Poésie et musique au cimetière

 

Dans notre unité pastorale il y a un groupe de travail intitulé “Proximité avec les personnes en deuil”. Le groupe est composé de douze personnes, des hommes et des femmes, tous avec des caractères trempés. Quelques-unes des femmes sont très créatives. J’ai la chance de pouvoir guider ce groupe. Mais de temps en temps cela signifie un peu ‘mourir’. Mourir à moi-même.

Ensemble nous organisons plusieurs activités pendant l’année pour aller à la rencontre de personnes dans le deuil et les rassembler. L’une d’entre elles est intitulée « Poésie § Musique au cimetière ». Nous invitons des familles qui ont perdu un être cher à venir au cimetière. En silence nous nous rendons à différents endroits du cimetière, là où les enfants, les prêtres, les personnes décédées récemment sont enterrées. Au lieu où l’urne est conservée. Il y a également un endroit où les personnes démunies sont enterrées ; en général elles n’ont pas de tombe mais un crucifix en bois. Un arrêt à chacun de ces lieux, la lecture d’un poème accompagné de musique. Très simplement, sereinement, en silence.

L’année dernière nous avons organisé cela pour la première fois. Et il y a eu beaucoup de réactions positives. Nous étions tous heureux ! C’est pourquoi nous avions décidé de nous relancer cette année.

Quoique tout ceci ait l’air très simple, l’activité demande beaucoup de préparation. Nous voulions donc nous y mettre bien à temps. En janvier c’était la première réunion. Je me suis rendu compte bien vite que la barre était mise plus haut que l’année dernière. Les hommes voulaient travailler autour d’un thème, l’invitation devait être plus ciblée encore, les textes et lecteurs devaient avoir un niveau poétique élevé, quelqu’un proposait même de demander à une ballerine de danser, et bien sûr il fallait aussi la musique.

Pour ma part, j’aurais voulu que tout soit sobre, même si je souhaitais que chacun puisse déployer ses talents. Je sentais que le contrôle m’échappait. Nous avions un beau projet mais l’unité manquait. Et c’est précisément à cette entente profonde que j’aspirais. Ainsi la tension montait en moi. L’unité ne signifie pas nécessairement avoir tous la même idée, mais par l’amour réciproque donner l’un à l’autre l’espace pour développer son idée ; et ensuite comprendre ensemble quelle est la meilleure solution.

On a réussi à décider un thème et trouver de beaux textes adaptés, à faire une belle invitation. Mais nous ne trouvions pas de musiciens disposés à nous accompagner. Le groupe de l’an dernier ne voulait plus faire de la musique et nous ne trouvions personne d’autre.

Dans notre réunion on sentait la tension monter. Quelqu’un a dit : « sans ensemble musical, pas de poésie » . Je continuais à croire que tout allait se solutionner. Que Dieu nous donnerait un coup de main. Quelqu’un disait : « Pourquoi ne pas prendre simplement un Cd, s’il n’y a pas d’ensemble musical ? » Mais quelqu’un d’autre n’était pas d’accord. Que faire? Quelques-uns tenaient aux poèmes, voulaient maintenir la simplicité… et les autres voulaient la perfection. Comment arriver à l’unanimité ?

Nous avons fixé une date d’échéance. Si à ce moment-là nous n’avions pas encore trouvé de musiciens, tout serait annulé.

La date fatidique approchait. Je continuais à chercher et évoquais mes problèmes à une dame qui avait participé à notre activité l’année passée. Je sentais qu’elle me comprenait. La solution du Cd semblait si évidente. Mais je ne pouvais pas m’y résoudre…

Pour moi c’était devenu une grande tension. En même temps je continuais à avoir confiance en Dieu. Je sentais que les choses allaient s’arranger. Je voulais aller jusqu’au bout. En tout cas ne pas m’imposer. Et il fallait certainement une décision avec laquelle tous seraient d’accord. Jusqu’à présent seule la date de l’échéance avait été fixée d’un commun accord.

Le jour de l’échéance je me trouvais à l’abbaye de Drongen pour une retraite. A l’heure de midi je reçois un coup de fil de la dame qui l’année dernière avait participé à l’ensemble musical. Elle est très croyante elle aussi. Elle dit : « Laura, mon fils, ses deux fils et moi nous ferons de la musique au cimetière. Nous sommes quatre et nous allons bien nous préparer. Mon fils m’a dit : Maman, il faut que nous le fassions pour Laura. J’ai un agenda très chargé, mais ça ira ».

Une grande joie m’envahissait : quel amour ! L’amour de la dame, l’amour du fils, l’amour de Dieu.

Grâce à cet amour, de nombreuses personnes ont pu participer à ce moment « Poésie § Musique au cimetière ». Elles étaient cent vingt. Une ancre gigantesque était placée au lieu de réunion. Le thème, c’était l’ancre. Et une ballerine dansait discrètement sur la musique tout en douceur. C’était magnifique.

En fin de compte, c’est l’amour qui a eu le dessus !

Quand je relis ce récit, je me rends compte qu’au cours de ce projet j’étais prise continuellement entre le désir d’aimer Jésus sur la croix, là où il s’est senti si abandonné, et la tension à l’unité. Au moment même j’avais une grande persévérance, la certitude que tout allait se terminer bien. Dieu a cheminé avec moi ! J’en suis heureuse.

C.P.

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