Mouvement des Focolari

Évangile vécu: demeurer dans l’amour

Jésus nous invite à reconnaître la présence aimante de Dieu et nous indique comment agir en conséquence : découvrir dans la volonté du Père le moyen d’atteindre la pleine communion avec Lui. Ouragan Les images à la télévision montraient les endroits frappés par l’ouragan et laissés isolés ; comme nos familles vivaient là, on peut imaginer notre anxiété, nous les séminaristes. Nous venions de recevoir la Parole de Vie du mois qui nous exhortait à avoir la foi. Unis, nous avons prié pour nos proches et obtenu de nos formateurs la permission de les rejoindre dès le lendemain. Mais cette même nuit, la capitale a également été durement touchée : routes inondées, ponts effondrés, électricité coupée …. Cependant, notre séminaire était toujours debout. Nous nous sommes quand même mis en route : au cours de ce voyage à pied ou par des moyens de fortune, sur des radeaux ou attachés à des cordes pour vaincre la résistance des torrents, nous avons été contraints de dévier d’innombrables fois. Finalement, nous sommes arrivés dans notre village méconnaissable ! Là où avant il y avait la campagne, il y avait maintenant un lac. Après avoir embrassé nos proches (ils avaient tout perdu mais ils étaient saufs !), nous nous sommes mis à la disposition du curé pour les premiers soins. La nouvelle Parole proposée pour ce mois semblait s’adresser précisément à nous, pour nous donner du courage et en insuffler aux autres : « Heureux les affligés… ».

(Melvin – Honduras)

 

Le parapluie Sachant que derrière les pauvres et les marginaux, le Christ demande à être aimé, j’essaie de ne pas manquer les occasions de le faire. Par exemple, dans le bar près de chez moi, j’ai remarqué un pauvre, surnommé Penna ; il était trempé parce qu’il pleuvait ce jour-là. Sachant qu’il avait eu la tuberculose et surmontant une certaine résistance à être vu en sa compagnie, je l’ai invité chez moi pour prendre quelque chose de sec. Mes parents étaient stupéfaits et incrédules. « Papa, on aurait besoin de vêtements… ». Mon père n’était pas très enthousiaste au début mais il lui a donné un pantalon et moi une veste. La pluie ne semblait pas vouloir s’arrêter… Et je suis revenu à la charge : « Papa, si on lui donnait aussi un parapluie ? ». On le lui a donné. Le pauvre homme était heureux, mais j’étais encore plus heureux car nous avions agi ensemble pour l’aider. Mais l’expérience ne s’est pas arrêtée là. Quelques jours plus tard, Penna est revenu pour rendre le parapluie. En fait, ce n’était pas celui qu’on lui avait donné, il était encore plus joli. Ce qui s’était passé, c’est que le nôtre avait été volé et quelqu’un lui en avait donné un autre. Il voulait ainsi donner en retour.

(Francesco – Italie)

  L’amour ne s’explique pas en paroles Une lésion cérébrale a été diagnostiquée chez Mariana, peu après sa naissance. Elle n’aurait pas pu parler ni marcher. Mais Dieu nous demandait de l’aimer ainsi et nous nous sommes jetés dans les bras du Père. Mariana n’a vécu avec nous que quatre ans ; nous n’avons jamais entendu les mots « papa et maman » de sa bouche mais ses yeux parlaient dans son silence, d’une lumière brillante. Nous n’avons pas pu lui enseigner à faire ses premiers pas mais elle nous a appris à faire les premiers pas dans l’amour, dans le renoncement de nous-mêmes pour aimer. Mariana a été pour toute la famille un cadeau de Dieu que nous pourrions résumer en une phrase : l’amour ne s’explique pas en paroles.

