Viens, frère exilé, embrassons-nous. Où que tu sois, quel que soit ton nom, quoi que tu fasses, tu es mon frère. Que m’importe que la nature et les conventions sociales s’efforcent de te détacher de moi, avec des noms, des spécifications, des restrictions, des lois ?
Le cœur ne se retient pas, la volonté ne connaît pas de limites, et par un effort d’amour, nous pouvons franchir toutes ces cloisons et être réunis en famille.
Ne me reconnais-tu pas ? La nature t’a placé ailleurs, autrement fait, dans d’autres frontières, tu es peut-être allemand, roumain, chinois, indien… Tu es peut-être jaune, olivâtre, noir, bronze, cuivreux… mais qu’importe.
Tu es d’une autre patrie, mais quelle importance ? Lorsque ce petit globe encore incandescent s’est consolidé, personne n’aurait pu imaginer que pour ces excroissances fortuites, les êtres s’entretueraient pendant longtemps.
Et aujourd’hui encore, face à nos arrangements politiques, il te semble que la nature ne cesse de nous demander la permission de s’exprimer à travers les volcans, les tremblements de terre, les inondations ? Et te semble-t-il qu’elle se soucie de nos disparités, de nos apparences et de nos hiérarchies ?
Frère inconnu, aime ta terre, ton fragment d’écorce commune qui nous tient debout, mais ne déteste pas la mienne. Sous tous les oripeaux, sous toutes les classifications sociales aussi codifiées soient-elles, tu es l’âme que Dieu a créée sœur de la mienne, de celle de tout autre (unique est le Père), et tu es comme tout autre homme qui souffre et que peut-être tu fais souffrir, tu as besoin d’énergie, tu vacilles, tu es fatigué, tu as faim, tu as soif, tu as sommeil, comme moi, comme tout le monde.
“Frère inconnu, aime ta terre, ton fragment d’écorce commune qui nous tient debout, mais ne déteste pas la mienne. (…) En toi je reconnais le Seigneur. Lève-toi, et désormais, frères que nous sommes, embrassons-nous. “
Tu es un pauvre pèlerin à la poursuite d’un mirage. Tu te crois le centre de l’univers, et tu n’es qu’un atome de cette humanité qui avance péniblement plus entre les douleurs qu’entre les joies, de millénaires en millénaires.
Tu es une non-entité mon frère, alors unissons nos forces au lieu de chercher l’affrontement. Ne flatte pas, ne sépare pas, n’accentue pas les marques de différenciation imaginées par l’homme.
Ne gémiras-tu pas en naissant comme moi ? Ne gémiras-tu pas en mourant comme moi ? L’âme reviendra, quelle que soit l’enveloppe terrestre, nue, égale. Viens ! De l’au-delà de toutes les mers, de tous les climats, de toutes les lois, de l’au-delà de tous les compartiments sociaux, politiques, intellectuels, de l’au-delà de toutes les limites (l’homme ne sait que circonscrire, subdiviser, isoler), viens, mon frère.
En toi je reconnais le Seigneur. Lève-toi, et désormais, frères que nous sommes, embrassons-nous.
Je ne comprenais pas comment un jeune homme pouvait être engendré à la vie, comment il pouvait se consumer en études et en sacrifices, afin de le faire mûrir pour une opération au cours de laquelle il devrait tuer des personnes qui lui étaient étrangères, inconnues, innocentes, et qu’il devrait à son tour être tué par des personnes auxquelles il n’avait fait aucun mal. J’ai vu l’absurdité, la stupidité et surtout le péché de la guerre : un péché rendu plus aigu par les prétextes avec lesquels on cherchait la guerre et la futilité avec laquelle on la décidait.
L’Évangile, suffisamment médité, m’a appris, comme un devoir inséparable, à faire le bien, à ne pas tuer, à pardonner, à ne pas se venger. Et l’usage de la raison m’a presque donné la mesure de l’absurdité d’une opération qui attribuait les fruits de la victoire non pas à ceux qui avaient raison, mais à ceux qui avaient des fusils ; non pas à la justice, mais à la violence […].
