Michel : Je suis arrivé en Belgique il y a plus d’un an pour mon travail en tant que spécialiste de données. Je m’appelle Michel.
Marie-Claire : Je suis la femme de Michel. Je suis arrivée du Liban il y a quelques mois. Je suis psychologue de l’éducation.
Nous avons tous les deux connu le mouvement des Focolari depuis notre jeunesse et avons assisté à de nombreuses Mariapolis au Liban. En arrivant en Belgique, nous avons eu la chance de rencontrer quelques membres du mouvement qui nous ont invités à la Mariapolis.
La situation du Liban
Nous sommes tous les deux Libanais. Peut-être connaissez-vous un peu le Liban, ce petit pays sur la Méditerranée, avec une bonne cuisine et une grande diversité religieuse et culturelle. La population libanaise est un mix de religions : il y a des chrétiens de différentes églises, des musulmans et des druzes. Il est très courant de voir une mosquée juste à côté d’une église, reflétant notre mélange complexe mais fascinant. La religion marque beaucoup le quotidien des Libanais.
Cependant, les divisions ont augmenté durant les 15 ans de guerre entre les années 75 et 90. Depuis, les différents groupes religieux se sont installés dans différentes régions. Chacun grandit dans sa circonscription, dans son école, dans ses quartiers, sans vraiment rencontrer l’autre, avec des préjugés qui se forment à propos des uns et des autres. L’inconnu que l’autre représente pour nous nous met mal à l’aise. Il devient plus facile de s’éviter que de se découvrir et de comprendre le lien humain qui nous unit. Mais on ne peut pas s’éviter éternellement. En fin de compte, nous vivons dans le même pays. Cela se produit généralement lorsque l’on s’inscrit à l’université.
Les études à l’université publique
Après ma licence en psychologie obtenue à l’université catholique, je me suis inscrite à un parcours de formation en sociologie à l’université publique. Le premier jour de cours, j’arrive en classe et me rends compte que je suis la seule chrétienne. L’aventure commence. Étant membre du mouvement des Focolari, j’avais entendu parler de l’unité dans la diversité. Mais c’était théorique, je ne savais pas ce que cela signifiait concrètement. Nous avions cours chaque jour, traitant de sujets sociologiques, et la religion était souvent au centre de ces discussions. Il y avait une ambiance de respect particulier, et malgré nos désaccords sur de nombreux points, nous n’avions pas peur de nous confronter. Je suis très reconnaissante de cette expérience, car j’ai compris que c’est en vivant le quotidien ensemble que l’unité se fait, que le pont se construit.
Lorsque les vacances de Noël approchent, je suis surprise par la demande de mes collègues. Ils me disent : « Nous aimons beaucoup cette période, il y a une ambiance de joie et de paix qui remplit les rues. Nous aimerions en savoir plus sur comment et pourquoi vous fêtez Noël. » J’ai donc proposé d’organiser une petite rencontre en classe le dernier jour de cours avant les vacances pour partager quelques traditions de Noël. Je prépare un dessert spécial pour le réveillon, chaque collègue propose d’apporter quelque chose, et nous nous réunissons. Je me retrouve à leur raconter l’histoire de la naissance de Jésus. C’était vraiment un très beau moment.
Quelques mois plus tard, c’était mon tour avec l’arrivée du Ramadan. Je n’ai pas hésité à accepter les changements de programme que mes collègues demandaient. J’ai appris à respecter leur jeûne, malgré quelques maladresses. Une de mes collègues m’a même invitée à faire le Suhur (le repas pris par les musulmans tôt le matin avant de jeûner pendant le Ramadan) avec elle dans son village. D’ailleurs, nous sommes restées très amies. C’est même grâce à elle que j’ai pu finir mon mémoire de fin d’études. Malgré le fait que nous ne nous voyions plus en classe, nous continuions à nous soutenir. Le Liban a traversé des moments très difficiles ces dernières années et cela était un véritable poids pour moi. Lorsque cette amie a appris que j’avais du mal à me concentrer pour écrire mon mémoire, elle m’a proposé de m’aider à le relire. Je l’ai invitée à ma présentation de mémoire, et elle est venue, malgré la distance. Vivre ensemble nous a permis de construire un pont solide, et nous continuons à désirer nous retrouver, que ce soit d’un côté ou de l’autre, ou sur le pont lui-même.
La rencontre avec la différence
Michel : Moi aussi, j’ai vécu la rencontre avec l’autre et la différence lors de ma spécialisation. Fin 2021, j’ai quitté le Liban pour suivre un Master of Business Administration en France. Le programme que j’ai choisi était international, ce qui signifie qu’il regroupait des étudiants du monde entier. Dès la première semaine, j’ai remarqué la diversité de notre classe. Nous venions des quatre coins du globe : de l’Inde, d’Amérique latine, d’Asie de l’Est, etc. Il y avait huit Libanais, et comme c’est souvent le cas au début, des groupes se sont formés en fonction des nationalités.
Après une semaine de programme MBA, j’ai vu le potentiel de chacun, mais le groupe semblait plus individualiste que collaboratif. Ça ne me plaisait pas. Curieux des différentes cultures et croyances, j’ai changé de place toutes les deux semaines pour mieux connaître mes collègues. Au bout d’un mois et demi, j’arrivais à comprendre les valeurs de chaque groupe. Malgré des parcours différents, nous partagions des expériences similaires au quotidien. Je croyais que nous pouvions profiter au maximum de cette période en nous soutenant mutuellement.
En me déplaçant entre les groupes, j’ai trouvé des points communs et encouragé les liens. Petit à petit, la classe est devenue plus collaborative. J’ai aussi fait des efforts supplémentaires. Un matin glacial, un camarade qui habitait loin devait se lever très tôt pour les cours. Heureusement, j’habitais plus près et je n’avais pas besoin de me lever aussi tôt. Puis, nous avons reçu un email annulant le cours. J’ai vu une photo de mon camarade dans le salon de l’université, en tongs parce qu’il avait dû sortir en vitesse. Par chance, il faisait ma pointure, alors je lui ai proposé mes chaussures et mes chaussettes, et je me suis assuré d’arriver tôt. Nous sommes devenus de très bons amis et avons ensuite voyagé ensemble en Europe.
J’ai aussi aidé mes camarades en finance et comptabilité. Avec mon expérience dans ces matières, je voulais que tout le monde ait les mêmes chances. Je ne me suis pas concentré sur la meilleure note, mais sur la réussite des autres. Nous étudiions souvent ensemble à la bibliothèque.