(Alba – Brésil)

 Aux soins de Lorenzo Russo

  (Extrait de Il Vangelo del Giorno, Città Nuova, année VII, n.3, mai-juin 2021)

En Inde, aux côtés de femmes seules et de leurs enfants

Le programme Balashanti est un projet créé pour aider les femmes célibataires, pour les aider à garantir à leurs enfants les soins nécessaires, la scolarité et une condition de bien-être, de santé et de dignité. Nous sommes à Coimbatore, une région située dans le sud de l’Inde. Le Programme Balashanti a vu le jour en 1991, un projet qui aide et accueille les enfants les plus vulnérables et nécessiteux, âgés de 3 à 5 ans, et leurs mères, souvent seules. Le programme fait partie de Shanti Ashram, un centre international de développement culturel, social et sanitaire répondant aux besoins de la communauté de la région, inspiré par les idéaux et les enseignements du Mahatma Gandhi. « Ma grand-mère devait vivre tout le temps seule, ce qui a obligé ma mère à arrêter ses études quand elle était au collège et à se marier à l’âge de 16 ans. Cela s’est passé en 1978, mais aujourd’hui, après plus de 40 ans, j’entends encore des histoires semblables ou identiques à celle-ci. » Ce sont les mots de Deepa, responsable du programme Balashanti. Elle explique en effet qu’aujourd’hui encore, les enfants de mères célibataires connaissent trois types de très grande difficulté : la pauvreté, l’abandon de l’école et le mariage précoce. Le programme Balashanti vise donc à aider ces femmes à élever leurs enfants dans des conditions de bien-être, de santé et de dignité. Selon les rapports 2019-2020 des Nations Unies, environ 4,5 % des familles en Inde sont à la charge de mères célibataires et on estime que, parmi elles, 38 % vivent dans la pauvreté. « En Inde, une femme en situation de vulnérabilité n’espère guère vivre seule : ce n’est pas un choix personnel – explique Deepa – beaucoup d’entre elles sont délaissées, exploitées et vivent dans l’insécurité. » L’objectif final du programme Balashanti est donc de lutter contre la pauvreté, la malnutrition et les maladies qui se développent dans ces contextes de grande précarité, en construisant une société de paix. Pour ce faire, en plus de l’aide économique, les enfants et leurs mères sont formés sur des sujets tels que l’éducation, la paix, une alimentation équilibrée, les normes d’hygiène et le leadership. Il existe aujourd’hui 9 centres Balashanti Kendra destinés au développement de la petite enfance – qui accueillent plus de 200 enfants par an. Depuis 1991 jusqu’à nos jours, plus de 10 000 enfants ont terminé leurs études et pendant l’année de la pandémie de Covid-19,  15 000 personnes ont bénéficié d’une aide, dont des enfants et des familles. Depuis 1998, le projet collabore avec AFN Onlus, l’organisation à but non lucratif liée au mouvement des Focolari qui, par le biais d’un soutien à distance, contribue à fournir aux enfants des bourses d’études pour suivre le Programme Balashanti. De nombreuses personnes peuvent témoigner de l’importance du Programme Balashanti dans leur propre vie, comme Fathima, 45 ans. Il y a quelques années encore, c’ était une mère célibataire en difficulté financière et elle ne savait pas comment élever et éduquer son fils, le petit Aarish. Depuis que le programme Balashanti a commencé à l’aider, sa vie a changé. Son fils Aarish a suivi des cours de formation, bénéficiant d’une bourse d’apprentissage à distance. « On m’a aussi aidée en me fournissant de la nourriture, explique-t-elle, on m’a mise en contact avec des médecins compétents et on m’a invitée à des spectacles et à des danses grâce auxquels je pouvais me distraire et penser à quelque chose de beau. C’était très important pour moi. » Maintenant, Aarish a grandi, il a 15 ans et il est bénévole à Shanti Ashram depuis trois ans. Grâce à son aide, le programme Balashanti offrira également de plus en plus de soutien aux femmes célibataires et à leurs enfants. Ainsi  on peut espérer que ce réseau de soutien devienne de plus en plus solide et contagieux.

