
PrĆ©-Synode: lāĆglise des jeunes

Jonathan Michelon
Jonathan Michelon
Cāest une histoire, celle de Jean et Viviane, qui parle dāamour, de courage, dāespĆ©rance. Ils font connaissance en 2000 Ć Alep (Syrie). Ils font partie tous les deux du mouvement des Focolari. Viviane est veuve et a un enfant de quatre ans nĆ© avec une surditĆ© trĆØs prononcĆ©e. Jean est menuisier, portĆ© Ć lāaction sociale. Tous les deux sāengagent Ć vivre lāĆvangile et Ć porter lāidĆ©al du monde uni Ć lāhumanitĆ©, ce qui les rapprocheĀ : ils se marient en 2003 et ont quatre enfants. Marc, est le premier enfant de Viviane, cāest lui qui est Ć lāorigine de cette aventureĀ : le besoin de soins spĆ©cifiques pousse Viviane Ć se rendre au Liban où Marc sera suivi dans un centre fondĆ© par les Focolari « Cāest un vĆ©ritable paradis anticipĆ© ā raconte-t-elle ā La vie de lāĆvangile vĆ©cu dans le quotidien accompagne tout le processus Ć©ducatif. Les enfants grandissent dans cet oasis de paix, et dĆ©veloppent leurs talents en dĆ©passant leur handicap. Alors un rĆŖve naĆ®t en moiĀ : pouvoir fonder, moi aussi, un institut semblable dans ma ville, Ć AlepĀ Ā». Jean la soutient dans ce projet et en 2005 un petit centre voit le jour. Dāautres suivront, plus importants et capables dāaccueillir des dizaines dāenfants, tous de familles pauvres, qui nāont pas de quoi payer. VoilĆ pourquoi le centre est toujours en dĆ©ficitĀ : « Pour tous nos besoins ā se souvient Jean ā nous nous prĆ©sentions devant le crucifix pour lui offrir ce dont nous avions besoin. La providence arrivait au bon momentĀ Ā».
La guerre qui Ć©clate en 2011, avec son lot de morts et de destructions. Jean perd sa menuiserie, le centre nāa plus aucune entrĆ©e Ć©conomique, et beaucoup de gens vivent dāaides de lāĆglise et dāorganisations humanitaires. Nombre de personnes quittent le pays. Jean et Viviane, eux aussi trĆØs inquiets, achĆØtent leurs billets pour partir. Mais une exigence devient trĆØs claire dans leur cÅurĀ : ils ne peuvent pas laisser « leursĀ Ā» enfants sourds, ni dĆ©truire ce rĆŖve quāils ont rĆ©alisĆ© avec difficultĆ©. « La veille du dĆ©part jāentre dans lāĆ©glise ā raconte Jean ā et jāai un tĆŖte Ć tĆŖte profond avec JĆ©sus, dāhomme Ć homme. Il me parle dans le cÅur et me demande de ne pas partirĀ : que vont faire ces enfantsĀ ? Cāest la question tragique qui māhabite. Je remets mes enfants entre Ses mains. Je rentre Ć la maison et avec Viviane nous dĆ©cidons de dĆ©chirer les billets et de rester pour toujours dans notre ville, pour ĆŖtre un don pour ceux qui ont besoin de nousĀ Ā». « Nous Ć©tions sĆ»rs que Dieu nous aurait accompagnĆ©s et soutenus dans tous nos projets futurs et surtout dans notre vie de famille ā confirme Viviane ā et cāest ce qui sāest passé ». Aujourdāhui le centre est devenu leur deuxiĆØme maison, et leurs enfants participent aussi Ć la vie du groupe où Jean sāest engagĆ© Ć plein temps. Ā« Cette expĆ©rience vĆ©cue ensemble a dilatĆ© notre cÅur. Il nāy a plus ni garƧons ni filles, ni Ć©tudiants ni enseignants, ni bien portants ni handicapĆ©s, ni musulmans ni chrĆ©tiens. Nous vivons tous de lāunique amour et sous le regard dāun Dieu Amour, incarnĆ©, vivant au milieu de nousĀ Ā». RĆ©digĆ© par Claudia Di Lorenzi
