Quiconque est régulièrement en contact avec des jeunes découvre que beaucoup d’entre eux sont idéalistes. Ils aimeraient entreprendre quelque chose pour améliorer la situation dans le monde, mais sont souvent découragés d’emblée par la complexité et l’ampleur des problèmes. Certains y parviennent et démontrent ainsi que les jeunes ont un potentiel et des capacités qui leur permettent d’apporter des changements positifs.
C’est l’expérience de l’Institut Imelda, une école catholique de dialogue située à Molenbeek-Saint-Jean, dont 80 % des élèves sont des jeunes musulmans, souvent d’origine marocaine. Il y a une dizaine d’années, il est apparu que ce groupe d’adolescents était la cible de courants radicalisants et qu’il commençait à s’enfermer dans son propre cocon idéologique sans aucune forme de dialogue. Cette situation est devenue préoccupante. Le conflit israélo-palestinien était un thème récurrent, avec l’idée que « l’Occident nous attaque », mais que « nous allons renverser la situation ». Et là où la relation était auparavant confiante, une pensée « nous contre eux » s’est développée.
Préoccupé par cette évolution, l’Institut Imelda a lancé le projet « Ambassadeurs du dialogue ». L’objectif était de proposer un autre discours, un discours de dialogue. Mais cela devait se faire de manière à former ces jeunes à adopter une attitude ouverte et constructive dans la société. Il a été décidé d’organiser un voyage d’immersion pour une vingtaine d’élèves, dont la moitié étaient musulmans et l’autre moitié chrétiens ou d’autres confessions. En collaboration avec le Carmel High School de Haïfa, une subvention a été obtenue dans le cadre du programme européen Erasmus+. Le voyage d’immersion a été précédé d’une année de formation au dialogue.
Quelques semaines après le début de l’année de préparation, en février 2016, les attentats de l’aéroport de Zaventem et de Bruxelles ont eu lieu le 22 mars. Tout Bruxelles était en émoi, en particulier Molenbeek-Saint-Jean, d’où étaient originaires les auteurs des attentats. C’est dans ce contexte que s’est déroulée la préparation du premier voyage d’immersion en Israël et en Palestine, qui a eu lieu du 1er au 9 mars 2017. L’impact a été extrêmement positif. Nous avons vu des jeunes en phase initiale de radicalisation se transformer en véritables « ambassadeurs du dialogue », un impact qui s’est propagé à l’ensemble de l’école. Il a été décidé de réitérer le projet tous les deux ans. Cependant, en raison de la pandémie de coronavirus, la deuxième édition n’a pu avoir lieu qu’en 2022. Le troisième voyage d’immersion, prévu en 2024, a été reporté à 2025 en raison de la guerre. Lorsque cela s’est avéré impossible, il a fallu rechercher une organisation partenaire dans un autre pays. Du 21 au 30 avril, le troisième voyage d’immersion des « Ambassadeurs du dialogue » s’est déroulé au Maroc, avec 13 jeunes et 7 accompagnateurs adultes. Le partenaire choisi était la « Joyeuse Union de Kénitra », à Kénitra au Maroc. Il s’agit d’un institut de formation qui propose aux jeunes mères, souvent célibataires, une formation d’un an sanctionnée par un diplôme reconnu de puéricultrice. Cela leur permet de mener une vie indépendante. La visite de trois jours chez ce partenaire et à l’école Don Bosco qui y est associée était au cœur de ce voyage d’immersion. La passion et l’enthousiasme des formateurs, qui font de cet institut de formation une véritable famille, ont fait forte impression, tout comme le fait de voir que l’on peut accomplir beaucoup avec peu de moyens.
Un deuxième moment fort a été la visite de l’« Horizon des Handicapés » à Ouazarzate, dans le sud du Maroc, un institut fondé il y a plus de quarante ans avec le soutien de la Belgique. Il propose des traitements, de la kinésithérapie et des prothèses aux enfants handicapés. Après un trajet en bus de quatre heures, la déception était grande lorsque nous avons découvert que les enfants étaient partis en excursion. Au lieu de se laisser abattre, nous avons réalisé des dessins avec leurs noms et aménagé un coin avec des cadeaux. Lorsqu’il est apparu qu’il y avait un grand manque de matériel pédagogique, il a été décidé d’organiser une collecte en Belgique et de le leur faire parvenir.
Les nombreuses rencontres et visites de lieux historiques ont mis en évidence la richesse culturelle du Maroc, riche par sa beauté mais aussi par son histoire de dialogue et de cohabitation entre différentes religions. Cela s’est clairement manifesté dès le début du voyage, lors de la visite de la mosquée Hassan II et de la synagogue de Casablanca, puis plus tard lors de la visite de la cathédrale catholique de Rabat, ainsi que lors de la visite de la ville historique de Fès, qui abrite la plus ancienne université du Maroc. À plusieurs reprises, lors de nos conversations avec les personnes que nous avons rencontrées sur place, nous avons entendu la phrase « Nous sommes tous humains », et il est également ressorti de ces conversations que l’actuel roi Mohammed VI s’engage fortement en faveur du dialogue interreligieux et de la tolérance.
Une fois encore, le cadre d’un voyage d’immersion s’est avéré très approprié. Passer dix jours ensemble, avec chaque jour un apport surprenant et enrichissant, et la possibilité d’échanger à ce sujet, crée un lien entre les participants. Nous avons vu s’épanouir de jeunes participants qui se qualifient désormais consciemment d’« ambassadeurs du dialogue ». Forts de cette conviction intérieure, ils peuvent offrir une orientation à leurs pairs.
Après dix ans d’«Ambassadeurs du dialogue », dont trois voyages d’immersion, nous pouvons affirmer qu’il s’agit d’une formation à la citoyenneté. Mais une citoyenneté « inspirée et inspirante » : les jeunes ont la possibilité de se connecter au potentiel positif qui est en eux, et inspirante dans le sens où ils sont ouverts et constructifs dans leur environnement, qu’ils rayonnent et ont un impact. Nous constatons cela chez les participants au premier et deuxième voyage d’immersion. Deux d’entre eux ont ensuite organisé eux-mêmes un voyage d’immersion, l’un en Israël et en Palestine, l’autre en Jordanie.
Après dix ans, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une expérience encourageante qui, espérons-le, continuera à se développer à l’avenir.
Ton Jongstra