                                                                                                                               Laura Salerno

 

Des œuvres parfaites par amour pour Jésus abandonné

Chaque jour, face chaque action, nous pouvons découvrir quel visage de Jésus abandonné aimer à travers elle. C’est la proposition de Chiara Lubich pour accomplir bien, parfaitement, tout ce que nous devons faire. Aimer Jésus abandonné. Ce nom touche de nombreux aspects de notre vie, personnelle et communautaire, dont j’aimerais parler aujourd’hui. Mais je voudrais surtout m’arrêter sur une façon particulière d’aimer Jésus abandonné, qui est la porte, le chemin menant à la sainteté. […] Où que nous nous trouvions, nous avons la merveilleuse possibilité de l’aimer, de le soulager, de le consoler, en portant remède à des maux concrets, où nous le reconnaissons. C’est pour nous une grâce importante ; en travaillant ainsi nous sommes toujours en contact avec Jésus abandonné, et en l’aimant nous pouvons édifier notre sainteté. Mais il y a façon et façon de l’aimer. On peut l’aimer beaucoup, on peut l’aimer un peu, c’est-à-dire que l’on peut, par cet amour, construire en nous une sainteté plus ou moins grande. […] Les saints ont cherché, et cherchent encore, pour la gloire de Dieu, l’amour qui porte le plus de fruits. Si nous sommes amenés à écrire notre histoire ou à raconter notre expérience, faisons-le du mieux possible, en étant attentifs à la voix de Dieu qui parle en nous et projette sa lumière sur notre passé et notre présent ; c’est cette lumière qui attirera ceux qui nous écouteront. Prêtons attention aux suggestions et aux corrections que nous indique cette voix. Prenons chaque chose à cœur, et n’arrêtons de perfectionner notre travail que lorsque cette voix n’aura plus rien à nous dire. Ne négligeons jamais l’Œuvre de Dieu, n’accomplissons pas d’actions imparfaites. Faisons tout bien, du mieux possible. […] Face à chaque action que nous entreprenons, cherchons toujours à découvrir quel visage de Jésus abandonné nous pouvons aimer à travers cette dernière et mettons-nous à la faire à la perfection. Des œuvres parfaites donc, par amour pour Jésus abandonné et, ainsi, construire notre sainteté, une grande sainteté.

Chiara Lubich

(d’une liaison téléphonique, Loppiano 20 février 1986) Extrait de : Chiara Lubich, Sur les pas du Ressuscité, Ed. Nouvelle Cité, 1992, p. 72-73.      