Pour cĆ©lĆ©brer le Jour de lāAn persan, qui coĆÆncide avec lāĆ©quinoxe, et donc avec lāarrivĆ©e du printemps, dans de nombreux pays dāAsie et dāEurope orientale, on cĆ©lĆØbre la fĆŖte de NawrÅ«z (qui signifie « nouveau jourĀ Ā»), proclamĆ©e JournĆ©e Internationale des Nations Unies et inscrite depuis 2009 sur la liste reprĆ©sentative du patrimoine culturel immatĆ©riel de lāhumanitĆ©. NawrÅ«z remonte Ć une tradition trĆØs ancienne, joyeuse et festive, cĆ©lĆ©brĆ©e, estime-t-on, par environ 300 millions de personnes. AssociĆ©e Ć lāidĆ©e de la renaissance de la nature, elle est empreinte dāun riche symbolisme et promeut les valeurs de la paix, de la rĆ©conciliation, de la solidaritĆ© entre les gĆ©nĆ©rations, de lāamitiĆ© entre les familles, les peuples et les communautĆ©s
Existe-t-il encore des prĆ©jugĆ©s fondĆ©s sur la couleur de la peau, aprĆØs les grandes avancĆ©es du siĆØcle dernierĀ ? De grands progrĆØs ont Ć©tĆ© faits, mais il faut encore agir pour abattre complĆØtement toute forme de disparitĆ©. La JournĆ©e Internationale pour lāĆ©limination de la discrimination raciale qui aura lieu le 21 mars, nous le rappellera. InstituĆ©e par les Nations Unies en 1966, en souvenir du massacre de Scharpeville, en Afrique du Sud, qui a eu lieu ce mĆŖme jour en 1960Ā : ce fut lāune des exactions Ā les plus Ā meurtriĆØres de lāapartheid, la police ouvrit le feu sur une foule de citoyens noirs qui protestaient contre lāimposition dāune mesure de sĆ©grĆ©gation raciale. Environ soixante-dix dāentre tombĆØrent Ć terre, sans vie. Au cours des prochains jours, dans diffĆ©rentes parties du monde, seront organisĆ©es des campagnes en faveur de lāintĆ©gration et contre toute forme de discrimination, de haine ou de violence perpĆ©trĆ©e pour des motifs raciaux. Comme toujours, les grands protagonistes de ces actions seront les jeunes.
Nous rencontrons Andrea Riccardi Ć Castel Gandolfo, au Centre Mariapolis: le climat est celui des jours de fĆŖte, des centaines de personnes (environ deux mille en tout) se rendent au dixiĆØme anniversaire de la mort de Chiara Lubich. DerriĆØre la porte du petit salon où nous le recevons, cāest un brouhaha festif de voix. āĆvoquer Chiara Lubich dix ans aprĆØs son dĆ©part, ce nāest pas revenir en arriĆØre, ce nāest pas faire de lāarchĆ©ologie ā affirme Andrea Riccardi ā ce nāest pas seulement rappelerĀ le souvenir dāune personne qui a Ć©tĆ© importante dans lāĆglise. Mais ā nous confie-t-il ā je crois quāelle Ć©tĆ© importante aussi dans ma vieĀ Ā». Rappelant les annĆ©es cruciales où en Europe, aprĆØs une parenthĆØse longue dāun siĆØcle, la dĆ©mocratie renaissait, le « murĀ Ā» sāĆ©croulait et le rideau de fer Ć©tait dĆ©mantelĆ©, le Fondateur de la CommunautĆ© de SantāEgidio affirmeĀ : « A mon avis, le message de Chiara a plus de valeur actuellement quāĆ lāĆ©poque de la guerre froide ou quāen 1989. Aujourdāhui, dans ce monde globalisĆ©, le message de Chiara nous parle de la destinĆ©e commune de tous les hommes, de lāunitĆ© des peuples et de lāunitĆ© de la famille humaine. Mais ce nāest pas le message dāune sociologue, bien quāil soit trĆØs profond, parce que Chiara avait un esprit de synthĆØse et de la perspicacitĆ©, mais elle Ć©tait capable aussi de faire des analyses et de communiquer simplementĀ Ā». āAujourdāhui il y a besoin dāun message dāunitĆ© parce que ce monde global ne sāest pas unifiĆ© sur le plan spirituel. Cāest ce que disait le Patriarche AthĆ©nagoras [le PatriarcheĀ ÅcumĆ©nique de Constantinople], grand ami de ChiaraĀ : « Il y a une unification du monde, mais il nāy a pas dāunification spirituelleĀ Ā». Et Chiara nous dit que ce monde peut tendre vers lāunitĆ©, lāunitĆ© des pauvres avec les riches, de ceux qui sont loin avec ceux qui sont proches, des Ć©trangers avec les gens du pays. Chiara nous dit aussi ā ajoute-t-il ā que moi qui suis un simple homme, toi, une simple femme, toi qui es Ā jeune ou toi qui es Ć¢gĆ©, tu peux, nous pouvons changer le mondeĀ Ā».
