Une passion pour l’Europe

 

Pour Massimo Attoresi être fonctionnaire européen signifie vivre au service du bien commun

Question : Massimo, nous savons que tu travailles aux Institutions Européennes. Comment as-tu trouvé ce job et quelle est ton expérience personnelle, toi qui tiens aux valeurs de base du projet européen ?

Je suis très lié à ma terre d‘origine, l’Italie, et au fond je n’aurais jamais voulu quitter ma ville, ma famille, mes amis pour un boulot même si bien payé, sans un motif majeur.

Un jour, j’ai lu qu’il y avait un concours pour travailler à l’Union Européenne. Je n’avais aucune idée de ce dont il s’agissait concrètement, mais j’avais dans mon cœur ce rêve de l’Europe depuis que mon instituteur à l’école primaire nous avait transmis sa passion pour ce projet. Avec Emanuela, ma femme, nous avons alors décidé en 2002 de nous déplacer ici, en Belgique, pour poursuivre cette aventure.

J’ai travaillé d’abord auprès de l’Office européen de Lutte Antifraude, où l’on mène des enquêtes sur les fraudes au détriment du budget de l’UE, sur les affaires de corruption et les fautes graves commises au sein des institutions européennes. Puis j’ai travaillé pour la Direction Générale Emploi, Affaires sociales et Inclusion, qui est chargée de la politique de l’UE dans ces domaines ainsi que des affaires sociales, de la mobilité des travailleurs et des programmes de financement correspondants de l’UE.

Là, j’ai commencé à travailler pour la sécurité informatique et  la protection des données personnelles. J’ai tout de suite développé une véritable passion pour ce dernier domaine. Dès ma jeunesse, je me sentais porté pour les matières scientifiques. Ma rencontre avec des gens qui portaient en eux l’aspiration d’un monde fraternel, plus uni, les Focolari, a fait naître en moi l’exigence d’investir  mes  compétences là où un impact plus direct sur l’humanité et ses enjeux pouvait se réaliser. Et tout cela m’a amené à postuler et finalement à travailler, depuis 2012, au Contrôleur européen de la protection des données.

Question : Souvent les institutions européennes sont ressenties comme une entité abstraite, loin des citoyens et de leur vie quotidienne. Peux-tu nous dire en quoi ton expérience professionnelle confirme ou dément cette image ?

Je m’explique. L’UE avait adopté une Directive en 1995 sur la protection des données qui avait été traduite en lois nationales, parfois très différentes entre elles. Avec le progrès de la technologie, la digitalisation presque totale de nos vies et un marché transnational et mondiale du numérique, cette fragmentation s’est révélée inadéquate. L’UE a donc élaboré et approuvé une nouvelle loi, le « Règlement général sur la protection des données », qui est en application depuis mai 2018. Cette loi établit des principes et des règles communes à toute l’UE pour la protection des individus et de leurs droits fondamentaux lorsque leurs données sont traitées par des organisations publiques ou privées qui ont leur siège dans l’UE ou sont à l’étranger mais offrent leurs services aux personnes résidant dans l’UE.

Nous nous rappelons tous les révélations de Snowden, en 2013, sur la surveillance que les services d’intelligence des États-Unis exercent sur les citoyens étrangers ; les scandales récents de Cambridge Analytica, qui ont conditionné les élections américaines et l’influence des réseaux sociaux sur la démocratie ; le phénomène généralisé des « fake news » ; l’intolérance et la haine répandue à travers les médias sociaux ; le fait que nos vies sont mieux connues des grandes multinationales du digital que de nous-mêmes ; que l’intelligence artificielle et les décisions automatisées, bien qu’ayant de grands bénéfices, pourraient anéantir notre dignité d’êtres humains pensants et notre dimension transcendante.

Il est fondamental d’approcher ces situations de façon unitaire et en étant bien enraciné dans les valeurs communes aux pays de l’UE (celles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne). Au « Contrôleur », nous travaillons pour tout cela, avec toutes les autres autorités de protection des données nationales, les autres institutions européennes, l’industrie et les organisations non gouvernementales. Actuellement nous travaillons, entre autre, pour garantir le bon déroulement des élections européennes et des prochaines élections nationales, notamment sur les réseaux sociaux. En même temps, nous veillons à ce que les grandes multinationales du numérique et d’autres organisations utilisent nos données en respectant notre dignité et les règles établies.

Il s’agit donc, plus généralement, de faire en sorte que la technologie soit au service de l’homme et que ni les organisations privées ni les gouvernements ne l’’utilisent pour nous exploiter.

Aujourd’hui il va ainsi de soi qu’agir comme Européen est absolument nécessaire pour être efficace dans un contexte qui est structurellement de dimension planétaire.

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