Margaret Karram: alternance et style synodal

Interview de la Présidente des Focolari, publiée par la revue italienne Città Nuova, à propos du Décret du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie sur le renouvellement à la tête des associations laïques. Favoriser l’alternance. Approuvé par le Pape François le 3 juin dernier, un Décret régissant la durée des mandats de gouvernance des associations internationales a été promulgué par le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie. Durée maximum de cinq ans pour un mandat simple, avec une période maximale de dix années consécutives : c’est la norme qui est indiquée (avec les relatifs approfondissements spécifiques, parmi lesquels de possibles dispenses pour les fondateurs), tandis qu’une note explicative détaillée aide à comprendre l’esprit de cette mesure : favoriser une plus grande communion ecclésiale, une plus ample synodalité, un esprit de service authentique, éviter personnalisation et abus de pouvoir, développer l’élan missionnaire et un véritable style évangélique. Nous en avons parlé avec la Présidente des Focolari, Margaret Karram.  Avez-vous été surprise par le Décret du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie relatif au renouvellement à la tête des associations ecclésiales ? Nous n’attendions pas un décret de cette nature à ce moment de l’année, mais le contenu ne nous a pas surpris. Depuis des années, nous avons amorcé dans le Mouvement des Focolari un processus qui tient compte de l’alternance dans les organes de gouvernement, au centre international et dans les pays où nous sommes présents, en établissant des limites pour les mandats. Le Décret nous a montré une fois de plus que l’Église est une mère. En prenant soin des associations comme la nôtre, elle accompagne et aide chaque réalité à trouver des formes d’organisation qui lui permettent de rester fidèle à son charisme et à sa mission, en cohérence avec le cheminement de l’Église dans le monde d’aujourd’hui. C’est pourquoi nous accueillons pleinement l’esprit et les décisions du Décret, qui rejoint en outre la réflexion ouverte dans le Mouvement, déjà partagée avec le Dicastère, sur la représentativité dans les organes de gouvernement. En ouverture, le Décret stipule que « les associations internationales de fidèles et l’exercice du gouvernement en leur sein sont l’objet d’une réflexion particulière et d’un discernement conséquent de la part du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, du fait de ses compétences spécifiques ». Éprouvez-vous quelques préoccupations pour les Mouvements en général ? Et pour le Mouvement des Focolari ? Je dirais que le dicastère porte sans aucun doute une attention particulière aux Mouvements, et nous en sommes témoins, en tenant compte du fait que cela s’inscrit dans ses compétences particulières. Ensuite, s’agissant d’une réalité si variée, le dicastère a certainement aussi quelques préoccupations. Le Décret souligne aussi le « grand essor » de ces associations et reconnaît le fait qu’elles ont apporté « à l’Église et au monde de notre temps beaucoup de grâces et des fruits apostoliques ». L’Église n’a pas l’intention de freiner l’élan charismatique des Mouvements, leur force d’innovation et leur impact missionnaire. Elle veut les aider à réaliser leurs propres finalités qui sont toujours orientées vers le bien de la personne, de l’Église et de la société. Le décret offre des éléments structurels qui peuvent aider à diminuer quelques-uns de ces risques, en limitant le temps pendant lequel une personne peut occuper des fonctions de gouvernement. Je ne vois cependant pas dans ces interventions une particulière focalisation sur le Mouvement des Focolari, d’autant plus que l’alternance dans les charges de gouvernement est déjà une pratique inscrite dans nos Statuts. Le Pape François, dans son discours aux participants au IIIe Congrès mondial des Mouvements ecclésiaux et des communautés nouvelles, en novembre 2014, indiquait une méthode pour atteindre la maturité ecclésiale souhaitée également par ses deux prédécesseurs : « N’oubliez pas que, pour atteindre cet objectif, la conversion doit être missionnaire : la force de surmonter les tentations et les carences vient de la joie profonde de l’annonce de l’Évangile, qui est à la base de tous vos charismes. » Qu’est-ce que vous en pensez ? Je suis tout à fait d’accord ! Le souhait du Pape nous appelle à un double engagement : il est nécessaire de toujours revenir à l’Évangile, à la Parole de Dieu et être conscients que le charisme de son fondateur n’est qu’une lecture nouvelle et actuelle des paroles de Jésus, éclairées par un don de l’Esprit Saint qui les fait vivre sous un angle particulier. Nous devons donc tenir compte du fait que la spiritualité, qui naît d’un charisme, est une manière d’annoncer l’Évangile et donc d’œuvrer pour le bien de l’Église et de l’humanité. Suffit-il d’un sain renouvellement des générations, d’une alternance des personnes dans les postes de direction, pour assurer un gouvernement synodal, exercé dans un esprit de service et capable de ne pas répéter les erreurs du passé, de la personnalisation d’une charge jusqu’aux abus de pouvoir ?  