āChiara a Ć©tĆ© lāamie des grands qui lāont apprĆ©ciĆ©e. Je pense Ć son amitiĆ© avec Jean-Paul II, qui disait, en parlant dāelle, « Chiara, ma conscriteĀ !Ā Ā». Mais Chiara a montrĆ© aussi quāon peut changer le monde avec ces « petitsĀ Ā» qui ont la foi. Comme Marie dans le MagnificatĀ Ā». āChiara māa aidĆ© Ć comprendre ce que signifie la valeur dāun charisme, parce quāelle a reconnu en moi, elle a reconnu dans la communautĆ© de SantāEgidio un charisme. Et elle avait un sens profond des personnes et des expĆ©riences dāĆglise Ā». Et de conclureĀ : « Pour moi Chiara cāest aussi le souvenir trĆØs cher dāune amitiĆ© profonde quāelle māa manifestĆ©e Ć travers de petites chosesĀ : ses marques dāattention lorsquāelle māaccueillait Ć sa table ou me parlait au tĆ©lĆ©phone, prenant toujours soin de moi. Mais cāest aussi une personne qui a vu juste lors des grands moments de lāEglise. Je pense par exemple Ć la rencontre de Jean-Paul II avec les mouvements, lorsquāelle a ditĀ : « Cāest un coup de gĆ©nie du Pape, cāest un point dāarrivĆ©e et ce doit ĆŖtre un nouveau point de dĆ©partĀ Ā». Mon affection accompagne aujourdāhui une mĆ©moire en priĆØre avec Chiara, pour ChiaraĀ Ā».
Une lettre de remerciements adressĆ©e aux Gen 4 du monde entier a publiĆ© le bilan de lāopĆ©ration Ā« Ils ont dĆ©logĆ© JĆ©sus Ā», une initiative qui voit chaque annĆ©eĀ lāengagement des enfants du Mouvement des Focolari pendant la pĆ©riode de NoĆ«l. GrĆ¢ce aux dons recueillis Ć l’occasion de cette fĆŖte en offrant des figurines en plĆ¢tre reprĆ©sentant l’Enfant JĆ©sus de la CrĆØche, les Gen 4, aidĆ©s par des adultes et dans certains cas par des instances municipales, ont recueilli 3.627,60 euros, qui ont Ć©tĆ© affectĆ©s Ć huit projetsĀ : au BrĆ©sil, au Mexique, en Colombie, au Venezuela, au PĆ©rou, en Argentine, au Burundi, en Ouganda et en Syrie. A ce chiffre il faut ajouter une donation destinĆ©e Ć des soins mĆ©dicaux, des vivres et du matĆ©riel scolaire pour quatre projetsĀ : en RĆ©publique Centrafricaine, au Cameroun, en Egypte et en Irak. Au-delĆ des chiffres, il faut mettre en valeur la « culture du savoir donnerĀ Ā» avec laquelle se familiarisent les Gen 4.
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Une grande force spirituelle capable dāentraĆ®ner les foules de tous Ć¢ges, de toutes classes sociales, de toutes cultures : voilĆ ce qui animait Chiara et les fruits que nous voyons encore aujourdāhui, y compris dans lāĆglise. En Ć©voquant lāobĆ©issance et la docilitĆ© que la fondatrice des Focolari a toujours eues envers LāĆglise, mĆŖme dans les moments les plus difficiles, le cardinal Pietro Parolin met en Ć©vidence aujourdāhui combien les Pontifes Ć partir de Paul VI ont toujours rĆ©pondu positivement en offrant au mouvement tout leur soutien et leur encouragement. Le message de Benoit XVI Ć lāoccasion des funĆ©railles de Chiara parlait dā « engagement constant pour la communion dans lāĆglise, pour le dialogue ÅcumĆ©nique et la fraternitĆ© entre tous les peuplesĀ Ā». “Toute sa vie, continuait-il, elle a Ć©tĆ© Ć lāĆ©coute complĆØte des besoins de lāhomme contemporain en pleine fidĆ©litĆ© Ć lāĆglise et au papeĀ Ā». Lāapport que Chiara a offert Ć lāĆglise a Ć©tĆ© double, selon le secrĆ©taire dāĆtat du Vatican, le cardinal ParolinĀ : avoir approfondi et rendu visible le « profil marial, constitutif de lāĆglise autant que le profil apostoliqueĀ Ā». Puis le rappel fort et innovant Ć lāunitĆ© ā « que tous soient un afin que le monde croieĀ Ā» – construit et rendu possible grĆ¢ce au « secretĀ Ā» de lāamour rĆ©ciproque, la « rĆØgle dāorĀ Ā» que JĆ©sus lui-mĆŖme a enseignĆ©e en disant de « ne pas faire aux autres ce que tu ne voudrais pas que les autres te fasses Ć toiĀ Ā». Source : Vatican News http://www.vaticannews.va/it/chiesa/news/2018-03/anniversario-chiara-lubich-parolin-maria-voce.html#play Ā Ā Ā Ā Ā Ā Ā Ā