Dans le « mai radieux » de 1915, j’ai été appelé sous les drapeaux […]
Tant de trompettes, tant de discours, tant de drapeaux ! Tout ce qui a enflammé dans mon esprit la répugnance pour ces affrontements, avec des gouvernements qui, chargés du bien public, accomplissaient leur tâche en assassinant des enfants du peuple, par centaines de milliers, et en détruisant et laissant détruire les biens de la nation : le bien public. Mais comme tout cela me paraissait crétin ! Et j’ai souffert pour des millions de créatures, à qui l’on a nécessairement fait croire à la sainteté de ces meurtres, sainteté attestée aussi par des ecclésiastiques qui bénissaient des canons destinés à offenser Dieu dans le chef-d’œuvre de la création, à tuer Dieu en effigie, à réaliser un fratricide en la personne de frères, d’ailleurs baptisés.
« J’ai vu l’absurdité, la stupidité
et surtout le péché de la guerre… ».
En tant que recrue, j’ai été envoyé à Modène, où il y avait une sorte d’université pour la formation des guerriers et des ducs. Venant de Virgile et de Dante, l’étude de certains manuels, qui enseignaient comment tromper l’ennemi pour le tuer, me fit un tel effet que, avec une inexplicable imprudence, j’écrivis sur l’un d’eux : « Ici, on apprend la science de l’imbécillité ». J’avais une conception bien différente de l’amour de la patrie. Je le concevais comme de l’amour ; et l’amour signifie le service, la recherche du bien, l’augmentation du bien-être, pour la production d’une coexistence plus heureuse : pour la croissance, et non la destruction, de la vie.
Mais j’étais jeune et je ne comprenais pas le raisonnement des anciens, qui ne s’en cachaient pas : ils s’étourdissaient avec des parades et criaient des slogans pour se narcotiser.
[…]
Quelques semaines plus tard, après avoir obtenu mon diplôme à Modène, je suis rentré à la maison pour partir au front. J’ai embrassé mon père et ma mère, mes frères et mes sœurs (les embrassades étaient rares chez moi) et j’ai pris le train. Du train, j’ai vu pour la première fois la mer, beaucoup plus large que l’Aniene ; c’était comme si j’avais accompli l’un des devoirs de mon existence : en trois jours, j’ai atteint la tranchée de l’Isonzo dans le 111e régiment d’infanterie.
La tranchée ! C’est là que, depuis l’école, je suis entré dans la vie, dans les bras de la mort, avec des salves de canon. […]
Si j’ai tiré cinq ou six coups en l’air, c’était par nécessité : je n’ai jamais voulu diriger le canon du fusil vers les tranchées ennemies, de peur de tuer un enfant de Dieu. […]
Si toutes ces journées passées, au fond des tranchées, à regarder des roseaux et des touffes de ronces et les nuages ennuyeux et les bleus brillants, avaient été employées à travailler, il y aurait eu une richesse produite qui aurait satisfait toutes les revendications pour lesquelles on fait la guerre. Bien sûr, mais c’était du raisonnement, et la guerre est un anti-raisonnement.
Igino Giordani Memorie di un cristiano ingenuo, Città Nuova 1994, pp.47-53
La guerre est un meurtre à grande échelle, revêtu d’une sorte de culte sacré, comme l’était le sacrifice des premiers-nés au dieu Baal, et ce en raison de la terreur qu’elle inspire, de la rhétorique dont elle s’habille et des intérêts qu’elle implique. Lorsque l’humanité aura progressé spirituellement, la guerre sera cataloguée à côté des rites sanglants, des superstitions de sorcellerie et des phénomènes de barbarie.
Elle est pour l’homme comme la maladie pour la santé, comme le péché pour l’âme : elle est destruction et ravage, elle affecte le corps et l’âme, l’individu et la collectivité.