Je dirais que cela ne peut suffire si l’on veut réaliser un véritable changement culturel, durable et fructueux. Je crois que nous devrions nous demander avant tout quel est le but du gouvernement d’une association comme la nôtre. Ce n’est pas, même si c’est important, le passage de génération, ni même éviter les erreurs passées. Le but principal de notre gouvernement – comme, à mon avis, celui de tout Mouvement ecclésial – est de garantir que le Mouvement aille de l’avant et se développe dans l’esprit authentique de son charisme, en suivant le dessein qui en découle et en réalisant les buts pour lesquelles l’Esprit Saint l’a fait naître. Le même décret souligne que le gouvernement « doit être exercé en cohérence avec la mission ecclésiale de ces mêmes associations, en tant que service ordonné à la réalisation des finalités qui leur sont propres et pour le bien de leurs membres ». C’est un travail d’actualisation continue, d’amélioration et de renouvellement, qui demande surtout une conversion des cœurs à l’Évangile et à leurs propres charismes. Le changement générationnel dans les organes de direction, à travers une rotation fréquente dans les charges de gouvernement, peut favoriser l’actualisation d’une association, peut aider à éviter – comme le dit une note explicative du Dicastère – « des formes d’appropriation du charisme, de personnalisation, de centralisation des fonctions ainsi que des expressions d’autoréférentialité, qui provoquent facilement de graves violations de la dignité et de la liberté de la personne et, même, de véritables abus ». Mais l’alternance dans les charges ne garantit pas à elle seule une juste gestion du pouvoir. Il faut d’autres éléments, que nous mettons en œuvre depuis plusieurs années et que nous améliorons continuellement, comme par exemple un parcours de formation spirituelle et humaine à un leadership cohérent avec un style évangélique et avec son charisme, donc un style de gouvernement qui met en lumière le discernement communautaire, avec de nouvelles formes d’accompagnement et des modalités synodales pour le choix des candidats aux postes de gouvernement. Concrètement, d’ici trois ans, plusieurs des personnes élues lors de l’Assemblée générale de février dernier devront être remplacées. Avez-vous déjà une idée de la manière de procéder pour modifier les Statuts actuels qui prévoient six ans pour la durée des charges et la possibilité d’un second mandat ? Sur certains points, nous sommes déjà en ligne avec le nouveau Décret, surtout en ce qui concerne la limite maximale de deux mandats consécutifs pour les charges de gouvernement, ce qu’il faut changer maintenant c’est la durée : de 6 à 5 ans. Nous avions déjà mis en route la constitution d’une commission pour la nécessaire révision de nos Statuts sur plusieurs points, auxquels s’ajoute à présent le travail prioritaire pour l’adaptation au Décret. C’est un travail que nous voulons faire avec calme et avec soin, parce que nous ne voudrions pas seulement accueillir cette nouvelle réglementation « au pied de la lettre », mais aussi et surtout son esprit et bien étudier comment le réaliser, non seulement pour les organes centraux et internationaux, mais à grande échelle, y compris dans le gouvernement local des centres territoriaux. Quoi qu’il en soit, nous voudrions tout faire en dialogue avec le Dicastère, en approfondissant quelques aspects ponctuels et quelques doutes. Ils nous ont dit expressément qu’ils étaient prêts à nous écouter sur d’éventuelles questions. Le Pape François, en rencontrant les participants à l’Assemblée générale, avait mis en évidence certains thèmes auxquels accorder une attention particulière : l’autoréférentialité, l’importance des crises et de savoir bien les gérer, la cohérence et le réalisme pour vivre la spiritualité, la synodalité. Qu’est-ce qui a été fait ou que comptez-vous faire pour donner suite à ces indications ? Nous considérons le discours du Pape François aux participants de l’Assemblée générale comme un document programmatique, de même que le document final de l’Assemblée elle-même. C’est avec une grande joie que nous voyons que l’approfondissement et la recherche de voies d’application de ces deux documents portent du fruit dans les différentes zones géographiques où notre Mouvement est présent. Deux points centraux sont en train d’émerger : l’écoute attentive du cri de souffrance de l’humanité qui nous entoure, dans lequel nous redécouvrons le visage de Jésus crucifié et abandonné, et un nouvel esprit de famille dans notre Mouvement, au-delà de toute subdivision. En cela s’exprime le noyau de notre spiritualité : offrir au monde un modèle de vie sur le style de celui d’une famille ; c’est-à-dire des frères et des sœurs au niveau universel, liés entre eux par l’amour fraternel pour chaque homme et chaque femme, et l’amour préférentiel pour ceux qui souffrent le plus, pour les plus démunis. Dans quel style et sous quelles modalités le nouveau gouvernement du Mouvement des Focolari a-t-il commencé ? Margaret Karram a-t-elle des nouveautés à ce sujet ? J’ai particulièrement à cœur de vivre dans le gouvernement du Mouvement une expérience de “synodalité“, ce qui signifie mener tout dans un esprit d’écoute et vivre dans les relations interpersonnelles cet amour fraternel évangélique, de vérité et de charité, qui éclaire aussi la place qui revient à chacun, c’est-à-dire la place centrale. En tant que Conseil général, par exemple, nous venons de faire la très belle expérience de nous mettre à l’écoute des responsables territoriaux du monde entier. Ce sont eux qui ont les « mains dans la pâte », qui connaissent les potentialités, les besoins et les caractéristiques culturelles et anthropologiques de nos communautés. En les écoutant, on a pu voir toute la vivacité et la créativité du « peuple de Chiara », qui veut porter remède aux diverses formes de manque d’unité et soigner les blessures de l’humanité qui l’entoure. Peut-être n’est-il pas non plus nécessaire que ce soit toujours le Centre international qui donne des directives ou oriente le parcours du Mouvement. Ce qui est important, c’est que le Centre garantisse toujours l’unité de toute l’Œuvre et qu’il puisse mettre en lumière ce que l’Esprit Saint nous indique au fur et à mesure pour tous.