Au chrĆ©tien il nāest pas consenti de dĆ©sespĆ©rer, ni de se laisser abattre. Ses maisons peuvent sāĆ©crouler, ses richesses disparaĆ®treĀ : il se relĆØve et reprend le combatĀ ; le combat contre toute adversitĆ©. Les esprits paresseux, recroquevillĆ©sĀ sur leurs commoditĆ©s et leurs facilitĆ©s habituelles, sāeffraient Ć lāidĆ©e de cette lutte. Mais le christianisme existera tant que nous aurons foi en la RĆ©surrection. La rĆ©surrection du Christ, qui nous greffe en Lui et nous fait participer Ć sa vie, Ā nous oblige Ć ne jamais dĆ©sespĆ©rer. Elle nous donne le secret pour nous relever aprĆØs chaque effondrement. Le CarĆŖme est ā et doit ĆŖtre aussi ā un examen de conscience, Ć travers lequel nous pouvons voir les scories qui grouillent au fond de notre Ć¢me et de notre sociĆ©tĆ©, où sāaccumule la misĆØre dāun christianismeĀ devenu chez nombre dāentre nous une gestion ordinaire, sans passions ni Ć©lans, comme un bateau Ć voile Ć lāabri du vent. Il nous prĆ©pare Ć la RĆ©surrection du Christ, une raison pour nous deĀ renaĆ®tre Ć la foi, lāespĆ©rance et la charité : victoire de nos Åuvres sur nos penchants nĆ©gatifs. La PĆ¢que nous enseigne Ć vaincre les passions mortifĆØres, pour renaĆ®tre. RenaĆ®tre chacun Ć la pleine unité entre voisins, et chaque peuple en suscitant des actions de concorde, pour nous Ć©tablir dans le rĆØgne de Dieu. Cela se traduit par une organisation du corps social qui, en se dotant dāune autoritĆ©, de lois et de sanctions, agit pour le bien des hommes et arrive jusquāau ciel, mais Ć travers les rĆ©alitĆ©s dāici-bas. Avec pour modĆØle lāordre divin. Sa loi est lāĆvangile, et implique lāunitĆ©, la solidaritĆ©, lāĆ©galitĆ©, la paternitĆ©, le service social, la justice, la rationalitĆ©, la vĆ©ritĆ©, ainsi que la lutte contre les abus de pouvoir, les hostilitĆ©s, contre ce qui est faux et stupide⦠ Chercher le royaume de Dieu consiste donc Ć rechercher les conditions les plus favorables Ć lāexpression de la vie des personnes et de la sociĆ©tĆ©. Et cela se comprendĀ : lĆ où Dieu rĆØgne, lāhomme est comme un fils de Dieu,Ā cāest un ĆŖtre dont la valeur nāa pas de prix et qui seĀ comporte envers les autres hommes comme un frĆØre et rĆ©ciproquement, qui fait aux autres ce quāil voudrait que lāon fasse pour lui. Les biens de cette terre sont alors fraternellement mis en commun, lāamour circule grĆ¢ce au pardon, les barriĆØres nāont plus de raison dāĆŖtre car elles nāont pas de sens au regard de lāuniversalitĆ© de lāamour. Donner la prioritĆ© au royaume de Dieu signifie donc rehausser le but de la vie humaine. Celui qui a pour premierĀ objectif le royaume de lāhomme poursuit un bien sujet aux rivalitĆ©s et aux contestations. Un objectif divin, en revanche, Ć©lĆØve les hommes au-dessus du niveau de leurs rixes et les unifie dans lāamour. De sorte que, dans cette unification, dans cette vision supĆ©rieure des rĆ©alitĆ©s terrestres,Ā le vĆŖtement,Ā la nourriture et les joies de la vie retrouventĀ leur juste dimension, se colorent dāun sens nouveau et se simplifient dans lāamour, ce qui engendre une plĆ©nitude de vie. En ce sens le Christ aĀ vaincu le monde pour nous aussi. Igino Giordani, Le feste (Les fĆŖtes), S.E.I. (SocietĆ Editrice Internazionale), Turin, 1954, p.110-125.