Durant huit jours, fin juin, j’ai vécu une merveilleuse semaine de méditation à Aussois en Savoie. Sous la conduite d’Hélène Lathuraz, responsable « Laudato Si » pour le diocèse de Namur, nous étions onze personnes venant des quatre coins de la Wallonie et du Brabant.
Covoiturage écologique pour s’y rendre ou circuler sur place, la semaine a été un long et profond émerveillement de la Création, notre Maison commune. Tout est lié. La Création est un geste d’amour à toute l’humanité d’un Dieu qui nous aime et nous en a fait le don. Entre projections vidéo le matin avant de partir, marche avec explications botaniques et doucement scientifiques sur la nature montagnarde, et méditations dirigées par moment et silencieuses en d’autres moments, nous entrions progressivement dans le sein divin de cette mystique de la Création : la Parole de Dieu, le Verbe présent à tous.
Au départ, se mettre en route car : LS (Pour Laudato Si) 217 : « S’il est vrai que les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands, la crise climatique …. ». Ensuite l’émerveillement et l’entrée dans la gratitude (Ps 103) devant la Création. Puis, vient le soin à la Création, être à l’écoute à la fois de la clameur de la terre et à la fois de la clameur des pauvres (LS 19). Se reconnecter à la Création amène à la communion universelle.
Nous vivons une journée entière à « Rêver » avec le prophète Isaïe : « Le loup habitera avec l’agneau. Et la panthère se couchera avec le chevreau… » (Is 11, 6-9). Dans le plan de Dieu-Trinité, tout est possible. C’est l’eschatologie où nous sommes invités à entrer par le Verbe de Dieu ressuscité. Pour terminer cette semaine méditative : changer, se changer, changer d’attitude vis-à-vis de la Création. Le soir, lors de l’eucharistie célébrée ensemble autour de Fernand, prêtre, le partage dans le respect de chacun nous amenait une respiration spirituelle où nous montions vers le soin à accorder à la Maison commune et aux pauvres. Durant la journée, en effet, il y avait eu du contenu humain et spirituel que nous déposions maintenant sur l’autel. Le repas pris en commun était végétarien et fait de produits locaux sous la houlette de Nicolas, cuisinier hors pair. Moi qui suis un carnivore, j’en suis revenu emballé.
C’était une belle et grande expérience que je ramène dans mon sac à dos et que je vous ouvre maintenant. J’en suis revenu transformé et aussi grandi grâce à mes compagnons. A notre retour, nous étions comme Pierre, Jacques et Jean après la transfiguration du Seigneur : ébahis, transformés. A l’un de nous qui me pose la question : « Tu vas continuer à regarder les fleurs pendant encore une semaine ! », je réponds : « Elles seront aussi belles mais n’auront pas le même goût ».
La semaine suivante, me voici en Haute Savoie pour une seconde période non de méditation mais scientifique celle-là : botanique, géologie, bryologie, phytosociologie (association des plantes entre elles). Je suis avec deux sociétés de naturalistes de Charleroi et de la Haute Lesse. De très haute facture scientifique. J’y approfondis mes connaissances en botanique de terrain.
Mon expérience durant cette semaine se vit en deux phases. La première : cette quarantaine de personnes du groupe est particulièrement ouverte à l’échange de ses connaissances naturalistes. Une merveille d’enseignement. Pour certains, professionnels de la chose, pour d’autres de grands amateurs très précis.
La seconde : nous sommes logés dans une grande chaîne hôtelière qui emploie essentiellement du personnel étranger. Le matin comme le soir, à la salle à manger, j’échange quelques mots avec ce personnel. Ainsi, un mot à la personne bulgare de l’accueil : БЛАГОДАРЯ (Merci – BLAGODARYA). Dans la salle de buffet, un membre du personnel avec qui j’ai lié depuis quelques jours une conversation, m’a dit être originaire de Guinée Conakry. Le matin de mon départ, il me dit : « Vous partez aujourd’hui ? » « Oui ». Il me répond « Ah » un ah tellement profond …. Je le questionne : « Pourquoi cet AH ? » « Vous êtes le seul qui nous parlez ici ! » J’en avais des picotements dans les yeux. Les pauvres, les pauvres.
Yves Storder, botaniste