Aurora Nicosia

Fonte: Città Nuova

L’avenir de l’Economie de Communion : connaître pour renforcer l’action

L’avenir de l’Economie de Communion : connaître pour renforcer l’action

Stefano Zamagni, économiste, Président de l’Athénée Pontifical des Sciences Sociales, est récemment intervenu à Loppiano (Italie) lors de la manifestation pour le «30e anniversaire de l’Economie de Communion». Nous rapportons un extrait de son exposé dans lequel il a souligné la contribution de l’Économie de communion à l’évolution de la pensée économique. Je dois avouer que lorsque j’ai écouté, il y a exactement 30 ans, le discours de Chiara Lubich au Brésil, lorsqu’elle a lancé le projet Économie de communion, j’ai été très impressionné, presque choqué. Parce que l’économie en tant que science possède de nombreuses paroles: richesse, revenu, efficacité, productivité, équité, mais elle n’a pas le mot communion. Et je me suis demandé: «Comment est-il possible qu’une personne comme Chiara, dont la matrice culturelle ne comprenait pas de formation en économie, ait pu lancer un défi intellectuel de ce genre ?». Il devait y avoir un charisme spécial et nous savons aujourd’hui qu’il en est ainsi. Cela m’a positivement perturbé. J’ai commencé à réfléchir et je me suis demandé: «Mais comment est-il possible que dans la longue histoire de la pensée économique, jamais, au cours des siècles passés, un concept comme celui-ci n’ait été abordé ?». Quelques années plus tard, je suis tombé sur les travaux d’Antonio Genovesi, le fondateur de l’économie civile, et j’ai compris toute une série de connexions entre l’économie de communion et l’économie civile. Évidemment, au début, il y avait beaucoup de difficultés pour l’Économie de communion. Je me souviens qu’en 1994, à Ostuni (Pouilles-Italie), le Meic (Mouvement Ecclésial d’engagement culturel) organisait des séminaires culturels pendant l’été. Dans une présentation présidée par un célèbre économiste italien, deux focolarines fraîchement diplômées ont eu l’audace de présenter le projet de l’Économie de communion. Ce professeur a commencé par dire: «C’est une absurdité car cela ne répond pas au critère de rationalité ». J’étais présent et je lui ai demandé: «Mais selon toi, le geste du bon Samaritain satisfaisait-il au critère de rationalité ?». C’était un homme intelligent et il a compris. Tu vois, continuai-je, tu es esclave d’un paradigme, d’une façon de penser qui découle de tes études et tu ne te poses pas le problème, car la rationalité à laquelle tu penses est une rationalité instrumentale, mais il y a aussi une rationalité expressive. Qui a dit que la rationalité instrumentale était supérieure à la rationalité expressive? Ne sais-tu pas que l’Économie de communion s’inscrit dans le modèle de la rationalité expressive? Où expressif signifie qu’un charisme s’exprime, car les charismes doivent être exprimés et traduits dans la réalité historique». L’Économie de communion a permis de récupérer cette tradition de pensée de l’économie civile qui est née à Naples en 1753. Nous pensons aujourd’hui à l’économie et à l’école d’économie civile qui est précédée par Luigino Bruni. Mais pensons au dernier grand événement, «l’Économie de François», qui n’est rien d’autre qu’un mélange entre l’économie civile – qui est un paradigme, c’est-à-dire un regard sur la réalité qui s’incarne ensuite dans des modèles, dans des projets, dans différentes théories – et l’économie de communion. Évidemment, l’événement est encore récent mais je suis certain qu’il connaîtra bientôt une nouvelle saison. Pour terminer, je voudrais utiliser un mot qui a malheureusement disparu de l’usage depuis au moins un siècle: la conation. C’est un mot inventé par Aristote il y a 2400 ans. Elle découle de la crase entre la connaissance et l’action et signifie que la connaissance doit être mise au service de l’action, et que l’action ne peut s’exercer et porter des fruits que si elle est fondée sur la connaissance. Je dis cela parce que le défi des 30 prochaines années et même plus de l’Économie de communion est de renforcer la composante cognitive. Jusqu’à présent, la priorité a été donnée, à juste titre, à l’action, aux réalisations. Mais nous devons être conscients que si l’action n’est pas continuellement nourrie par la connaissance, elle risque d’imploser. Chiara Lubich avait une capacité d’intuition, de compréhension et donc de prévoyance, même dans des domaines dont elle n’était pas spécialiste. En effet, la contribution de l’économie de communion à l’évolution de la pensée économique en tant que science a été notable. Et aujourd’hui, nous pouvons en parler dans nos universités: le professeur Luigino Bruni dirige un programme de doctorat à Lumsa (Libera Università Maria Assunta) à Rome (Italie) sur l’économie civile et l’économie de communion; ici à Loppiano, il y a l’Institut Universitaire Sophia et dans d’autres sites universitaires, il n’est plus interdit de parler d’économie de communion. De mon point de vue, c’est un grand, un très grand résultat. (…) »   Pour revoir la retransmission en direct de Loppiano pour le 30e anniversaire de l’Économie de communion, cliquer ici

