‘Ecologie intégrale’ du pape François – Laudato Si’

 

L’encyclique du pape François  Laudato Si’  a été publiée en 2015. Pour la première fois, un pape met de l’avant dans sa lettre mondiale le thème de l’écologie. Au vu de la pensée pessimiste à propos du climat, il est pour le moins remarquable que François commence par : « Laudato Si, Loué sois-tu, Seigneur », se référant au chant de louange de Saint-François.

Ces mots donnent directement le ton.  Laudato Si’ part de la Création (LS§76) dont nous faisons tous partie.   La merveille et la joie de ce mystère sont centrales. Francois part de l’interconnectivité, de la liaison. Inspiré et informé par des découvertes scientifiques et politiques, il sait de quoi il en retourne en matière de pollution et de changement de climat, l’eau, la perte de biodiversité et l’urgence des problèmes.  Il est cependant critique à l’idée que la science et la technique vont tout résoudre (cf LS §102).  Le problème  est plus fondamental, à savoir une vision erronée de notre relation avec la nature.  Une nouvelle vision s’impose.

Ecologie intégrale

Cette vision, François la résume dans le concept “écologie intégrale”.

Dans une première signification, écologie intégrale signifie que le souci du milieu et le combat contre la pauvreté et l’injustice doivent aller de pair.  Nous vivons dans une société de gaspillage et du « tout jeter », et les plus vulnérables sont les premiers à ressentir les conséquences du changement de climat et de la question écologique –  aussi chez nous (ex : ceux qui ne peuvent se permettre d’acheter des panneaux solaires ou payer des taxes plus élevées sur l’essence..).

Mais en regardant de plus près, l’écologie intégrale consiste en une vision relationnelle dans laquelle tout et tous sont interconnectés et dépendants les uns des autres.

Traditionnellement, les chrétiens proclamaient et savaient que les gens sont liés, comme des frères et des sœurs.  Nous avons besoin les uns des autres pour devenir meilleurs et nous sommes responsables les uns des autres.

Notre destin est interconnecté. Laudato Si ‘ élargit cela: le destin de l’homme et du reste de la création est interconnecté [et ce n’est pas quelque chose de négatif, que nous devrions avoir peur de cela, mais juste quelque chose de positif: les uns avec les autres et par rapport à la création notre vie est plus belle et a plus de valeur]. Parce que non seulement l’homme mais chaque créature montre quelque chose de la grandeur et de la bonté de Dieu et a de la valeur en soi (LS §69). Laudato Si « déclare: » Les gens ne sont pas seulement mutuellement relationnels. Ils font partie d’un univers relationnel. « (Borgman)

Ecologie intégrale signifie donc : « Tout a besoin de tout. Tout construit. » (Borgman)

Le pape parle d’un « regard contemplatif ». La contemplation se réfère à « considérer », une certaine manière de regarder. Alors: avec quelles lunettes regardons-nous?  Considérons-nous la nature comme un objet que nous pouvons utiliser ou abuser pour nos propres besoins et désirs? Ou regardons-nous avec un « regard contemplatif », des lunettes qui prennent cette perspective relationnelle, cette interconnectivité de toute la création comme point de départ?

Signes des temps… à la lumière de l’Evangile

Le pape François décrit l’état de la terre aujourd’hui comme « la création qui gémit et souffre de douleurs de l’accouchement » (Romains 8,22; LS §80). Malgré la menace et la douleur, l’image de la douleur de l’accouchement signifie qu’une « nouvelle situation est en train de naître » (Borgman). Pour le pape, la question environnementale est comme un signe des temps, ce qui nécessite une analyse pointue, mais à la lumière de l’évangile. Et c’est là que réside la différence essentielle. Parce que cela signifie: ne pas partir d’un point de vue qui consiste à semer la panique, mais à engendrer la confiance. Dieu donne de l’espoir : Dieu rachète et renouvelle après. « Je serai là. « La foi a lieu dans le dévouement à la présence de Dieu et dans la volonté et la capacité de se laisser trasformer » (Borgman).

Conversion écologique

Nous laisser transformer … Cela ne signifie pas que nous devons simplement attendre et voir. Au contraire. Dieu peut être en chemin avec nous, cela peut ne pas nous rassurer, ne nous apaise pas, ne nous ferme pas les yeux sur ce qui se passe. Nous devons coopérer au changement dont nous avons un besoin urgent. Le pape parle de la nécessité d’une « conversion écologique ». Ici, il lance aussi un appel universel; les non-chrétiens voient aussi qu’il faut renverser la tendance.

Cette conversion écologique est donc pratique et concrète, selon François. Et elle est structurelle et personnelle.

Structurelle, car nous avons besoin d’une vision différente du développement et du progrès (LS §109) qui prenne en compte l’écologie et pas seulement le marché, le profit et les intérêts personnels. (LS §196)

Personnelle, car nous devons rechercher un nouveau mode de vie, plus durable et plus solidaire. Par exemple, nos habitudes de consommation doivent changer. Faire le choix de produits alimentaires plus locaux et être plus équitable pour des produits comme le café et les oranges, que nous ne trouvons pas ici … afin de garder un œil sur les deux côtés de la médaille, à savoir la justice sociale et l’écologie.

Mais ici aussi, la conversion écologique est plus fondamentale : avec seulement des doctrines et des principes, nous n’allons pas y arriver. Ce qui est nécessaire, c’est une spiritualité qui nourrit le regard contemplatif pour que nous continuions à voir cette interconnexion avec tout et tous (voir LS §216). Mais, de plus, le pape François a bien compris que la spiritualité peut aider à rester motivé pour œuvrer au changement, en dépit des revers, des catastrophes et du désespoir.

La spiritualité, quelle que soit sa forme, qui prend en compte le lien entre l’homme et l’environnement, peut aider ne pas se décourager.

Pour les chrétiens, la spiritualité nous incite à retrousser nos manches et à laisser Dieu se réaliser, dans la confiance que Dieu nous accompagne. Pour revenir à saint François: « Proclamez l’évangile partout et toujours, si nécessaire avec des mots. »

Basé sur l’intervention faite par Ellen Van Stichel, théologienne, aux “Entretiens du Middelberg” du 18 mai 2019.

 

 

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