[…]
« Toutes choses ont un appétit de paix », selon saint Thomas. En fait, toutes les choses ont un appétit de vie. Seuls les fous et les incurables peuvent désirer la mort. Et la mort, c’est la guerre. Elle n’est pas faite par les peuples, elle est faite par des minorités pour qui la violence physique sert à obtenir des avantages économiques ou même à satisfaire des passions néfastes. Surtout aujourd’hui, avec le coût, les morts et les ruines, la guerre se manifeste comme un « massacre inutile ». Un massacre, et un massacre inutile. Une victoire sur la vie, qui devient un suicide de l’humanité.
« Toutes choses ont un appétit de paix », selon saint Thomas. En fait, toutes les choses ont un appétit de vie. Seuls les fous et les incurables peuvent désirer la mort. Et la mort, c’est la guerre.
[…] En disant que la guerre est un « massacre inutile », Benoît XV a donné la définition la plus précise. Le cardinal Schuster l’a qualifiée de « boucherie d’hommes ». C’est des régions entières détruites, des milliers et des milliers de pauvres gens sans maison ni biens, réduits à errer dans les campagnes désolées jusqu’à ce que la mort vienne les faucher par la faim ou le froid.
[…] Les bénéfices matériels que l’on peut tirer d’une guerre victorieuse ne peuvent jamais compenser les dommages qu’elle cause ; si bien qu’il faut plusieurs générations successives pour reconstruire difficilement toute la somme des valeurs spirituelles et morales qui ont été détruites au cours d’un excès de frénésies guerrières[1]. […]
[…]
e génie humain, destiné à des fins bien différentes, a aujourd’hui conçu et mis en place des instruments de guerre d’une puissance telle qu’ils suscitent l’horreur dans l’âme de tout honnête homme, d’autant plus qu’ils ne frappent pas seulement les armées, mais mais accablent souvent encore les simples citoyens, les enfants, les femmes, les vieillards, les malades, et en même temps les édifices sacrés et les monuments les plus distingués de l’art ! Qui n’est pas horrifié à la pensée que de nouveaux cimetières viendront s’ajouter à ceux, si nombreux, du récent conflit, et que de nouvelles ruines fumantes de villages et de villes viendront s’accumuler à d’autres tristes ruines ?[2]. […]
Après la publication de la première partie de la biographie de Don Foresi consacrée à la période initiale de sa vie, la deuxième partie intitulée « La regola e l’eccesso » (La règle et l’excès, éditeur Città Nuova) est également sortie. Elle est la deuxième des trois parties prévues et traite des années 1954 à 1962. Selon vous, qu’est-ce qui, dans ce volume, caractérise cette période de la vie de Foresi ?
Une caractéristique qui marque profondément la vie et l’expérience de Pasquale Foresi au cours des années indiquées peut s’exprimer ainsi : il s’agissait d’un esprit libre, d’une personne animée par une tension créatrice entre charisme et culture, mue par le besoin de traduire spirituellement et opérationnellement l’inspiration de Chiara Lubich (le charisme de l’unité) et le besoin, d’une certaine manière, de lui conférer une profondeur théologique, philosophique et institutionnelle, dans un contexte ecclésial encore largement préconciliaire. Le livre le décrit très bien comme étant continuellement engagé, aux côtés de Lubich, à « incarner » le charisme sous des formes compréhensibles pour l’Église de l’époque, pour le monde culturel et laïc en général. En ce sens, on peut le définir non seulement comme un cofondateur, mais aussi comme un interprète ecclésial du charisme, celui qui cherchait à le rendre « explicable » dans les codes de l’Église et qui a essayé d’être le bâtisseur de ponts entre la dimension mystique de Lubich et la théologie classique, la rendant accessible à beaucoup sans la diluer.
En même temps, Foresi était un intellectuel atypique et un penseur original. Bien qu’il n’ait pas laissé de grandes œuvres systématiques (il ne s’était pas donné cette tâche spécifique), il a eu un fort impact sur l’Œuvre de Marie (Mouvement des Focolari), précisément pendant la période décrite dans le livre. Ce deuxième livre documente une existence dynamique, traversée par un sentiment d’urgence, comme si les paroles de l’Évangile propres au développement du Mouvement des Focolari devaient être incarnées « immédiatement », sans délai.