Lorenzo Russo

 

Ciseler la figure du Christ en nous

Vivre la charité, source de toute vertu, fait ressortir en nous la figure du Christ, car en aimant on devient un autre Lui. Malgré notre amour pour nos frères, nous traînons avec nous quelques défauts qui enlèvent quelque chose à la beauté du Christ en nous. […] Vous savez que pour acquérir les vertus et lutter contre les vices qui leur sont opposés, nous, qui sommes appelés par Dieu à voir dans le frère notre « chance », c’est justement dans l’amour pour Lui que nous trouvons le renoncement à nous-mêmes. Plutôt que de nous attaquer à nos défauts les uns après les autres pour nous améliorer, notre manière de vivre nous incite à contourner les obstacles, à « changer de pièce » comme nous disons, « en vivant l’autre » et en nous plongeant ainsi dans la charité, source de toute vertu. […] D’ailleurs Jésus abandonné, à qui nous avons donné notre vie, est pour nous le modèle de toutes les vertus. C’est pourquoi nous lui répétons sans cesse que nous voulons l’aimer non seulement lorsque la souffrance se présente, mais aussi en vivant les vertus. La charité, en effet, modèle en nous la figure du Christ car, en aimant, on devient un autre lui. Et lorsqu’on aime Jésus abandonné en mettant en pratique les vertus, on a l’impression de ciseler en nous cette figure du Christ, de la parfaire. Nous voyons bien que notre amour pour nos frères ne nous empêche pas de traîner avec nous depuis des années de petits ou plus gros défauts qui, sans être graves, enlèvent quelque chose à la beauté du Christ en nous. […] Quels sont ces défauts ? Chacun a les siens. Nous gâchons quelquefois ce que nous faisons parce que nous sommes trop pressés ; nous accomplissons de façon imparfaite la volonté de Dieu ; nous sommes distraits dans les prières ; nous perdons notre temps à des bagatelles qui plaisent au monde ; nous ne savons pas mettre de frein à notre gourmandise ; nous nous laissons souvent dominer par la curiosité ou la vanité ; nous parlons à tort et à travers, ou sans raison ; nous nous attachons à des objets futiles, nous sommes esclaves de la télévision ; nous nous faisons servir par nos frères, nous manquons de constance, etc. Que faire ? Jésus nous invite à agir avec décision, lui qui a affirmé : « Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le » (cf. Mt 5, 29). Par amour pour Jésus abandonné nous devons donc, nous aussi, ne pas hésiter et, tout en persévérant sur la voie de l’amour et en restant ce que nous sommes, arracher nos défauts un par un. […] Je suis convaincue que, sur la voie que nous avons prise, nous pouvons y parvenir, car l’amour, qui est renoncement à soi, nous vient en aide et brûle toute imperfection. Toutefois, il ne sera pas mal de viser quelques défaut et de prendre l’habitude contraire. […] Alors, courage et à l’œuvre !

Chiara Lubich

  (d’une liaison téléphonique, Rocca di Papa, Rocca di Papa 21 juin 1984) Extrait de : Chiara Lubich, Sur les pas du Ressuscité, Ed. Nouvelle Cité, 1992, p. 15-16.