A côté de Mère Teresa, Madeleine Delbrêl, Edith Stein et bien d’autres figures féminines du XXe siècle, Chiara Lubich (1920-2008) propose avec force le message de l’Evangile. Elle contribuera de la sorte à promouvoir la communion dans l’Eglise et à ouvrir de nouveaux chemins de dialogue tous azimuts. Femme et laïque, elle a proposé des thèmes et des ouvertures amplifiées ensuite par le Concile Vatican II, notamment l’Eglise peuple de Dieu et l’Eglise-communion, la place accordée aux laïcs, aux femmes, aux gens mariés. Elle a indiqué le chemin de la fraternité universelle. Une voie de perfection de la vie chrétienne s’ouvre à quiconque, tout en étant immergé dans les problématiques du monde. Elle a développé une culture du partage qui prend forme dans la vie individuelle et dans de nombreuses initiatives sociales.
Chiara a permis des avancées importantes dans le dialogue œcuménique, interreligieux et avec la culture contemporaine laïque. Les dernières vingt années surtout de sa vie, la portée de la spiritualité de l’unité a été reconnue largement, confirmée par la quarantaine de prix reçus de la part d’organismes internationaux, universitaires et de collectivités publiques (notamment en 1996 le Prix Unesco de l’Education pour la Paix et en 1998 le Prix Européen des Droits de l’Homme), dont seize doctorats honoris causa de la part d’universités de différents continents, de la philosophie à l’économie en passant par la psychologie, la théologie et les communications sociales.
Traits biographiques
Chiara est née en 1920, à Trente, en Italie du Nord, au croisement du monde latin et germanique, de parents typographes. Son père, antifasciste notoire, paya durement sa résistance au régime. D’où la pauvreté comme pain quotidien de la famille. C’est tout naturellement que l’Action Catholique (à l’époque le seul terrain d’action des laïcs) devient le terreau d’approfondissement de la foi et de l’engagement de Silvia, la deuxième d’une fratrie de quatre. Quand elle entre dans le tiers-ordre des Franciscains elle prend le nom de Chiara, fascinée par l’authenticité évangélique de Claire d’Assise.
Le 7 décembre 1943, dans la petite église des Capucins de la ville de Trente, Chiara prononce son « oui » à Dieu pour toujours. Elle a tout juste 23 ans. Loin d’elle l’idée de vouloir fonder un Mouvement. Ce choix définitif marque cependant la première étape d’un cheminement à la recherche passionnée de la Vérité. Bien vite l’enthousiasme nourri par la conviction que l’Evangile contient des ‘Paroles de Vie‘ est contagieux. Les premières compagnes se joignent à Chiara, dans la même radicalité de l’amour. Le minuscule appartement Piazza Cappuccini n° 2 ne désemplit plus : les vivres, les médicaments, les couvertures sont distribuées aux plus pauvres de la petite ville. Après quelques mois ils sont cinq cent, les hommes et les femmes de tous les âges et conditions sociales qui veulent partager cette vie. Se dessine le profil d’une nouvelle communauté que les habitants de Trente appellent focolare, focolari, d’après le mot italien qui indique l’âtre, le lieu où la chaleur du foyer réunit la famille, par analogie au feu de l’amour qui circule entre tous. Le Mouvement des Focolari est né.
Cette nouvelle vie ne manque pas de susciter perplexités et questions, dans un paysage catholique italien relativement fermé. Nous sommes en effet à vingt ans du Concile Vatican II et de ses ouvertures impensables jusque-là. Mais le soutien de l’évêque de Trente, Mons. de Ferrari, encourage les Focolari à aller de l’avant. Plus tard le pape Pie XII, peu avant sa mort, fera officielle du pape Paul VI, la réponse à la confiance profonde de Chiara dans l’Eglise et sa sagesse pluriséculaire. Entre temps l’esprit de l’unité a gagné l’Europe de l’est et les autres continents. Les papes successifs manifesteront régulièrement leur confiance et leur gratitude pour ce que l’Œuvre de Marie (l’appellation officielle du mouvement des Focolari) produit dans d’innombrables personnes.
Deux figures ont joué un rôle de premier plan dans l’évolution de tout le Mouvement: Igino Giordani, homme politique, écrivain et Pasquale Foresi, jeune théologien et plus tard prêtre. Au point que Chiara les considérera comme des co-fondateurs. La relation spirituelle profonde avec Giordani, député parlementaire et écrivain confirmé, mettra en lumière la portée que la spiritualité de l’unité aura pour l’Eglise et la société. Grâce à lui, marié et père de famille, la vocation du focolare s’ouvrira aux mariés. Le pacte d’unité scellé entre Chiara et Igino le 16 juillet 1949 marque le début de plusieurs mois de contemplation et d’expériences mystiques. A Foresi, jeune théologien, Chiara demandera dès 1950 de partager avec elle la responsabilité du Mouvement naissant. Il sera entre autre le promoteur de la presse (revues et maisons d’édition) et des cité-pilotes qui à partir de Loppiano dans les collines toscanes, essaimeront dans les cinq continents. Il aidera également à articuler l’impact du charisme avec la théologie et les sciences humaines, dont l’expression la plus récente est la fondation de l’Institut Universitaire Sophia (près de Florence).
La contribution de Klaus Hemmerle, théologien allemand, prêtre puis évêque sera elle aussi essentielle. A partir de 1975 il organise des rencontres d’évêques ‘amis du mouvement des Focolari’. Il sera l’instigateur, toujours en unité étroite avec Chiara, de l’Ecole Abbà, groupe d’études interdisciplinaires qui travaille sur les écrits de l’expérience mystique de 1949.
Au cours de sa vie Chiara reçoit différents prix et reconnaissances, signes de son engagement inlassable en faveur de la paix et de la fraternité entre les peuples : entre autres le Prix Templeton (« pour avoir contribué de façon exceptionnelle à affirmer la dimension spirituelle de la vie », Londres 1977), le Prix Unesco de l’Education pour la Paix (Paris 1996) et le Prix Européen des Droits de l’Homme (Strasbourg 1998). Seize universités (d’Europe, d’Asie, d’Amérique latine et des Etats-Unis) lui décernent un doctorat honoris causa, de la philosophie à l’économie en passant par la psychologie, la théologie et les communications sociales.
Quand le 14 mars 2008 Chiara décède à l’âge de 88 ans, les messages parvenus d’un peu partout soulignent l’héritage de « lumière » et « d’amour » de cette « femme hors du commun ».
Cette mesure d’amour sans frontières ni réserves a été soulignée par le Pape Benoît XVI dans sa lettre lue lors des funérailles de Chiara. A cette célébration ont participé 20.000 personnes parmi lesquelles de nombreux représentants de différentes Eglises chrétiennes, de religions et convictions différentes.