“Don Foresi, un esprit libre, une personne animée par une tension créatrice entre charisme et culture”.
Notre interlocuteur, le professeur Marco Luppi, chercheur en histoire contemporaine à l’Institut universitaire Sophia de Loppiano (Italie).
Les 600 pages du texte abordent non seulement les événements qui ont marqué la vie de Foresi pendant la période considérée, mais elles retracent également la vie et l’histoire de Chiara Lubich et du Mouvement des Focolari au cours de ces années, en s’attardant également sur des récits et des épisodes auxquels Foresi n’a pas assisté, comme l’affirme l’auteur lui-même. Pourquoi, selon vous, ce choix éditorial ?
Zanzucchi inclut des événements et des faits qui n’ont pas été directement vécus par Foresi parce que sa figure est indissociable de l’histoire du mouvement des Focolari. Raconter le contexte, les protagonistes et les dynamiques collectives permet de saisir la signification de la contribution de Foresi, en l’insérant dans la trame vivante d’une expérience communautaire. Comme il l’affirme clairement dans son introduction, Zanzucchi voit en Foresi non seulement un protagoniste, mais aussi un cofondateur, c’est-à-dire l’un des éléments structurels et constitutifs du mouvement des Focolari. Par conséquent, la biographie de Foresi est indissociable de celle du mouvement. En d’autres termes, l’auteur adopte une perspective que l’on pourrait qualifier de « biographie immergée » : il ne s’agit pas d’une simple reconstruction individuelle, mais d’un récit relationnel et contextuel, où le sens de la personnalité de Foresi émerge de son dialogue avec d’autres acteurs (Chiara Lubich, Igino Giordani, des acteurs du monde ecclésial, etc.) et avec l’histoire collective du Mouvement.
Don Foresi avec Chiara Lubich lors d’un congrès (1967)Avec les jeunes (1976)
L’ouvrage de Michele Zanzucchi est la première biographie consacrée à Foresi. Selon vous, quels sont les aspects de la vie de Foresi qui mériteraient d’être approfondis et étudiés d’un point de vue historique ?
Zanzucchi aime souvent dire qu’il n’est pas un historien au sens strict du terme, mais plutôt un narrateur et un vulgarisateur attentif et scrupuleux, et qu’il a donc pris quelques libertés à certains moments afin de clarifier certains passages qui n’étaient pas très explicites. Mais il s’agit certainement d’un travail très important et d’un premier effort pour nous restituer la personnalité et l’expérience de Foresi avec un regard complet. Il s’agit d’un regard, et il peut y en avoir beaucoup d’autres, à travers ce même esprit critique, ouvert à de multiples interprétations, qui doit animer la reconstruction de l’histoire de tout le mouvement des Focolari et de ses figures de référence. Parmi les nombreuses pistes de réflexion concernant d’éventuelles recherches futures sur Foresi, j’en citerais trois. La première concerne la pensée théologique et philosophique de Foresi. Zanzucchi souligne que Foresi n’était pas un théologien académique, mais un « visionnaire culturel », dont la production est dispersée dans des articles, des discours et des notes. On regrette donc l’absence d’une exposition organique de sa pensée sur des thèmes clés tels que l’Église, les sacrements, le rapport entre foi et raison, etc. Il conviendrait en outre d’étudier l’originalité de sa pensée ecclésiologique, qui anticipe certaines intuitions conciliaires. Une deuxième recherche pourrait porter sur le rôle « politique » de Foresi et ses relations avec le monde ecclésiastique romain. L’auteur fait plusieurs fois allusion aux liens de Foresi avec la curie vaticane et certaines personnalités ecclésiastiques. Cependant, le poids de Foresi dans les médiations politiques ou ecclésiastiques de l’après-guerre n’est pas encore très clair et il serait donc utile de l’explorer, en particulier dans les moments de tension avec la hiérarchie. Enfin, un troisième aspect stimulant pourrait être la saison éditoriale et le « laboratoire culturel » de Città Nuova. Zanzucchi souligne le rôle de Foresi en tant que fondateur, directeur et inspirateur de la revue « Città Nuova ». Quel type de « culture » Foresi cherchait-il à proposer ? Comment se positionnait-il par rapport aux autres publications catholiques (Civiltà Cattolica, L’Osservatore Romano, Il Regno) ? Tôt ou tard, une monographie sur l’œuvre de Foresi en tant qu’éditeur et journaliste, dans le contexte de la presse catholique du XXe siècle, sera nécessaire.
