs pays développés ; l’Angola est un pays très riche en ressources qui est en train d’essayer de réorganiser sa structure économique d’une manière plus participative. Nous avons des leaders, comme le néo- prix Nobel de la paix, le Premier Ministre de l’Éthiopie, Abiy Ahmed Ali qui a 42 ans et regarde vers les nouvelles générations. Il a déjà fait planter 350 millions d’arbres dans un programme de reforestation mondiale appelé « Trillion Tree Campaign ». L’Ouganda vit une phase de fort développement. Le problème plutôt, ce sont les disparités économiques, dramatiques et injustes, et là, l’Occident peut intervenir en aidant à améliorer la gouvernance de ces pays, pour qu’elle soit plus inclusive et participative. Mais souvenons-nous que ce sont les mêmes problèmes de polarisation socio-économique que nous avons en Europe : malheureusement, ; nous ne pouvons pas donner beaucoup de leçons dans ce domaine-là. Dans les réflexions sur le phénomène migratoire, au niveau institutionnel en premier lieu, il y a la dimension économique, alors que la dimension humaine est négligée. Que signifie mettre l’homme au centre du problème migratoire ? Derrière chaque migrant, il y a une histoire, une famille, un parcours accidenté, la fatigue de se procurer l’argent et peut-être des dettes avec des organisations criminelles. Certainement, nous ne pouvons accepter l’immigration irrégulière car tout doit se faire dans le respect des lois, mais donner de la valeur à la dimension humaine signifie tenir compte de ce passé et ne pas voir dans ces personnes des numéros qui arrivent à bord d’embarcations ou par voie terrestre. J’ai profondément été touché par l’histoire de ce garçon de 14 ans, originaire du Mali, avec un bulletin cousu à l’intérieur de sa veste, avec d’excellents points. C’est une histoire qui nous laisse sans voix. Et derrière, il y a une tragédie familiale, humaine, un tissu social lacéré. Je conseille le beau livre de Cristina Cattaneo, « Naufrages sans visages. Donner un nom aux victimes de la Méditerranée ». N’oublions pas non plus cependant les histoires de notre Marine militaire – en particulier celle du commandant Catia Pellegrino – qui a sauvé des milliers de naufragés. Personnes, visages, événements réels. *https://data2.unhcr.org/en/situations/mediterranean (Lisez la 1ère partie de l’interview)

D’après Claudia Di Lorenzi

L’histoire d’une décennie de lumière

L’histoire d’une décennie de lumière

Inauguration de l’exposition “Chiara Lubich Ville Monde” à Tonadico di Primiero « On ne peut pas comprendre Chiara sans la situer dans le contexte où elle a vécu. » C’est par ces mots que Jesús Morán, coprésident du Mouvement des Focolari, a conclu, le dimanche 8 décembre, les interventions de  la cérémonie d’inauguration de l’exposition dédiée à Chiara Lubich, au Palais Scopoli,  à Tonadico di Primiero, juste un jour après celle de Trente. « Pendant la guerre Chiara s’est beaucoup donnée à Trente, sa ville natale, mais c’est à Primiero, en 1949, que Dieu lui a donné la clé pour comprendre ce qu’elle était appelée à réaliser. Chiara a trouvé la lumière ici, dans les montagnes, mais il faut aller à Trente et dans chaque ville pour comprendre les conséquences de son charisme. » C’est ce lien profond qui unit les deux expositions : celle de Tonadico n’est pas une annexe de celle de Trente, mais l’histoire d’une décennie de lumière. La vallée du Primiero a exprimé sa reconnaissance  de diverses manières et à travers différentes voix : celle de la conseillère pour la culture, Francesca Franceschi, (« Primiero représente l’origine, la retraite où Chiara a trouvé des réponses à ses questions »), celle du maire adjoint Paolo Secco (« Notre tâche n’est pas seulement de garder vivant son souvenir, mais d’être une communauté qui répond aux inspirations idéales qui ont  animé Chiara »), celle du président de la Communauté du Primiero, Roberto Pradel, (« Chiara s’est consacrée au développement de relations humaines : que la semence qu’elle a jetée porte du fruit »). Giuseppe Ferrandi, directeur de la Fondation Musée Historique  du Trentin, a illustré le sens profond des deux expositions : “Pour la première fois notre Fondation a réalisé une exposition dédiée à une personne : nous l’avons fait parce que Chiara est une figure avec qui la région de Trente, mais pas seulement, doit composer. Le Trentin, qui l’ vue naître, doit découvrir chez Chiara la dimension d’un fort attachement  aux traditions vivantes, fruit de relations, mais sans s’arrêter à elles, pour s’ouvrir au monde afin de ne pas être stérile. Qui mieux que Chiara Lubich peut nous garantir cette capacité de relations dont le monde a besoin aujourd’hui ? Alba Sgariglia, co-responsable du Centre Chiara Lubich, a exprimé la gratitude de tout le Mouvement envers la Fondation : « Nous avons travaillé en tandem pour cette étape historique. D’ici, depuis ces montagnes, Chiara s’est projetée vers toute l’humanité : c’est la mission qu’elle a comprise ici. » Annamaria Rossi et Giuliano Ruzzier,  les commissaires de l’exposition avec Maurizio Gentilini, en ont souligné les caractéristiques : de grandes images, des citations et de brèves légendes défilent sur le Palazzo Scopoli, juste devant la baïta[1] où Chiara et quelques-unes de ses premières compagnes ont séjouné au cours de l’été 1949. Au rez-de-chaussée du palais, où sont conservés les restes des fresques de la chapelle de San Vittore, il y a quelques écrits et des souvenirs essentiels de cet été, ainsi que des vidéos sur les premières Mariapolis , qui, au fil des étés, jusqu’en 1959, se sont enrichies de personnes de différentes professions, cultures et origines. Sans oublier les “cités-pilotes” du Mouvement dans le monde, les Mariapolis permanentes, où aujourd’hui, tout comme alors dans le Primiero, on  témoigne et on expérimente que l’unité est possible.

Paolo Crepaz

[1] grange ou grenier (d’un chalet de montagne)