Je suis Anibelka Gómez, volontaire du Mouvement des Focolari de Santiago de los Caballeros (République dominicaine), enseignante et actuelle directrice d’une école publique.
L’éducation n’est pas seulement un droit, mais un puissant levier de transformation pour nos communautés. En tant qu’éducateurs, nous avons la possibilité d’influencer la construction d’une société plus juste et fraternelle. Ainsi, une grande préoccupation est née en moi : comment puis-je contribuer à construire le “rêve” d’unité que Jésus a demandé au Père ? Quelles actions concrètes puis-je entreprendre pour faire de l’éducation un moteur de changement vers la paix dans nos communautés ?
C’est ainsi que l’an dernier est née l’idée de faire quelque chose qui va au-delà de la simple échelle de notre école. Sachant que nos moyens étaient limités, mais croyant en la promesse de Jésus d’être présent parmi ceux qui s’aiment, nous avons organisé un congrès international intitulé : « Promouvoir la pédagogie de la paix » à Santiago de los Caballeros. Nous avons décidé de préparer ce congrès sur la base de l’amour réciproque entre les organisateurs, membres des Focolari de la République dominicaine et de Porto Rico. 140 enseignants, psychologues, directeurs et professionnels de l’éducation ont participé, représentant 55 établissements scolaires, dont l’école Café con Leche de Saint-Domingue, une école engagée à vivre l’art d’aimer proposé par Chiara Lubich.
Photo : Congrès international « Favoriser la pédagogie de la paix » (Photo : Anibelka Gómez)
Pour réaliser ce grand événement, la providence de Dieu s’est manifestée à travers l’aide, le soutien et la collaboration du directeur Rafael Liriano et du conseiller Ysmailin Collado du district éducatif 08-04, de l’Association nationale des directeurs (ASONADEDI), de certains entrepreneurs et de la communauté de Santiago, qui nous ont aidés pour la logistique.
Grâce à ce congrès, un nouvel intérêt est né pour découvrir les propositions et initiatives éducatives du Mouvement des Focolari, comme le Dé de la paix et la méthode 6×1 (six étapes pour un objectif). C’est pourquoi, quelques mois plus tard, nous avons organisé le séminaire « Culture de la paix et méthode 6×1 ». Vingt écoles y ont participé, représentées par leurs directeurs et enseignants, avec l’objectif de diffuser ensuite ces contenus à d’autres écoles.
À gauche : atelier sur FormaT, à droite : atelier sur le cube de la paix et la méthodologie « 6 x 1 » (Photo : Anibelka Gómez)
Cet atelier a mis en lumière l’urgence, ressentie par les participants, d’implanter dans les écoles la nouveauté du Dé de la paix et de la méthode 6×1. Certains directeurs et enseignants ont affirmé que la mise en œuvre de ces programmes aidera les enfants à promouvoir une culture de paix pour le bien d’une société meilleure. De plus, pour donner une continuité à ce projet, une nouvelle formation appelée FormaT a été proposée : un cours en ligne destiné aux formateurs qui accompagnent enfants, adolescents et jeunes dans divers environnements éducatifs. L’objectif est de partager expériences, compétences et outils pour la formation et l’accompagnement. Ce programme est animé en ligne depuis la Colombie, avec la participation d’enseignants de 14 établissements scolaires. La formation a lieu chaque mois à partir de septembre, elle est composée de 9 modules et se conclura par la remise d’un diplôme aux participants.
La mise en œuvre de ces modules a créé un lien fort entre les écoles, à tel point qu’en période de Carême, nous avons organisé une retraite pour les participants à FormaT, suivie d’un week-end avec les directeurs participants. C’est impressionnant pour nous de voir comment Jésus multiplie les talents, touche les cœurs et produit des fruits bien au-delà de ce que nous pouvions imaginer, donnant vie à de véritables expériences d’unité.
L’Europe continue de faire parler d’elle, au centre de tensions internationales et de débats animés dont l’issue a un impact sur la vie de ses citoyens : près d’un demi-milliard dans l’Union européenne. Paix contre défense, guerre ou paix commerciale, choix énergétiques, politiques de développement et justice sociale, identité et diversité, ouverture et frontières : les thèmes à l’ordre du jour sont nombreux et, face aux changements du contexte interne et externe – en premier lieu la guerre en Ukraine -, la relecture et l’actualisation de la prophétie de Robert Schuman et des pères fondateurs sont non seulement d’actualité, mais nécessaires.
Cela fait 75 ans que le ministre français des Affaires étrangères de l’époque, le 9 mai 1950, prononçait son discours révolutionnaire à Paris, jetant ainsi les bases du processus d’intégrationeuropéenne. Le 15 mai 2025, au siège du Parlement Européen à Bruxelles, un panel d’experts, de représentants de divers mouvements chrétiens et de jeunes militants ont donné voix à la vision de l’unité européenne comme instrument de paix.
Églises et Mouvements divers de différents pays d’Europe
L’événement était organisé à l’initiative de Ensemble pour l’Europe (EpE), en collaboration avec plusieurs députés européens, à l’invitation de la députée slovaque Miriam Lexmann, absente pour raisons familiales. Il a réuni, dans la matinée du 15 mai, une centaine de personnes venues de Belgique, d’Italie, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Slovaquie, d’Autriche, de France, de Grèce et de Roumanie. Des catholiques, des orthodoxes et des membres des Églises de la Réforme étaient présents, ainsi que des représentants de la Communauté Immanuel, du YMCA, des Focolari, de Schoenstatt, de Sant’Egidio, de Quinta Dimensione et de la Communauté Pape Jean XXIII : une diversité caractéristique du réseau EpE. C’est le modérateur de Ensemble, Gerhard Pross, témoin des débuts, qui a pris la parole : « Pour nous, il est important d’exprimer la force de la foi dans la construction de la société. Cependant, nous ne sommes pas intéressés par le pouvoir ou la domination, mais nous voulons apporter l’espoir, l’amour et la force de la réconciliation et de l’unité inhérents à l’Évangile ».
Des lycéens et des étudiants universitaires vivent une expérience européenne entre dialogue, institutions et spiritualité
Parmi le public – et parmi les intervenants – la forte présence des jeunes est remarquable : ils sont 20 à venir du lycée Spojená škola Svätá rodina de Bratislava. Ils étudient la citoyenneté active et le droit européen. Ils sont à Bruxelles avec leurs professeurs pour vivre une expérience qui pourrait marquer leur parcours professionnel et leur vie. Parmi eux, Maria Kovaleva : « Je viens de Russie et pour moi, l’Europe signifie pouvoir être ici, indépendamment de mon origine ou de la situation politique dans mon pays ou en Slovaquie, et parler librement, ici même, au cœur de l’Europe. Pour moi, l’Europe a toujours été un endroit où peu importe votre religion ou votre nationalité. Tout le monde a le droit de s’exprimer, et de s’exprimer sans censure. C’est le genre d’Europe dont rêvait Robert Schuman ».
Peter, 16 ans, se dit sincèrement surpris de se retrouver pour la première fois dans un lieu institutionnel où se prennent des décisions importantes. Il est délégué des élèves et son expérience à Bruxelles est pour lui une source d’inspiration pour l’avenir, où il espère jouer un rôle de leader dans le domaine du management ou de la politique.
Samuel a 17 ans. Il décrit ces derniers jours comme « une expérience extraordinaire qui lui a permis d’en savoir plus sur le reste de l’Europe, sur le fonctionnement de la politique et du Parlement. Je pense pouvoir parler au nom de toute la classe : c’était extraordinaire ! ».
Une autre délégation étudiante vient d’Italie. Elle est composée de 10 étudiants en sciences politiques et relations internationales de la LUMSA, à Rome. Daniele, étudiant en première année de sciences politiques, est particulièrement impressionné par le moment de l’après-midi : la prière œcuménique dans la « Chapelle pour l’Europe ». « J’aime le travail de Chiara Lubich, qui consiste à créer des ponts pour rassembler tout le monde, et on pouvait voir l’engagement de chacun des participants. Ce n’est pas une rencontre entre rêveurs, mais une recherche concrète qui mène à quelque chose de solide ». Pour Diego, c’est un moment où la mémoire se renouvelle et conduit à la continuité. Il est inspiré par la mondialité qui règne à Bruxelles, « un point de départ pour de futurs développements », et il a particulièrement apprécié les interventions des députés européens.
Photo: H. Brehm / K. Brand / M. Bacher
L’appel des députés européens aux jeunes et aux Mouvements
En effet, Antonella Sberna (Conservateurs et Réformistes européens), vice-présidente du Parlement européen et responsable de la mise en œuvre de l’article 17 TFUE, Leoluca Orlando et Cristina Guarda (Verts) étaient présents dans la matinée. « Vous êtes l’exemple de ce que l’UE peut faire pour nos peuples et nos civilisations », a déclaré la vice-présidente, s’adressant à Ensemble pour l’Europe. Elle invite les jeunes présents à « être critiques, mais passionnés », à « bien étudier l’Europe », afin d’être « ensemble au service de la correction de ce qui ne nous plaît pas et de la garantie de la paix à l’intérieur de nos frontières, comme exemple d’union des peuples dans le respect des souverainetés ».
Leoluca Orlando invite à « saisir le projet d’avenir qui était dans l’action de Schumann, en cultivant une mémoire inquiète » et rappelle le principe de fraternité, qui permet de dépasser les polarisations historiques entre la droite et la gauche sur la liberté et l’égalité. Et comme exemple de fraternité, il cite « l’expérience prophétique d’unité entre catholiques et luthériens, grâce à l’intuition de Chiara Lubich, à Ottmaring, en Bavière, un lieu au cœur de la guerre de Trente Ans ».
Pour Cristina Guarda, la paix est le mot clé : « En tant que Mouvements chrétiens, je vous demande de prendre part à cette discussion et d’exiger notre cohérence dans la recherche de la paix. Et donc de faire les bons choix et de voter correctement, pour respecter la paix ».
Accompagner l’Europe à réaliser sa vocation
Et c’est précisément à un projet de paix que la Déclaration Schuman aspire : Jeff Fountain, du Centre Schuman, propose une lecture des fondements spirituels de la Déclaration, de son « courageux discours de trois minutes » : « son projet n’était pas seulement politique ou économique. Lue à un niveau plus profond, la Déclaration Schuman révèle que le projet est profondément moral, spirituel, enraciné dans les valeurs du cœur ». « Les institutions qu’elle a contribué à inspirer, aussi imparfaites soient-elles, constituent une défense contre le retour à la politique de domination et d’exclusion, de peur et de haine ».
Mais qui devrait donner une âme à l’Europe ?Alberto Lo Presti invite à la réflexion. « Nous ne devrions pas attendre que cette âme soit produite par les institutions politiques européennes et transmise à ses citoyens. Je ne voudrais pas vivre dans une société où l’institution m’inculque une vision du monde. Ce sont généralement les organisations politiques totalitaires que nous avons bien connues ici en Europe, comme le nazisme et le communisme, qui agissent ainsi. L’âme de l’Union européenne sera visible lorsque cette âme se reflétera dans les choix quotidiens de ses citoyens. En tant que Ensemble pour l’Europe, nous voulons accompagner l’Europe dans la réalisation de sa vocation ».